BASKETBilal Coulibaly en plein « conte de fées », du championnat Espoirs à la NBA

NBA : Bilal Coulibaly en plein « conte de fées », du championnat Espoirs aux Wizards en moins d’un an

BASKETDans le sillage de la folie autour de Victor Wembanyama, son ancien coéquipier aux Mets 92, l’ailier de 19 ans réussit de bluffants débuts NBA avec Washington. La trajectoire vertigineuse de Bilal Coulibaly devrait le conduire aux JO de Paris 2024
Jérémy Laugier

Jérémy Laugier

L'essentiel

  • Outre le numéro un de la dernière Draft NBA Victor Wembanyama, le basket français savoure depuis un mois les débuts réussis d’un autre rookie tricolore, Bilal Coulibaly.
  • Ce polyvalent ailier de 19 ans, ancien coéquipier de « Wemby » la saison passée à Boulogne-Levallois, combine 8,5 points (à 52 % aux tirs), 4 rebonds et 2 passes décisives en moyenne avec les Washington Wizards.
  • Si son équipe est comme prévu l’un des cancres de la NBA, Bilal Coulibaly montre à quel point il est « un ovni absolu » puisqu’il n’évoluait que dans le championnat Espoirs en France il y a un an. Le voilà désormais avec un vrai rôle outre-Atlantique, et dans les petits papiers de Vincent Collet en vue des JO de Paris 2024.

From quelques séquences de jeu grattées dans l’anonymat en Betclic Elite contre Gravelines, Pau et Blois to les compliments appuyés de Giannis Antetokounmpo very quickly. Ainsi va la vie de Bilal Coulibaly : en novembre 2022, il venait de cumuler les 14 premières minutes (et 2 points) de sa carrière professionnelle sous le maillot des Mets 92. Seulement un an plus tard, le jeune ailier français est l’une des révélations actuelles en NBA, où il enchaîne les bluffantes performances avec les Washington Wizards (8,5 points à 52 % aux tirs et 4 rebonds en 26 minutes de moyenne).

Lundi soir, après un nouveau match costaud de sa part (12 points) malgré la défaite (129-142) contre les Milwaukee Bucks du « Greek Freak », le double MVP a dit de lui : « Il n’a pas eu peur de défendre sur Damian Lillard. Il a la bonne mentalité : il ne veut pas être flashy mais jouer extrêmement dur et aider ses coéquipiers. Le ciel est la limite ». Mais comment ce phénomène bien caché de 19 ans, ami de longue date de Victor Wembanyama, avec qui il évoluait dès la sélection U13 des Hauts-de-Seine puis la saison passée à Boulogne-Levallois, a-t-il connu une trajectoire aussi vertigineuse ?

« Il restait à sa place, hyper respectueux »

Car rien ne prédestinait le natif de Saint-Cloud à une exposition aussi brutale en Betclic Elite. Et donc encore moins dans la même année à un septième choix de Draft NBA. Son ancien coéquipier aux Mets 92, l’intérieur Steeve Ho You Fat, se souvient parfaitement de sa première rencontre avec Bilal Coulibaly, au début de la saison 2021-2022.

« Il ne m’a fallu qu’un entraînement pour voir le potentiel du gamin. Il était mince, il sautait haut, et il était surtout impressionnant de justesse. A ce moment-là, il semblait être impressionné de côtoyer les pros. Il doutait un peu et il n’osait pas montrer toutes ses qualités. C’est juste qu’avec son éducation remarquable, il restait à sa place, hyper respectueux. Je lui ai dit dès la fin de cet entraînement : "Bilal, tu sais que tu es vraiment bon ? Tu sais tout bien faire, il faut que tu t’en rendes compte". Il en avait rigolé et à partir de là, je ne l’ai pas lâché. » »

Grâce notamment à un pic de croissance qui lui a permis de prendre 18 cm en deux ans durant la période Covid-19, Bilal Coulibaly (2,03 m à présent) se montre de plus en plus, à 17 ans, dans la catégorie Espoirs (11,8 points de moyenne). Si bien que dans la foulée de quelques jolies perfs avec les Bleuets lors de l’Euro U18 en Turquie, il signe son premier contrat professionnel avec les Mets 92 en 2022. Tout en se dirigeant surtout vers une saison pleine dans le championnat Espoirs (U21), et non en Betclic Elite, très loin donc de la ferveur démente autour de Victor Wembanyama.

