INTERVIEWLaura Flessel: «Si on me donne le drapeau, je le prends avec joie»

Laura Flessel: «Si on me donne le drapeau, je le prends avec joie»

INTERVIEWQualifiée pour les Jeux, l'épéiste française rêve de défiler en tête de la délégation française, le 27 juillet à Londres...
Propos recueillis par Romain Scotto

Propos recueillis par Romain Scotto

Elle ne connaît pas le sens du mot «vacances». A peine rentrée de Bratislava où elle a arraché son ticket pour les JO de Londres, Laura Flessel ne s’octroie que trois jours de repos avant de reprendre l’entraînement. L’épéiste double championne olympique compte préparer au mieux ses derniers Jeux où elle se verrait bien porte-drapeau.

Comment accueillez-vous cette cinquième qualification pour les JO? Est-ce un soulagement?

C’est la fin de dix-neuf mois de sacrifices, de dures compétitions. Je suis soulagée oui, et contente. Je n’avais pas le choix. Il fallait que je m’adapte. Je savais que ça allait être dur. Le fait d’être qualifiée me permet maintenant de me concentrer jusqu’à Londres. C’est vrai que ça fait cinq olympiades, comme les anneaux. J’ai aussi cinq médailles olympiques. A chaque fois, j’ai évolué, grandi, mûri avec mon sport. En 1996, je partais pour une participation et au final, ça fait cinq… A chaque fois, c’est très différent, beaucoup de stress, beaucoup de larmes.

Etait-ce la campagne qualificative la plus dure de votre carrière?

Oui. A chaque fois, il y avait des modes de sélection différents, mais quand on passe par des qualifications, c’est vraiment une bataille des nerfs. Je suis plus fatiguée nerveusement que physiquement. C’est une horreur. Mentalement, c’est dur. C’est la première fois que c’est aussi dur. Je suis épuisée. Mais j’ai maintenant trois mois de bonheur pour aller chercher de l’or à Londres. Ce sera ma seule motivation pour me réveiller le matin. Je ne vais pas me préparer pour être deuxième ou troisième. Je suis sur un petit nuage parce que je veux terminer comme j’ai commencé.

Maintenant que vous êtes qualifiée, vous ne pouvez plus refuser le drapeau si on vous le propose pour la cérémonie d’ouverture…

Oui, tout sportif rêve de le porter avec plus ou moins d’envie. C’est une reconnaissance, une fierté. Maintenant que j’ai le ticket en poche, si on me donne le drapeau, je le prends avec joie. C’est motivé, c’est purement réfléchi. Un sportif qui prend le drapeau a laissé son empreinte. J’aime mon sport, j’aime ma patrie, j’aime les Jeux, donc voilà, aujourd’hui, si on me dit: "voilà tu vas représenter l’équipe de France", je dis oui avec plaisir. Mais si on me dit non, je serai en deuxième ligne (derrière le porte-drapeau). Je suis aussi réaliste parce que l’équipe de France a beaucoup de têtes d’affiches. Celui qui sera choisi sera quelqu’un de charismatique.

La cérémonie d’ouverture a lieu le 27 juillet, vous tirez le 30. Trois jours devraient suffire pour vous remettre émotionnellement?

C’est suffisant. Un jour, une demi-journée, ce serait suffisant. Ce ne sont pas mes premiers Jeux et je sais pertinemment comment faire pour récupérer. C’est long, il faut avoir des bas de contention, ne pas s’épuiser nerveusement, être assez intelligent pour savourer et être détaché de tout ça.

En avez-vous déjà parlé avec d’autres anciens porte-drapeau?

On est très amis avec Jackson (Richardson) ou Marie-Jo (Pérec). Oui, ça leur a donné tellement d’émotions fortes qu’ils contaminent tout le monde. C’est un moment magique. On représente une nation devant des milliards de personnes. On est fiers. Ça marque en deuxième ou troisième ligne, alors encore plus quand on est en première ligne.

L’élu doit-il être issu du monde amateur selon vous?

Pas forcément. Celui qui portera le drapeau sera un sportif français qui a passé des années à honorer son pays. A avoir partagé des joies. Les Jeux, c’est avant tout pour mettre le sport amateur en avant, mais on a intégré un sport professionnel aussi. Je ne suis pas catégorique. Il y a beaucoup de sportifs qui peuvent le faire.

La menace des «no-show» plane sur plusieurs sportifs français. Est-ce aussi votre cas?

Non, je n’ai jamais manqué un contrôle. C’est plus du flicage aujourd’hui. Une atteinte à la vie privée. C’est malsain. Des fois, on finit le sport, on a envie de lâcher prise et en fait, cette base est tellement draconienne qu’on est confronté à des oublis. Ce n’est pas de cette manière qu’on luttera mieux contre le dopage. On attaque des gens qui ne sont pas présents sur un lieu mais qui ne sont pas dopés. Et puis le sportif est un être humain.