VOILELoïck Peyron: «Pas encore euphorique, simplement heureux»

Loïck Peyron: «Pas encore euphorique, simplement heureux»

VOILEAvec son équipage, le marin français va battre vendredi soir le record du Trophée Jules-Verne, tour du monde par les trois caps sans escale et sans assistance...
B.V.

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Pour ne pas lui porter la poisse, on ne l’a pas félicité. Mais Loïck Peyron et tout son équipage le savent bien, rien ou presque ne peut les empêcher de battre le record du Trophée Jules-Vernes, le tour du monde par les trois caps sans escale et sans assistance. Et avec une certaine marge: en franchissant (normalement) la ligne d’arrivée au large d’Ouessant vendredi en toute fin de journée, Peyron, sur son Maxi Trimaran Banque Populaire V, devrait battre de près de trois jours et demi le précédent temps établi par Franck Cammas en 2010.

Quel est l’état d’esprit de l’équipage à quelques heures de l’arrivée? C’est l’euphorie sur le bateau?
Notre sport a cette particularité que, contrairement à d’autres épreuves, il arrive que l’on sache à l’avance qu’on est en bonne position pour gagner ou battre un record. Il n’empêche que tout peut arriver. On vient juste de passer sous la barre symbolique des 1.000 miles (jeudi, à 15 heures). Il peut nous arriver toutes sortes de choses sur 2.000 kilomètres d’océan. Donc on n’est pas encore euphorique, mais simplement heureux ne serait-ce que d’avoir vécu ce qu’on a fait jusqu’à présent.

Vous n’avez donc pas encore débouché de bouteilles de champagne?
Non, non, non. De toute façon il n’y en a pas sur le bateau, et puis je n’aime pas ça (rires). On prendra juste un petit coup de rouge avant l’arrivée.

Y-a-t-il encore de vrais risques avant de rejoindre Ouessant?
Ce que je crains, ce sont les objets flottants non identifiés (ofni) comme les baleines. Vu notre vitesse, ça peut poser un problème si on en percute un. Et puis une casse mécanique peut aussi arriver. Après 45 jours, le matériel s’use. Mais bon, nous ne pensons pas à ça! Pour l’instant tout va bien, ce n’est que du bonheur.

C’est une course particulière pour vous, pour votre famille… Que ressentez-vous actuellement?
Cette course, j’étais un des premiers marins à y réfléchir, sur l’Ile de la Jatte il y a 20 ans avec Lamazou, Artaud, mon grand frère Bruno… Mais je n’avais jamais eu l’occasion de le tenter. Il y a huit mois encore, je ne savais pas que j'allais la faire. C’est arrivé comme ça. C’est vrai que c’est un peu une histoire familiale, Bruno (son frère) a été le premier à battre les 80 jours (en 1993). Si tout se passe bien, on va être une famille encore plus heureuse, même si on l’est déjà.

Votre parcours s’est déroulé sans accroc, sauf peut-être l’immense zone d’iceberg dans le Pacifique…
Il n’y a pas eu de vraie mauvaise surprise. On a eu un Atlantique sud assez exceptionnel, à l’aller comme au retour. Mais le Pacifique a été compliqué: les conditions de vent ont été dures et surtout la zone de glace nous a fait perdre pas mal de temps. Je n’avais jamais autant vu d’icebergs, de manière virtuelle on avait leur positionnement par satellite - ou réelle. C’est un champ de glace immense, grand comme l’Europe, qu’il faut contourner.

Vous aviez déclaré en début d’épreuve qu’il était presque indécent d’aller aussi vite avec un bateau. Vous avez été surpris de votre vitesse?
C’était une formule, ‘indécent’ n’est pas le bon mot. Mais c’est impressionnant, c’est vrai. Avec ce bateau, on fait de très grandes moyennes presque sans s’en apercevoir. Même quand la mer est calme, on arrive à faire du 30 nœuds de moyenne, ce qui est une vitesse de haut pilotage pour beaucoup d’autres bateaux. C’est ça qui est étonnant.

Est-ce que vous pensez qu’il est possible de descendre sous la barre symbolique des 40 jours?
Ca se peut, oui. Ne serait-ce qu’avec le même bateau, si les conditions météos sont exceptionnelles de bout en bout. En raccourcissant un peu la distance, avec la même vitesse moyenne, on peut faire des temps exceptionnels. Et puis avec de nouveaux bateaux, qui voleront encore plus sur l’eau, sans doute. Peut-être pas demain, mais après-demain, pourquoi pas?