FOOTBALLRacisme, hooliganisme, homophobie, faut-il craindre le pire au Mondial?

Coupe du monde 2018: Racisme, hooliganisme, homophobie... Les pires fantasmes autour de la Russie vont-ils se réaliser ?

FOOTBALLLa capacité de la Russie à organiser une Coupe du monde sans incident sera scrutée par le monde entier...
Julien Laloye

Julien Laloye

L'essentiel

  • Avant le début de la Coupe du monde, les inquiètudes sont vives sur l'organisation de ce Mondial par la Russie.
  • Les communautés LGBT, les associations anti-racistes ainsi que les supporters craignent des violences.
  • 20 Minutes fait le point sur toutes ces questions.

De notre envoyé spécial en Russie,

C’est une Coupe du monde qui sent le soufre depuis le début, même si maintenant qu’on y est, il faut bien avouer qu’elle donne envie. Mais c’est surtout parce qu’une Coupe du monde donne toujours envie. Celle-ci un peu moins que les autres?

Cela tient surtout au contexte et aux mauvais souvenirs. Ceux des supporters russes en opération militaire à Marseille, par exemple. Celui de certains cris de singe qu’on aurait préféré ne pas entendre lors du dernier match amical des Bleus à Saint-Petersbourg, aussi. 20 Minutes fait le point sur les craintes légitimes, mais pas forcément avérées, sur l’hôte de la 21e Coupe du monde de l’histoire.

Les membres de la LGBT devront-ils se la jouer discret ?

Le contexte légal d’abord. La riante démocratie russe, qu’on ne se permettra pas de juger ici, dispose dans son arsenal d’une loi ouvertement homophobe assez complexe à appréhender. Pour faire court : la loi en question interdit « la propagande homosexuelle auprès des mineurs ». Au pied de la lettre, cela voudrait dire que se rouler un palot devant les petites jumelles Anastasia et Elena dans le parc Gorki se finirait par un aller sans retour quelque part dans un camp de rééducation en Sibérie.

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Dans la pratique, c’est un peu moins effrayant. Renseignements pris, seules sept personnes ont été arrêtées pour ce motif en 2017 pour trois condamnations à des amendes, toutes visant des activistes de la cause LGBT. Il semble, peu probable, donc, que des fans étrangers terminent au cachot cet été.

« Les organisateurs du Mondial ont assuré plusieurs fois que les personnes issues d’une minorité sexuelle seraient bien traitées et qu’elles auraient le droit de venir au stade avec un drapeau arc-en-ciel, nous confirme Alexander Agapov, président de la fédération des sports LGBT à Moscou. Ce ne sont que des assurances verbales et loi continue d’exister, mais je pense que la police aura reçu des instructions en conséquence ». »

On en vient ensuite à la perception morale de l’homosexualité en Russie, un pays qui passe pour très conservateur aussi dans les mœurs à ce sujet. Personne n’a oublié la menace voilée d’Alexandre Shprygin, l’une des têtes d’affiches du hooliganisme russe, un peu plus tôt cette année dans Le Parisien : « Les gays doivent respecter la culture du pays qu’ils visitent. Tu peux venir avec ton ami, prendre la même chambre, mais il ne faut pas s’embrasser ou se tenir la main sur la place Rouge ».

Le fameux symbole du couple gay qui ne pourrait pas se balader main dans la main sur la place la plus emblématique de Russie sans risquer l’agression ou les remarques désagréables. Vrai ou exagéré ?

« Il y a des villes et des endroits dans les villes qui sont plus recommandables que d’autres, juge Agapov. Il faut se préparer à l’homophobie et à la xénophobie ordinaires de certains citoyens russes. Mais après tout ce qui a été dit, pensez-vous que beaucoup de couples du même sexe vont venir assister à la Coupe du monde en Russie ? Je pense qu’il y en aura très peu, que ça se passera bien pour eux et que cela permettra à la Russie de dire après le Mondial : "vous voyez, il ne s’est rien passé, c’était encore de la propagande des médias occidentaux". » »

En attendant, Fare, l’ONG de référence sur le racisme et les discriminations dans le football a tout de même pris le soin de publier sur son site un guide à l’usage des minorités ethniques et sexuelles avant leur éventuel départ en Russie. Parmi les quelques conseils glissés à la volée :

  • Ne pas participer à tout ce qui ressemblerait à une manifestation de défense des droits des LGBT
  • Se méfier des applications de rencontre réservées à la communauté homosexuelle, où certains profils cacheraient en fait des militants anti-gays prêts à partir à la baston
  • Toujours avertir un proche avant un déplacement ou un rendez-vous en cas de « disparition » soudaine

Va-t-on entendre des cris de singe en tribune ?

C’est l’autre angoisse des autorités russes, peut-être la plus importante parce que potentiellement la plus visible. Les fameux cris de singe qui accompagnent souvent les matchs du championnat russe et qui s’entendent distinctement quand on regarde le match à la télé. La fédération russe assure avoir pris le problème à bras-le-corps depuis plusieurs saisons déjà, sans succès apparent. L’ONG Fare a recensé pas moins 89 incidents racistes autour des matchs en Russie sur la saison 2016-2017.

Le dernier en date ? Il a eu une résonance internationale, puisque c’était pendant la rencontre amicale du mois de mars entre la Russie et la France. Des photographes français ont assuré avoir perçu des cris racistes quand Ousmane Dembélé touchait le ballon, alors que les téléspectateurs ont pu entendre des bruits aussi désagréables quand Pogba participait au jeu dans le dernier quart d’heure.

