JO 2018: Il y a l'or au bout, mais c'est pas facile, un relais avec Martin Fourcade... N'est-ce pas Anaïs Bescond?
JEUX OLYMPIQUES•Anaïs Bescond a un peu craqué face à la pression. Elle a toutefois limité la casse pour maintenir le relais français à flots...Jean Saint-Marc
L'essentiel
- Martin Fourcade et les Bleus ont remporté la médaille d'or sur le relais mixte.
- Simon Desthieux, Marie Dorin et le désormais quintuple champion olympique ont rattrapé un relais raté d'Anaïs Bescond.
De l’un de nos envoyés spéciaux à Pyeongchang,
On a eu du poncif de footeux, ce mardi soir, après l’étincelante victoire des Français sur le relais mixte. Simon Desthieux a « pris les balles les unes après les autres. » Martin Fourcade a « à cœur de bien finir les Jeux. » Marie Dorin veut « continuer à se faire plaisir. » Alors allons-y gaiement, dans le poncif. Comme tout le monde, Martin Fourcade a deux bras et deux jambes. Mais il n’est pas fait du même bois que nous. (Doublé).
Tout journaliste que l’on est, froid et objectif comme un instituteur de la troisième République, on se laisse un peu emporter par l’émotion de ce titre olympique, on se surprend à fredonner la petite musique que les organisateurs diffusent pendant la cérémonie des fleurs. On fredonne et Martin Fourcade esquisse un sourire, un petit saut sur le podium, et c’est à peu près tout.
Bref, nous voilà nous, journaliste Instagrammeur de rien du tout, émotionné comme un premier communiant. Et lui, froid et glacial comme d’habitude, qui enchaîne les câlins en mode robot. Il va même consoler les Allemands (quatrièmes) et s’enquérir de leur recours contre les Italiens (rejeté). Il est évident que le robot ressent aussi d’incroyables émotions… Elles sont justes camouflées sous une petite combinaison aussi fine que seyante. Et sous 30 couches de « self-control ».
« J’ai évité le pire »
Anaïs Bescond essaye aussi de camoufler tout ça. Dans cette même zone d’arrivée, on la voit avec un grand sourire, puis des larmes de joie, puis des larmes tout court. La deuxième relayeuse française sait pertinemment qu’elle a complètement raté sa course. Ses entraîneurs et partenaires aussi, à mots plus ou moins couverts
- Martin Fourcade (quintuple médaillé olympique et patron du biathlon mondial) : « On sait qu’on ne va pas passer dans les compiles sur "YouTube Best Shoot Ever"… On a été simples : Marie, Simon… Bon, Anaïs réussit un peu moins sa course. »
- Julien Robert (entraîneur des femmes) : « Ça galvanise d’être avec Martin… Mais ça met aussi de la pression, c’est le patron ! Les filles avaient peur. On a toujours peur d’être le boulet qui va bousiller la course. On a toujours peur de décevoir, de passer à la trappe. Nanass n’en était pas loin. »
Aïe. C’est sec. Mais ça ne se siffle pas. De toute façon Anaïs Bescond n’était pas loin de le dire elle-même. Et le pire, c’est qu’on n’avait même pas posé une question méchante :
« « Le tir debout, c’est un gros blanc. J’entendais que les cibles étaient quasiment bonnes, je ne voyais pas les erreurs que je faisais. J’en étais venu à me dire : « la cible doit être défectueuse ! » Quand j’ai commencé les pioches [balles supplémentaires], j’ai presque été déçue de toucher la cible. Merde, elle fonctionne bien. Et donc faut pas déconner et mettre les deux dernières. J’ai un peu honte d’être l’athlète qui a fait les quatre pioches [le maximum] alors que les trois autres ont fait un sans-faute. Donc voilà. J’ai au moins évité le pire : le tour de pénalité. » »
On la sent à bout, alors la relance se fait toute gentille : « Stéphane Bouthiaux [l’entraîneur] a dit qu’il fallait un gros mental pour mettre ses trois balles là. » « Ben voilà. Je dois quand même avoir quelques qualités de biathlète ! »
Cette cible-là est touchée.