FOOTBALLJeux paralympiques: Les Bleus sans les yeux

Jeux paralympiques: Les Bleus sans les yeux

FOOTBALLLes Français entrent en live vendredi contre le Brésil...
Romain Baheux

Romain Baheux

A Londres, l’équipe de France de cécifoot, le football des aveugles, vise le podium. Les Bleus, qui affrontent le Brésil vendredi, comptent également profiter des JO pour évacuer certains clichés autour de leur sport. 20 Minutes en a décortiqué cinq.

Ce n’est pas du football: vrai et faux. Comme tout sport adapté aux handicapés, le cécifoot comporte des spécificités qui le différencient de la pratique originelle. Joué en deux périodes de vingt-cinq minutes sur un terrain de handball, le cécifoot se pratique à cinq contre un cinq dont un gardien, voyant, de chaque côté. Sur le principe, assez proche du futsal, assez largement pratiqué en loisirs par des footballeurs occasionnels. «On s’entraîne d’ailleurs dans un complexe de futsal pour préparer les grandes compétitions», souligne Frédéric Villeroux, capitaine des Bleus. Pour le reste, les joueurs tirent, passent, dribblent… Bref, du football. «C’est le même sport mais avec quelques adaptations pour notre handicap», abonde l’international tricolore Aberrahim Maya.

Ca joue n’importe comment: faux. Comme n’importe quel sport collectif, le cécifoot a ses tactiques, ses combinaisons, ses feintes, avec un objectif assez simple: marquer plus de buts que l’adversaire. Guidés par les entraîneurs et leur gardien, les joueurs de champ ne se contentent pas de balancer le ballon, muni d’un grelot à l’intérieur, devant en espérant tromper le portier adverse. «Athlétiquement et techniquement, le cécifoot demande les mêmes aptitudes que le football classique, explique Toussaint Akpweh, sélectionneur des Bleus. La gestion de l’information est plus importante. Elle se fait naturellement chez les valides, il faut davantage communiquer chez nous.» L’handicap des candidats rend extrêmement compliqué toute tentative de jouer en l’air. «Le ballon est tout le temps au sol, il faut arriver à se schématiser son environnement en permanence dans ca tête», développe Fréderic Villeroux. Adeptes du kick and rush s’abstenir.

Ca crie tout le temps: vrai et faux. La communication joue un rôle central dans le cécifoot. Difficile d’anticiper une passe ou le déplacement d’un adversaire sans l’aide de son gardien ou d’un des entraîneurs. Même une partie de la technique de dribble passe par la voix. «Le faux appel est sonore là où il est visuel chez les valides. Une commande orale impose le rythme de l’action», explique Toussaint Akpweh. Un terrain de cécifoot ne ressemble pas pour autant à une vente de poissons à la criée. Comme sur les pelouses de Ligue 1, les joueurs s’invectivent et discutent entre eux durant la rencontre. «On crie autant que les valides», assure Maya.

Toute les équipent jouent de la même manière: faux. Champion paralympique et du monde en titre et placé dans le groupe des Bleus à Londres, le Brésil fait figure de véritable épouvantail de la discipline. La Seleçao s’appuie sur un jeu basé sur la technique et le dribble, à l’instar de la sélection valide. «L’Espagne joue énormément en passes comme la Roja, la culture footballistique du pays se transpose dans les sélections de cécifoot», appuie Abderrahim Maya. Outre les caractéristiques propres aux différentes nations, le style de jeu et le niveau des équipes dépendent du type de cécité des joueurs. «Il y a très peu d’aveugles de naissance dans les pays occidentaux, explique Toussaint Akpweh. Ils le deviennent par maladie ou par accident. Les footballeurs de l’Hémisphère Sud ont un temps de pratique plus important. Quand un international français a dix années de cécifoot derrière lui, un Brésilien en a vingt. Tout le monde fait du foot dans ces pays-là, aveugles ou non.»

Il n’est pas très pratiqué en France: vrai. Quand on parle handisports, on pense bien plus au tour de piste d’Oscar Pistorius qu’au cécifoot. Encore peu développé en France, ce sport s’appuie sur des structures comme l’Union nationale des aveugles et déficients visuels (Unadev) pour fonctionner. Le cécifoot souffre également de sa réputation de discipline à risque pour de nombreux aveugles. «Les autres handicapés ont l’image d’un sport dangereux avec beaucoup de contacts où l’on risque de se blesser bien plus que dans les autres sports adaptés, regrette Abderrahim Maya. Il y a des contacts mais ça reste du foot.» S’il a isolé un groupe de vingt joueurs il y a deux ans pour préparer les JO, Toussaint Akpweh ne disposait pas non plus d’un réservoir impressionnant où puiser des éléments. «Il n’y a qu’une dizaine de clubs en France, le sélectionneur n’a pas énormément de possibilités pour faire sa sélection», décrit Frédéric Villeroux.