BIATHLONMais pourquoi les biathlètes sont-elles dans le dur sur ces Mondiaux ?

Biathlon : Pourquoi les Françaises sont-elles dans le dur sur ces Mondiaux, et comment les tirer de là ?

BIATHLONLes Mondiaux d'Antholz sont pour le moins compliqués pour les biathlètes françaises
William Pereira

William Pereira

Traits détendus, sourire aux lèvres, Anaïs Bescond savourait jeudi sa médaille de bronze sur le relais mixte simple des Mondiaux au côté d’Emilien Jacquelin. Pour tout avouer, on a bien cru que cette première breloque pour l’équipe de France féminine n’arriverait jamais vu les courses précédentes. Un relais mixte plombé par Julia Simon et Justine Braisaz (une faute et huit pioches pour une 7e place finale), un sprint très décevant entraînant une poursuite guère meilleure, et surtout un individuel de l’apocalypse avec une seule Française dans le top 20 (Braisaz, 19e). Bref, la déprime totale. « Je suis dans une mauvaise passe, avouait Julia Simon au micro de La chaîne L’Equipe après le sprint. Ce sont des choses qui arrivent. Il faut juste réussir à relever la tête et j’en ressortirai plus forte… »

Il est bien là, le problème. A part Bescond, aucune des deux Juju ni Célia Aymonier n’ont pour le moment réussi à sortir la tête du seau. Mais pourquoi les Françaises du biathlon sont-elles autant à la ramasse en ce moment ? Pour nous aider à résoudre l’équation, nous avons fait appel à Marie Dorin​, consultante pour La chaîne L’Equipe et Sandrine Bailly, consultante pour Eurosport. Deux anciennes biathlètes de renom qui savent comment claquer des médailles mondiales puisqu’elles en comptent 25 à elles deux.

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C’est la grosse cata sur le pas de tir

Pas de grosse locomotive façon Denise Herrmann dans les rangs français, mais d’excellents temps de skis quand même à l’image de Justine Braisaz. Le problème de nos biathlètes vient exclusivement du pas de tir. En tenant compte uniquement des trois courses individuelles, nos deux moins bonnes tireuses, Simon et Braisaz, comptent 14 fautes, soit un peu plus de 4,6 par course en moyenne. Inutile de vous dire qu’avec ça, vous n’allez nulle part.

Marie Dorin : « Le niveau de tir des Françaises est très aléatoire et ça procure un énorme sentiment de frustration. On sait qu’elles ont le potentiel de faire bien mieux, en tout cas elles ne sont pas limitées par leur temps en ski. Mais il y a une fragilité sur le tir et moi, j’ai la sensation que quand elles se retrouvent face à une cible, il y a énormément de questions qui leur traversent l’esprit. »

Instabilité émotionnelle et structurelle

On n’invente rien en disant qu’à ce niveau d’entraînement et de pratique, une telle défaillance au tir relève du domaine psychologique. Les filles sont entrées dans un cercle vicieux dont il est difficile de se sortir. Mais sur le plan structurel, il y a aussi à redire : en trois ans, elles ont connu trois coachs de tir différents. Quand on sait que l’équipe masculine norvégienne a mis une grosse saison à s’adapter aux méthodes de Siegfried Mazet...

Marie Dorin : « Un changement d’entraîneur, c’est un changement de discours. Après, l’athlète doit savoir faire le tri dans ce qui est dit et bonifier un peu tous les discours, savoir ce qui est bon pour lui, mettre de côté ce qui ne lui semble pas approprié… Je pense qu’elles ont confiance en leurs entraîneurs, qu’elles travaillent dans la bonne direction mais qu’en ce moment, la spirale est compliquée. Un mauvais tir appelle un autre mauvais tir et elles ont du mal à se sortir de ça. »

Sandrine Bailly : « Elles ont changé d’entraîneur pour différentes raisons. La première fois c’était Jean-Paul Jaquinot, qui était en place depuis un bon moment et dont le discours commençait à devenir redondant. Peut-être qu’il y avait besoin de nouveauté. Après, il y a eu Vincent Poret, qui du coup avait un discours qui ne leur correspondait pas forcément. Et là, il y a Franck (Badiou) qui est beaucoup dans la technique et l’analyse. »

Il manque une leader à cette équipe

Depuis le départ à la retraite de Marie Dorin il y a deux ans, il manque à cette équipe féminine une pointure, une leader. Une personne capable de régularité dans les résultats, de tirer le groupe vers le haut quand rien ne file droit et d’éponger la pression dans les situations de crise. Une Martin Fourcade à dimension plus humaine, moins extraterrestre, suffirait. Aujourd’hui, on a la sensation d’avoir quatre athlètes au fond du trou sans personne là-haut pour leur tendre une perche.

Marie Dorin : « Au sein du groupe, il n’y a pas vraiment de leader au niveau du tir et quand je parle de leader, je ne parle pas du niveau charismatique. On s’inspire toujours du meilleur à l’entraînement. Si le meilleur c’est quelqu’un qui tire moins bien, on s’autorise à moins bien tirer. Si le meilleur devient quelqu’un qui tire incroyablement bien à l’image de Martin, on s’habitue à ne plus rien lâcher. C’est peut-être ça qui leur manque, une exigence supplémentaire qui leur interdirait de rater une balle. »



Sandrine Bailly : « Le petit souci de cette équipe de France c’est qu’il n’y a pas forcément de leader. Là où chez les hommes, on a Martin qui est le parapluie, celui qu’on va regarder quoi qu’il arrive. Même s’il fait une saison pourrie, c’est qui qu’on attend ? C’est Martin. C’est qui qu’on interroge ? C’est Martin. C’est le paratonnerre, il a permis aux autres garçons de monter en puissance comme il faut. Là, les filles qu’on attend, ce sont les plus jeunes finalement. Du coup, il faut qu’elles arrivent à composer avec ce phénomène. »

Comment se sortir de cette impasse ?

En gagnant. Anaïs Bescond a peut-être ouvert une faille avec le relais mixte simple. Il reste deux courses avant la fin des Mondiaux. Le relais et la mass start. Sur les deux formats, les Françaises ont des atouts à faire valoir. A condition de se remettre dans le bon sens d’ici là.

Sandrine Bailly : « Quelque chose doit se créer dans ce relais féminin, car elles ont toutes quelque chose à rattraper, et c’est quand même très sympa d’essayer de relancer la machine ensemble. J’espère juste que ça ne fasse pas l’effet inverse. Qu’elles prennent ça du bon côté sans se dire "oh la, la, on n’a plus le droit à l’erreur, il faut à tout prix qu’on fasse la médaille" et que ça leur trotte de manière négative, alors qu’en fait, il faudra juste jouer ce relais et y croire jusqu’au bout. »