FOOTBALLComment Queiroz a révolutionné le foot portugais (même si on a oublié)

Coupe du monde 2018: «Une influence mais pas de résultats», ce que le foot portugais doit à Carlos Queiroz

FOOTBALLLe sélectionneur iranien a toujours regretté que son rôle dans l’histoire du foot portugais ne soit pas d’avantage reconnu au pays…
Julien Laloye, avec W.P

Julien Laloye, avec W.P

De notre envoyé spécial à Moscou,

On imagine les supporters du Portugal plutôt confiants avant le match face à l’Iran. Un petit nul et ce sera bon pour la qualif. Ils feraient bien de se méfier, pourtant. En face, un homme prépare sa vengeance contre ce pays ingrat depuis des mois. Alors que 99,6 % de la population mondiale (et 99,9 % des Islandais) pense que José Mourinho a inventé le foot portugais, Carlos Queiroz - le sélectionneur de l’Iran - s’agite dans son coin pour rappeler qu’il a découvert le nouveau monde avant lui. Comme si l’histoire n’avait retenu que Magellan pour oublier Vasco de Gama, en quelque sorte.

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Précurseur oublié avant Mourinho ?

Le bonhomme a essayé de prendre sa part de lumière dans une interview accordée avant la compétition au journal El Pais. C’est très intéressant à la lecture, mais totalement imbitable si on veut résumer. Ça donnerait quelque chose comme ça

« « J’ai dû me battre de toutes mes forces pour créer la première maîtrise en méthodologie d’entraînement de foot en 1982, à l’université de Lisbonne. J’ai étudié toutes les écoles de football, l’école sud-américaine, l’école d’Europe méridionale, l’école d’Europe septentrionale, l’Angleterre, l’Allemagne, et aussi les concepts d’entraînement des pays de l’est. Ca m’a donné l’idée de créer un enseignement que j’ai appelé "la simplification de la structure complexe du jeu", basé sur trois éléments. Les espaces, le temps, et le nombre de joueurs. Ces trois conditions réunies permettaient d’aboutir au jeu collectif et à la cohésion d’équipe. J’ai pu appliquer cette méthode dés 12-13 ans avec la génération de Rui Costa, Figo, Sa Pinto, et on a gagné deux Coupes du monde des moins de 20 ans ». »

Les premiers trophées d’une sélection portugaise à l’échelle internationale. Manuel Sergio, philosophe et ancien professeur de la Faculté de motricité humaine de l’université technique de Lisbonne, et accessoirement mentor de José Mourinho, confirme le rôle prépondérant de Queiroz dans l’émergence de la Seleção.

« « Ce qu’il a apporté de nouveau c’est assurément la systématisation du football portugais. Il a été déterminant dans la structuration et la professionnalisation du travail des équipes nationales au sein de la fédération, c’est quelque chose qu’on ne peut pas lui retirer. Carlos Queiroz fait partie d’une génération d’entraîneurs avec Jesualdo Ferreira (ex-Porto et Sporting) qui a compris que nous n’avions pas assez développé certaines techniques d’entraînement, notamment dans le domaine de la préparation physique et qui a cherché à y remédier ». »

Des préceptes que Carlos Queiroz n’arrivera jamais à transposer chez les A malheureusement. Une première fois au début des années 90, quand la Fédération lui confie en toute logique d’accompagner la génération qu’il a formée jusqu’à la Coupe du monde 1994. Le Portugal perd le match qu’il ne fallait pas perdre contre l’Italie, à la manière des Bleus face aux Bulgares. Une seconde fois en 2008, quand il revient au chevet de la sélection désormais emmenée par CR7. Ce dernier est un autre « élève » de Queiroz, alors adjoint de Ferguson à Manchester, et apprécie beaucoup le dévouement de son compatriote pour l’emmener tout en haut en Angleterre. Sauf qu’au Portugal, tout le monde semble avoir oublié l’élégant entraîneur. Queiroz, le regrettera publiquement dans les médias locaux.

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La défaite contre l’Espagne en 2010 toujours pas digérée

« Quand j’ai commencé à lire dans les journaux que le nouveau sélectionneur était l’adjoint de Manchester United, j’ai senti qu’il aurait été nécessaire que la fédération fasse un travail pour expliquer qui était, de fait, le nouveau sélectionneur [sous entendu, le mec qui a gagné deux fois la Coupe du monde avec les U20]. Aujourd’hui nous avons des joueurs, des dirigeants, des journalistes qui n’ont pas idée de qui est Carlos Queiroz. Quand je suis revenu en 2008, je n’étais que l’adjoint de Ferguson. »

Le garçon en garde une rancœur tenace. On revoit d’un autre œil cette scène un peu surréaliste le soir d’Espagne-Iran, la semaine passée. Queiroz est en conférence de presse, et il évoque le but refusé à son équipe par la VAR. Tout va bien, jusqu’à cette digression improbable sur le Mondial 2010, quand son Portugal avait été sorti sans gloire par l’Espagne en 8e, sur un but discutable de Villa.

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« « Si la VAR avait existé en Afrique du Sud, l’Espagne aurait été éliminée. Il y a eu un but hors-jeu accordé à l’Espagne qui a éliminé le Portugal. Ce que je veux dire, c’est que la VAR est arrivée trop tard. Je me suis battu pour la vidéo pendant 20 ans. Mais ça fait mal de se rappeler que ce but a été marqué en position de hors-jeu ». »

Petit malaise chez nos confrères ibères qui n’ont pas vu venir la référence à la préhistoire, et relance de Carlos : «Ce n’est pas offensant de vous rappeler que le but de Villa a été marqué en position de hors-jeu, si ?​ ». Il y a tout dans cette remarque. Les regrets, la peine, le ressentiment, sûrement d’avoir été privé de quelque chose avec la sélection portugaise, peut-être d’un exploit qui lui aurait enfin valu la reconnaissance dans son pays natal.

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« Il a gagné deux fois la Coupe du monde avec les jeunes en 1989 et 1991, ce n’est pas rien. Mais les gens font plus attention aux résultats chez les seniors, où il n’a pas eu de succès notables, reconnaît Manuel Sergio. Il a eu une influence sur ce qu’est devenu le football portugais, c’est vrai. Mais pas de résultats. En plus de ça, il faut ajouter qu’est apparu José Mourinho, un surdoué, qui a tout gagné avec Porto et qui est ensuite parti gagner à l’étranger. Mourinho représente un cap épistémologique dans le football portugais et a fait bien plus pour l’acceptation de l’entraîneur portugais à l’étranger que n’a pu le faire un Queiroz ». Ce n’est pas trop tard, encore, pour gagner l’estime du public portugais. Même si ça doit passer par une élimination de la Seleçao avant l’heure.