Philippe Lucas peut surgir de nulle part quand il s’agit de remettre un élève au travail. Quand Amaury Leveaux s’attarde un peu devant les micros, mercredi soir, l’entraîneur au débardeur déboule dans son dos, l’attrape par le bras et le renvoie faire quelques longueurs dans le bassin de récupération. «Oh, ça fait dix minutes que t’as nagé, ça suffit.» Dans ces cas-là, le sprinteur ne bronche pas. D’un naturel distrait, l’échassier du Paris Lagardère n’a jamais caché qu’un tuteur à poigne, prêt à lui mettre «des mines dans la gueule», lui fait le plus grand bien.

Il suffit de voir ses temps de passages à Dunkerque pour s’en convaincre. Jeudi soir, à 18h27, il montera sur le plot avec le temps de référence des huit qualifiés pour la finale. Une demi-surprise pour celui qui devance les Bernard, Agnel, Bousquet ou Gilot. «En pole position pour la finale. Je suis là, ça fait plaisir», savoure Leveaux, déjà pressé d’en découdre.

«Le soir, on boit une bière. Ma vie est belle.»

Rarement le vice-champion olympique de Pékin (50m) n’avait semblé aussi zen en compétition. Le premier billet pour Londres glané mardi sur 200m (deuxième derrière Agnel) l’aide aussi à prendre les courses sans pression. «Je dors bien, je rigole avec mes amis. Le soir, on boit une bière ensemble. Ma vie est belle.» Il faut croire que les années olympiques le poussent à sortir le grand jeu.

Dès le mois de décembre, Leveaux trimait en Pologne pour décrocher une médaille d’argent à l’Euro en petit bain. A l’époque, Maxime Cornillier suivait le nageur de Lucas: «Tout le monde l’a oublié, mais je ne suis pas étonné qu’il soit là. Quand il veut quelque chose, il l’a. Le plus dur pour lui, c’est de se fixer des objectifs.» Ensuite, impossible de l’exclure du groupe des favoris, car le sprinteur n’aime pas trop l’étiquette d’outsider: «J’ai quand même le record du monde en petit bain, donc je ne sors pas de nulle part.» En finale, le garçon annonce déjà une course où «ça va partir dans tous les sens» et où les plus costauds ne craqueront pas. Il y en aura peut-être même un qui boira une nouvelle bière pour fêter ça.