Les scouts NBA enchaînaient les matchs de Coulibaly et de « Wemby »

Il est tout de même du fameux voyage à Las Vegas, en octobre 2022, et il apparaît brièvement sur le terrain contre l’équipe Ignite de Scoot Henderson (2 points). « A Vegas, il y a quand même eu un moment très important, et forcément fait exprès, confie Steeve Ho You Fat. Dans un entraînement, Vincent Collet a pris à part Bilal et Armel Traoré (20 ans) pour les faire travailler devant une foule de scouts NBA venus voir Victor. Je pense que ça a permis à Bilal de laisser de bonnes impressions aux scouts. » Directeur du centre de formation de Boulogne-Levallois, Philippe Sudre confirme la curiosité US dès la fin de l’année 2022 à son sujet : « Les scouts NBA venaient évidemment voir en priorité Victor, mais ils profitaient de leur venue en France pour assister au match de Bilal en ouverture avec les Espoirs ».

Le destin de la saison/carrière de Bilal Coulibaly va être bouleversé par un enchaînement de blessures concernant trois de ses partenaires, à savoir Armel Traoré, Aaron Henry et Hugo Besson. « Dans le vestiaire, on a poussé pour que Bilal entre alors vraiment dans la rotation en Betclic Elite, explique Steeve Ho You Fat. Ça devenait évident qu’il fallait miser sur lui plus que sur des pigistes médicaux. » Il apparaît donc pour des missions surtout défensives afin de limiter le meilleur attaquant adverse, comme il le fait désormais (et bien) sous le maillot des Wizards face à des superstars comme Luka Doncic et Damian Lillard.

Bilal Coulibaly a systématiquement pour mission de défendre sur le meilleur attaquant adverse, comme ici face au Slovène Luka Doncic, le 15 novembre à Washington.
Bilal Coulibaly a systématiquement pour mission de défendre sur le meilleur attaquant adverse, comme ici face au Slovène Luka Doncic, le 15 novembre à Washington. - Stephen Gosling / NBAE /Getty Images via AFP

Deux cartons monumentaux pour clôturer le chapitre Espoirs

Le véritable décollage de Bilal Coulibaly dans le monde pro a lieu lorsqu’il enchaîne 34 et 37 points en janvier 2023 avec les Espoirs des Mets 92 contre Dijon et Fos-sur-Mer. Lors de ce deuxième rendez-vous, il va obtenir le même jour, pour la première fois, un gros temps de jeu dans un match accroché (82-83) avec le groupe de Vincent Collet (5 points à 2/2 aux tirs en 22 minutes). « Je savais qu’à partir de là, il ne jouerait plus jamais avec nous en Espoirs », glisse Philippe Sudre.

« On l’avait déjà affronté la saison précédente et je ne me souvenais pas d’un joueur très influent, confie Jean-Philippe Besson, alors coach des Espoirs de Fos-sur-Mer. Mais là, il a eu une adresse exceptionnelle (14/20), une aisance et une élégance folles. Et quand on le voit ensuite sur le match de Betclic Elite, on a l’impression qu’il y a toujours joué tant il paraît serein. Pour Wembanyama, le chemin était tracé de longue date. Mais pour Bilal Coulibaly, c’est un conte de fées de le voir en NBA. Je n’avais jamais vu une telle fusée ».

Il faut dire que personne dans le basket français n’avait anticipé une telle éclosion supersonique, pas même les dirigeants des Mets 92, « qui voulaient davantage lancer Armel Traoré que Bilal », comme l’assure Steeve Ho You Fat.