La fédération russe sanctionnée après Russie-France

Des cris isolés (plusieurs supporters tricolores assurant n’avoir rien perçu en tribunes, comme les membres du staff des Bleus depuis le banc de touche) qui ont débouché sur une véritable enquête. Cette dernière a décidé de sanctionner la fédération russe d’une amende de 25 000 euros « à la suite d’une enquête exhaustive et notamment du visionnage de preuves vidéo », mentionnant « la gravité de l’incident », mais aussi « le nombre limité de supporters impliqués ».

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Ilia Artemiev, spécialiste des questions liées aux discriminations raciales sur le foot au sein de l’ONG russe Sova, estime que pareil comportement ne devrait pas se reproduire pendant le Mondial :

« Les incidents racistes lors du match entre la Russie et la France m’ont beaucoup surpris, parce que le public des matchs de l’équipe nationale n’est pas le même que celui des clubs russes et ses supporters les plus durs. Les autorités semblent avoir fait ce qu’il fallait en élaborant un savant système d’accréditation avec notamment une carte d’identité du supporter qui devrait permettre d’écarter les éléments les plus radicaux des matchs. Ceux qui parviendront à rentrer dans le stade seront sans doute éloignés les uns des autres et passeront inaperçus » »

Encore une fois, c’est avant tout la différence culturelle qu’il faut avoir en tête. Plusieurs supporters ou joueurs ayant déjà mis les pieds en Russie ont déjà témoigné d’une curiosité maladroite à l’égard des personnes de couleur dans certaines parties du pays, où la population est blanche à 99 %. Cela risque donc de faire un choc quand des milliers de supporters des équipes africaines vont débarquer dans des petites villes jusque-là hermétiques au multiculturalisme.

L’ONG Fare, dans son petit fascicule destiné aux minorités, prévient d’ailleurs que « les Russes sont moins sensibles aux insultes racistes et peuvent parfois manquer de tact envers les Noirs ou les Asiatiques. Le mot "nègre" qui est utilisé pour parler des personnes de couleur ne souffre d’aucune connotation négative ».

Les supporters anglais vont-ils se faire massacrer en nombre par les hooligans locaux ?

Personne n’a oublié les scènes de guerre civile sur le Vieux Port à l’Euro-2016, quand les hooligans russes avaient décidé d’aller se frotter à la crème de la crème, au moins dans leurs mémoires. Sauf que les hooligans britanniques ont vieilli et que Scotland Yard avait fait son boulot, à la différence des autorités russes qui n’avaient pas vraiment fait le tri parmi leurs cas sociaux avant la compétition.

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Cela devrait être bien différent sur le sol national. « Je ne pense pas que les supporters de l’équipe d’Angleterre courent le moindre risque, juge Ilia Artemiev. Les autorités vont tout faire pour garder les hooligans les plus durs à la maison. La plupart des gens ici n’ont aucune animosité envers les Anglais, et puis de toute façon, il y aura des policiers partout, avec des instructions claires ». Manière polie de dire qu’au pays de tonton Vlad, la police n’a pas les ondulations précautionneuses de nos valeureux CRS et qu’elle a déjà commencé à faire le ménage, renforcée dans certaines localités par les cosaques, ces anciens guerriers du tsar transformés en espèce de milice d’extrême-droite à la solde du pouvoir.

Ne pas offenser les lieux de mémoire de la Seconde guerre mondiale

Cité par le Guardian, Serguei Gorbachev, leader d’un groupe de supporters de l’Arsenal Tula emprisonné après les incidents à Marseille, résume cette perestroïka soudaine du hooliganisme sur place : « La police cherche des noises à tous les supporters qu’ils ont identifiés, même s’ils ne sont pas spécifiquement interdits de stade. Le message est clair, c’est « restez chez vous pendant le Mondial ou vous aurez des ennuis ».

Alexander Shprygin a indiqué lui-même à l’émission Quotidien qu’il ne se risquerait pas à s’approcher d’un stade, laissant entendre qu’il avait reçu une visite à la maison et qu’elle n’était pas juste de courtoisie. Une anecdote révélatrice qu’on a vu passer il y a quelques temps: lors d’un derby moscovite un peu chaud qui s’était terminé par un échange de mandales en bonne et due forme, certains supporters ont été condamnés sur la simple preuve que leurs téléphones portables bornaient non loin des lieux de bagarre identifiés par le ministère public.

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Cela n’a pas suffi à rassurer les fans des Trois Lions, qui ont boudé les demandes de billets alors qu’ils se déplacent habituellement en masse. Pour les 30.000 qui ont choisi de jouer avec leur vie, la Grande-Bretagne croise les doigts pour que ça se passe comme d’habitude : une équipe nationale honteuse qui se fait sortir en huitièmes.

Mark Roberts, le boss de la lutte anti-hooliganisme outre-Manche a quand même donné un ou deux conseils à ses ouailles pour le premier match de la sélection à Volgograd, l’ancienne Stalingrad : « Je demande aux fans de se renseigner sur la culture locale. N’importe quel étudiant en histoire sait que la bataille de Stalingrad a fait des centaines de milliers de victimes chez les Russes. La question des monuments aux morts est très sensible. Ce serait très mal vu de les recouvrir de drapeaux de l’Angleterre juste pour marquer notre présence ». C’est toujours une gaffe de moins à faire.