Tour de France: Pause pipi, partage des primes, sprint... Les codes tacites du peloton
CYCLISME•Parce que le vélo est un sport où aller contre les règles peut être sévèrement puni...Antoine Maes
«Le peloton c’est comme la vie, toutes les règles ne sont pas écrites.» S’il n’a sans doute plus la même giclette que lors de ses grandes années dans le peloton, Thierry Bourguignon (49 ans) a gardé son sens de la formule. Ancien clown du Tour de France durant les années 90, il connaît aussi sur le bout des doigts ces règles tacites qu’un coureur est obligé de respecter. Sous peine de se mettre tous ses collègues à dos.
On n’attaque pas pendant la pause pipi – Les béotiens se demandent souvent comment faire pour se retenir quand on fait cinq heures de vélo par jour. La réponse est simple: on ne se retient pas. Le peloton s’aménage en fait un petit break à un moment de la journée, c’est le signal de la pause pipi géante. «Il faut qu’il y ait un temps mort. Et là, celui qui a envie de satisfaire un besoin pressant remonte devant le peloton, et montre à tout le monde qu’il s’arrête», explique Thierry Bourguignon. Et si quelqu’un a envie d’accélérer à ce moment-là? «Généralement, on va chercher le gars et on lui explique. Ce serait franchement embêtant pour celui qui le ferait, parce qu’il s’attirerait la haine des autres», explique l’ancien coursier.
On attend un favori qui chute – Dimanche, lors de l’épidémie de crevaison dans le peloton, Pierre Rolland (Europcar) s’est fait remonter les bretelles. Lancer la bagarre quand Cadel Evans doit changer trois fois de boyau, c’était mal vu. «Il y a eu une gêne extérieure, et la course n’était pas lancée. A partir de là, comme il y avait une trentaine de coureurs touchés, tout le monde se parle et tout le monde sait qu’il ne faut pas attaquer, d’un commun accord. Ce sont les patrons du peloton, les leaders, ou les grandes gueules qui décident», assure Thierry Bourguignon. Mais il ne faut pas abuser non plus. «Quand la course est lancée, ça ne peut plus s’arrêter. Sinon c’est facile: quand un favori sent qu’il a de mauvaises jambes, il fait semblant de dérailler et tout le monde s’arrête», prévient l’ancien de l’équipe Castorama.
Le leader partage ses primes avec ses coéquipiers – Le vélo est un drôle de sport, à l’organisation collective mi-féodale et mi-socialiste. A la fin du Tour de France, les grands leaders vont sans doute renoncer à leurs primes et les laisser à leur coéquipiers. «Il y a une légende qui dit que Poulidor avait du mal à donner un peu d’argent à ses équipiers, ce qui expliquerait ses problèmes à gagner le Tour, parce que ses équipiers se donnaient pas forcément à fond. A l’inverse, un Indurain ne touchait rien. Le leader, de toute façon, est forcément réévalué au niveau de son salaire, des contrats avec les critériums, avec les marques… C’est une plus-value énorme», promet Thierry Bourguignon.
On peut s’accrocher aux voitures pour revenir – Tant qu’on n’abuse pas, se faire tracter quand on remonte vers le peloton après une chute ou en ramenant des bidons est toléré. «Comme on le voit à la télé, on répare le dérailleur et on accélère. Il y a aussi la méthode du bidon collé pour bien se relancer. D’ailleurs, les commissaires sont de plus en plus cool sur ce problème», détaille Thierry Bourguignon. Attention tout de même, se faire tracter dans les cols quand on est en difficulté est en revanche particulièrement grave, selon Bourguignon: «C’est du même ordre que le dopage à ce niveau-là.»
Dans les sprints, tout est permis, sauf les écarts – Dans le peloton, les sprinteurs sont une espèce à part, un Etat dans l’Etat, qui ses propres règles. «Tout est possible, même des coups de tête, à partir du moment où vous garder les mains sur le cintre. Frotter ça fait partie du métier. Si on y va, on s’expose à des vagues, des petits coups un peu salauds de l’adversaire. Quand vous êtes dans un sprint, vous en acceptez les règles», prévient Thierry Bourguignon. La seule chose interdite est de faire des écarts. Mais de toute façon, les commissaires les punissent sévèrement.