En seulement quelques apparitions professionnelles avec les Mets 92 la saison passée, les qualités athlétiques de Bilal Coulibaly ont impressionné les scouts NBA.
En seulement quelques apparitions professionnelles avec les Mets 92 la saison passée, les qualités athlétiques de Bilal Coulibaly ont impressionné les scouts NBA.  - J.E.E/SIPA

« L’ovni absolu » signe déjà un record à la LeBron James

Un récital de 14 points à 100 % aux tirs en février contre Dijon, puis 16 unités pour éliminer l’Asvel (69-71) en demi-finale des play-offs le 4 juin, et l’histoire est en route pour de bon. « Pour la première fois de ma vie, j’ai reçu des appels de scouts américains me demandant si Bilal était prêt pour la NBA, se marre Steeve Ho You Fat. Je n’allais pas dire non tant je trouve ce gamin énorme. » Enorme, le numéro 0 l’est déjà souvent durant le premier mois de compétition de sa nouvelle vie, à l’image de son record personnel au scoring en pros (20 points), le 12 novembre à Brooklyn.

La fascinante usine à stats qu’est la NBA s’emballe aussitôt : Bilal Coulibaly devient ce soir-là le plus jeune joueur depuis… LeBron James à combiner au moins 20 points, 4 interceptions et 4 tirs à trois points inscrits dans un même match. La hype grimpe pour le dernier finaliste de Betclic Elite, que Jacques Monclar qualifie d'« ovni absolu ». Le consultant NBA sur beIN SPORTS est sous le charme, malgré la galère collective pour des Wizards à 2 victoires et 11 défaites, dans le sillage d’un irritant Jordan Poole.

« C’est monumental de voir en un an le delta qu’il peut y avoir entre le gamin qui jouait en Espoirs avec Boulogne-Levallois et celui qui est à Washington. Il arrive assez tardivement à maturité physique et il va encore s’étoffer. Il a un QI basket très développé et une impressionnante sérénité mentale, qui tranche avec l’attitude générale d’un Jordan Poole. C’est un joueur précieux, qui fait le boulot que les autres ne font pas et qui ne se juge pas uniquement sur les statistiques. » »

« Le contexte est encore plus important que le talent »

Autant de qualités qui en font déjà un successeur en puissance de Nicolas Batum en équipe de France, non ? Le rookie des Wizards évoque en tout cas les JO de Paris 2024 comme « un objectif important » de sa saison. Le sélectionneur Vincent Collet, qui l’a donc entraîné aux Mets 92 la saison passée, a montré qu’il était sur la même longueur d’onde, lundi sur beIN SPORTS : « Je suis très content de ses débuts NBA, malgré sa très faible équipe. J’avais déjà imaginé le prendre en équipe de France l’été dernier ».

Ici aux côtés d'Adam Silver avec la casquette des Pacers (avant son échange immédiat aux Wizards), Bilal Coulibaly a été l'une des sensations de la Draft NBA du 22 juin 2023, en devenant le deuxième Français choisi le plus haut dans l'histoire (numéro 7), à égalité avec Killian Hayes.
Ici aux côtés d'Adam Silver avec la casquette des Pacers (avant son échange immédiat aux Wizards), Bilal Coulibaly a été l'une des sensations de la Draft NBA du 22 juin 2023, en devenant le deuxième Français choisi le plus haut dans l'histoire (numéro 7), à égalité avec Killian Hayes. - John Minchillo/AP/SIPA

Une question se pose tout de même : aurait-il connu un destin aussi dingue s’il avait signé les mêmes perfs ailleurs en France, et non aux côtés de « Wemby » à Boulogne-Levallois, sans la moindre coupe d'Europe ? « Sans Victor, c’est certain qu’il aurait eu beaucoup moins d’exposition, quand on voit que tous nos matchs étaient diffusés sur le site de la NBA, rappelle Philippe Sudre. Mais c’est lui seul qui a eu le mérite de pousser toutes les portes. »

NOTRE DOSSIER SUR LA NBA

Désormais en Pro B à Fos-sur-Mer, Steeve Ho You Fat a un avis encore plus tranché sur la question : « Sincèrement, je pense qu’on n’aurait pas parlé de Bilal pour cette Draft NBA s’il n’avait pas joué avec Victor. Il y a tant de jeunes qui ont dû prouver leur potentiel sur des matchs d’Eurocoupe et d’Euroligue, mais pas Bilal. Lui le premier n’en revenait pas lorsque cette perspective de Draft est arrivée d’un coup sur la table. Je n’ai jamais vu un mec sortir de l’ombre aussi vite, avec un alignement des planètes aussi parfait. Le contexte est encore plus important que le talent. » « Sky is the limit », comme le rappelle l’ami Giannis.