INTERVIEWPascal Olmeta: «Depuis Furiani, je n'ai plus le coeur à aller dans les stades»

Pascal Olmeta: «Depuis Furiani, je n'ai plus le coeur à aller dans les stades»

INTERVIEWL'ancien gardien corse de l'OM, traumatisé par l'événement, s'est coupé du monde du football...
Propos recueillis par Romain Scotto

Propos recueillis par Romain Scotto

Après dix-sept années de carrière, l’ancien gardien de Bastia et de l’OM n’est plus vraiment en phase avec le milieu du foot. Très occupé par son association et la gestion de sa plage, près d’Ajaccio (Corse-du-Sud), Pascal Olmeta se dit encore traumatisé par cette soirée du 5 mai 1992, date de la catastrophe de Furiani. Juste avant la demi-finale de Coupe de France entre Bastia et Marseille, une tribune s’était effondrée, faisant 18 morts et 2.200 blessés. Alors gardien de l’OM, le Corse se souviendra toujours de l’horreur à laquelle il a assisté cette nuit-là.

Vingt ans après, cette catastrophe est-elle encore présente dans votre mémoire?

Oui. Moi le premier j’avais demandé à ma famille et mon ex-femme de venir au stade. Elle se trouvait dans la tribune en question. Heureusement, elle se trouvait juste à la limite de l’endroit où la tribune s’est effondrée. Je lui avais dit: «Surtout n’amène pas la petite», ma fille qui avait 5 ans. Ensuite, je ne l’ai plus eue au téléphone, je ne savais pas si elle l’avait amenée ou pas.

Où étiez-vous au moment du drame et vous souvenez-vous du bruit?

Oui, une bombe agricole. J’étais dans le vestiaire où j’étais entré le premier sous les huées. C’était du chambrage. Et puis on a entendu ce gros brouuuum! On s’est dit c’est chaud, chaud, chaud. Et puis des cris. On se demandait ce que c’était. Ensuite on nous a dit ce qui se passait. Je suis sorti pour chercher ma famille. J’ai vu que cette tribune qui montait jusqu’au ciel n’y était plus. J’ai couru, je cherchais parmi les dizaines de personnes qui essayaient d’arracher le grillage de la tribune. Ils ne comprenaient pas ce qui leur arrivait. Là, j’ai aperçu mon ex-femme. Elle m’a dit: «Tout va bien, la petite n’est pas là.» C’était un énorme réconfort. Je ne m’attendais pas à voir ce que j’ai vu après en sortant du stade. Même dans un film, on ne pourrait pas l’imaginer.

Avez-vous perdu des proches ce soir-là?

Oui, un de mes cousins est décédé. Et j’ai des amis qui sont toujours en chaise roulante.

Vous parle-t-on encore souvent de ce drame?

On est obligé de m’en parler. La Corse, c’est petit. On croise toujours les enfants des uns et des autres.

Avez-vous peur aujourd’hui de monter dans une tribune parfois?

Oui, cela explique en partie pourquoi je ne vais plus dans les stades et pourquoi je ne fais plus partie du monde du football. Ça m’a tellement marqué que je n’ai plus le cœur à aller dans les stades. Ça a marqué ma carrière car on dit que je suis l’homme de cette tragédie. C’est ce qu’on retient le plus. Ça ne me plaît pas trop. Furiani devait être un lieu de fête, c’est devenu un lieu de mémoire comme quand je vais voir les miens au cimetière.

Vous souvenez-vous des jours qui ont suivi la catastrophe?

Je pouvais lire que les uns et les autres allaient dans les hôpitaux pour ceci ou cela. Non, il faut arrêter. C’est comme les hommes politiques qui cherchent à avoir des votes, ils racontent n’importe quoi. Il ne faut pas profiter des médias pour se faire prendre en photo. Si on veut faire les choses, il faut les faire comme il se doit. Quand je vois les gens de la Fédé et de la Ligue qui viennent pour poser une stèle…

Pourquoi en voulez-vous aux représentants de la Fédération?

On aurait dû faire beaucoup plus pour commémorer cette catastrophe (20 ans après, aucun match n’aura lieu samedi 5 mai, ndlr). Comment voulez vous qu’on avance en France si on n’inculque pas les vraies valeurs? Quand il y a eu 18 morts et 2.200 blessés, on ne peut qu’être marqué par cette date-là. Il y en a qui s’en foutent pas mal car le 5 mai, ils voulaient faire jouer des matchs et c’est lamentable. Chaque année, il y a eu des journées de championnat à cette date-là. C’est inadmissible. Heureusement qu’il y a eu une manifestation pour dire: «Ne jouez pas».