Athlétisme : En Guadeloupe, Wilhem Belocian a « l’environnement qu’il faut pour être tranquille psychologiquement »
INTERVIEW DU LUNDI•Wilhem Belocian, qui participe aux Mondiaux en salle en fin de semaine à Belgrade, se confie notamment sur son attachement à la Guadeloupe, où il a décidé de rester s'entraînerPropos recueillis par Antoine Huot de Saint Albin
L'essentiel
- Chaque lundi, 20 Minutes donne la parole à un acteur ou une actrice du sport qui fait l’actu. Cette semaine, place à Wilhem Belocian, spécialiste du 60 m et 110 m haies.
- Le Guadeloupéen, après des bons résultats cet hiver, participe aux championnats du monde en salle à Belgrade, de vendredi à dimanche.
- S'il est désormais licencié à Lille, Wilhem Belocian continue de s'entraîner aux Antilles.
En ce moment, il vole au-dessus des haies. Champion de France à Miramas, vainqueur du meeting de Mondeville, Wilhem Belocian a arraché la victoire lors du rendez-vous à Bercy il y a une semaine sur 60 m haies. Il n’en faut pas plus pour le considérer comme l’un des favoris des championnats du monde en salle qui commencent vendredi à Belgrade. Le Guadeloupéen, très attaché aux Antilles, où il s’entraîne à l’année, s’est confié à 20 Minutes avant le rendez-vous serbe.
En début d’année, vous hésitiez à participer à la saison indoor. Et puis, trois courses remportées, une sélection pour les Mondiaux. Que s’est-il passé ?
Je n’étais pas sûr de participer à la saison hivernale parce que j’ai eu une grosse blessure avant les Jeux olympiques et qui s’est encore aggravée aux JO [il n’a pas pu finir sa course]. Et je me suis encore fait mal début décembre. Donc je me suis dit que je ne voulais pas précipiter les choses, je commence le spécifique fin janvier. Donc c’était un peu : « On va voir, on ne précipite pas les choses, pas de pression. » Sauf que, finalement, je vois qu’à l’entraînement, ça se passe bien, et sur les compétitions, c’est plutôt pas mal. Donc je suis allé jusqu’au bout et si les « Monde » se présentaient à moi, j’y allais.
Comment s’est passée la digestion mentalement des JO, après cet abandon, cinq ans après une course où vous aviez été sorti pour faux départ ?
A Tokyo, c’était évidemment encore une grosse déception, mais les deux JO ne sont pas comparables, car ce n’est pas le même schéma. En 2016, ce sont mes premiers Jeux, je suis plus jeune, je sors sur faux départ, c’était un peu plus compliqué. Le plus chaud mentalement, émotionnellement et tout ce qui s’en suit a vraiment été en 2016. En 2021, j’ai été quand même bien suivi par ma coach mentale et ma psychologue pour surmonter cette épreuve. Si j’avais déjà une préparatrice mentale avant 2016, la psy me suit vraiment depuis les Jeux au Brésil et ça m’a beaucoup aidé à remonter la pente.
Cet hiver, vous avez signé dans le club de Lille, mais vous restez quand même vous entraîner en Guadeloupe…
En fait, je voulais changer de club depuis un moment, mais ma volonté était de rester aux Antilles pour promouvoir l’athlétisme antillais. Sauf qu’au bout d’un moment, j’avais envie de changement et Lille a un beau projet, notamment par rapport à Paris 2024. C’est le club qui pouvait m’accueillir avec tout ce que je demandais. C’est une nouvelle aventure et je vais découvrir plein de petites choses que je ne connaissais pas avant avec mes clubs guadeloupéens. Mais le lieu d’entraînement ne change pas, je vais juste concourir avec le maillot lillois lors des compétitions. Et si jamais j’ai besoin de trucs, ils vont m’aider, mais j’ai déjà mis en place tout ce qu’il faut autour de moi en Guadeloupe.
Vous restez aussi aux Antilles pour prouver qu’on peut devenir et être athlète de haut niveau sans forcément devoir venir en métropole ?
C’est vraiment le message que je voulais passer en restant là-bas. C’est surtout pour montrer aux Antillais de faire confiance à ce qu’on a en Guadeloupe ou aux Antilles. J’avoue que c’est compliqué pour certains, notamment par rapport aux études, qui doivent quand même partir en métropole. Moi, j’ai la chance de m’entraîner en Guadeloupe et venir en métropole faire les compétitions. Tant que je pourrai le faire, je le ferai.
Il n’y a pas un manque d’équipements en Guadeloupe ?
Au niveau équipement, j’ai vraiment tout ce qu’il faut. J’ai mon staff médical, ma famille, mes proches. Ce que j’ai là-bas, c’est l’environnement qu’il me faut pour être tranquille psychologiquement et être entouré de bonnes énergies pour aborder les compétitions.
Entre Pascal Martinot-Lagarde, Aurel Manga, Sasha Zhoya, vous, comment expliquer ce vivier de malade sur les haies, alors que les autres disciplines de l’athlé ont plus de mal à trouver plusieurs fers de lance ?
C’est compliqué d’avoir une réponse précise sur cette question, mais on a la chance d’avoir une grosse émulation au niveau national. Donc, pour nous, c’est tout bénef. Et ça permet justement de créer cette école française, où on sait que, si tu es bon sur les haies au niveau national, tu seras parmi les meilleurs mondiaux. Dès qu’on arrive sur les haies, on sait qu’il y a du monde devant et ça donne de la force aux petits de venir nous chercher et nous détrôner.
Comme c’est le cas pour Sasha Zhoya (19 ans), la dernière pépite des haies, qui a battu votre record du monde junior, que vous avez même pu entraîner…
C’était avant qu’il décide de prendre la nationalité française [début 2020], j’étais avec Ladji Doucouré sur une séance et j’ai pu lui donner des pistes à améliorer, lui dire ce que je pensais de sa technique. Ce qui est bien, c’est qu’il y a cet échange et ça nous permet de tous progresser. Il n’y a pas d’animosité entre nous tous [les hurdlers], mais une bonne compétitivité pour nous permettre de se surpasser au niveau national. Et Sasha a la même mentalité que moi à son âge, avec l’envie de battre records sur records.