Mondiaux de biathlon : Motivation en baisse, Norvégiens invincibles… pourquoi les Bleus sont dans le dur ?
BIATHLON•Bien loin des standards de 2021-2022, Quentin Fillon Maillet et Emilien Jacquelin comptent sur les mondiaux d’Oberhof pour se racheter et vaincre, enfin, leurs démonsWilliam Pereira
L'essentiel
- Les Mondiaux de biathlon 2023 ont commencé mercredi avec le relais mixte, où la France a décroché le bronze malgré des relais décevants de Quentin Fillon Maillet et Emilien Jacquelin.
- Les leaders de l’équipe masculine de biathlon peinent à retrouver leur meilleur niveau après une saison 2021-2022 de haut vol. A qui la faute ?
Les saisons passent, les habitudes changent. Au sommet de la gloire de Quentin Fillon-Maillet, pas plus tard que l’année dernière, il y avait un réel enthousiasme à allumer sa télé pour regarder du biathlon masculin. La certitude de la victoire et mieux, d’une hégémonie française que l’on n’espérait plus retrouver depuis le départ à la retraite de Martin Fourcade avait nourri une hype récompensée par une myriade de médailles olympiques et un gros globe de cristal pour QFM. Chez les femmes, les résultats étaient plus disparates. Pour une médaille d’or olympique de Justine Braisaz, combien de week-ends sans podium ?
Les courbes de l’engouement ont fini par se croiser rapidement au début de l’hiver 2022. C’est désormais devant les exploits de Julia Simon, actuelle leader de la Coupe du monde de biathlon, et du relais féminin que l’on vibre assidûment, et devant la banalité des performances masculines que l’on soupire. Messieurs peuvent remercier mesdames : cette saison, QFM n’est monté sur la plus haute marche du podium qu’à une reprise, sur le relais mixte de Pokljuka. Sur celui d’Oberhof, première épreuve de Mondiaux, il a carrément failli plomber tout un travail d’équipe en se trompant de chemin sur la ligne d’arrivée. Symbolique.
Reconnaissons-lui d’avoir su se hisser tout seul sur la 2e place de la poursuite de Pokljuka pour la première et seule fois de la saison. Pas de quoi redonner la joie de vivre à l’entraîneur de l’équipe masculine, Vincent Vittoz. « C’est en deçà de ce qu’il nous avait montré, donc on est forcément un peu déçu. Quand tu es numéro 1 en 2022, tu espères le rester en 2023. »
Jacquelin revient de très loin
Qu’espérer quand on est numéro 5 ? Certainement pas sombrer dans les abysses du peloton à l’image d’Emilien Jacquelin, très vite rattrapé par un mental imprévisible après deux premières étapes prometteuses (deux podiums en poursuite, un en sprint). « On est en train de le perdre », s’inquiétait carrément Vincent Vittoz, forcé d’envoyer son poulain se changer les idées après un enchaînement de l’enfer (voir photo) ponctué par une 64e place lunaire en Slovénie. Un choix payant malgré un niveau encore trop fluctuant, incarné par une poursuite – pourtant son point fort - à cinq fautes à Antholz et un relais médiocre mercredi, lors duquel il a réussi à foutre en l’air en deux tirs 55 secondes d’avance sur la Norvège durement obtenues par Julia Simon et Anaïs Chevalier-Bouchet. Pas très rassurant pour un homme qui se montrait particulièrement ambitieux avant le début des championnats.
« « L’ambition est de revenir avec une médaille dans le relais mixte ou masculin, je ne me cache pas. L’autre objectif est d’aller chercher le triplé sur la poursuite, je mets mon énergie pour ça, et j’y crois, je l’ai déjà fait deux fois. La concurrence n’a jamais été aussi rude, le biathlon mondial franchit un palier. Oberhof est un endroit compliqué, avec beaucoup de dénivelés et un pas de tir difficile. Mais j’aime les challenges, je suis très content de retrouver de la motivation intérieure pour ces championnats du monde. » »
Pas du luxe néanmoins que d’avoir un peu la dalle pendant ces Mondiaux tant les ressources mentales ont manqué aux deux locomotives bleues. Quentin Fillon Maillet nous avouait, à l’heure de la présentation des équipes de France à l’automne dernier, qu’il serait bien heureux de maintenir son niveau de 2022. Il pensait avoir la caisse pour. Erreur. « Je n’ai pas eu [la même motivation] depuis le début de saison, peut-être à cause de ma saison exceptionnelle, disait-il finalement lundi. Je pensais pouvoir repartir avec la même envie, mais ce n’est pas tout à fait ça. » Avec un impact assez net sur les ratios de tir et les temps de ski.
QFM en 2021-1922 :
87 % de précision au tir couché, 91 % sur tir debout, +1,1s/km sur le meilleur temps de ski
QFM en 2022/23 :
86 % au tir couché, 85 % au tir debout (habituel point fort), +3,4s/km sur le meilleur temps de ski
De son côté, Emilien Jacquelin a connu une régression comparable à celle de Fillon-Maillet sur les skis, ainsi qu’un déclin sur le tir debout (-3 % de précision, passant à 75 %) mais de légers progrès sur le tir couché (+1 %, passant à 88 %).
L’effrayante suprématie norvégienne
Des chiffres pas tout à fait catastrophiques par rapport au commun des mortels, mais quasi ridicules si on les compare aux machines norvégiennes, pour le moment hors d’atteinte. Au regard des chiffres, on comprend encore mieux pourquoi ils survolent la Coupe du monde.
Johannes Boe : +0,0s/km sur le meilleur temps de ski (vu que c’est lui le plus rapide)
Sturla Laegreid : 98 % de réussite au tir couché (!!!!)
Vetle Christiansen : seul à rivaliser avec Boe sur les skis (+1,7s/km)
Le relais hommes : 100 % de victoires
« La Norvège est favorite, commente Vittoz, en enfonceur de portes ouvertes. Mais on est capable de monter sur le podium, même si c’est un peu moins le cas que les années précédentes. » Le coach de l’équipe de France de biathlon compte sur les fruits du travail abattu lors du stage pré-mondiaux dans le Tyrol pour inverser la tendance. Les Français ont notamment bénéficié d’une piste de 40 bornes et de conditions parfaites pour travailler le tir.
« J’ai le sentiment que cette quinzaine a été bénéfique, après une période de Noël compliquée où on ne se sentait pas en hiver, on galérait à trouver des bonnes conditions d’entraînement… Je trouve les gars plus à même de répondre présent. » La première course de la semaine ne va pas dans ce sens. Il serait presque surprenant de voir l’un des deux leaders tricolores gratter une médaille individuelle masculine. A Oberhof, le frisson sera féminin ou ne sera pas.