RugbyEt si le XV de France dépendait beaucoup trop de sa star Antoine Dupont ?

XV de France : Mettez Antoine Dupont dans du coton… Et si les Bleus dépendaient trop de leur capitaine ?

RugbyDans les grands matchs, le XV de France ne peut pas se passer d’Antoine Dupont, son meilleur joueur, qui enchaîne les matchs sans sortir, comme samedi lors de la défaite en Irlande (32-19)
Nicolas Stival

Nicolas Stival

L'essentiel

  • S’il n’a pas fait le meilleur match de sa carrière samedi en Irlande (défaite, 32-19), Antoine Dupont a encore pesé de tout son talent, en attaque comme en défense.
  • Le capitaine du XV de France et superstar du rugby tricolore est tout simplement indispensable à son équipe.
  • Les encadrements des Bleus et du Stade Toulousain vont devoir gérer leur joyau alors que se profile la Coupe du monde en France, du 8 septembre au 28 octobre.

De notre envoyé spécial à Dublin,

Au terme de l’épique Irlande – France (32-19) samedi à Dublin, Antoine Dupont s’est exprimé au micro de France 2. Mais ensuite, le capitaine des Bleus n’a visiblement pas trouvé la force pour se rendre dans la salle de presse de l’Aviva Stadium et respecter ainsi le protocole médiatique habituel. C’est donc Gaël Fickou, le chef de la défense des Bleus, qui s’est assis à côté de Fabien Galthié. « Antoine avait besoin de soins, il était épuisé et a pris un coup au ventre », a justifié le sélectionneur avant de s’attarder sur la première défaite de son équipe depuis plus d’un an et demi.

Interrogé sur le sujet en zone mixte quelques minutes plus tard, son compère de la charnière Romain Ntamack ne semblait pas plus soucieux que ça. « Tout le monde est épuisé, tout le monde va avoir besoin de se reposer. Mais il n’y a pas d’inquiétude pour Antoine. » Rendez-vous donc, après un week-end de relâche, le 26 février à Saint-Denis contre l’Ecosse, l’autre invaincue de ce Tournoi des VI Nations avec l’Irlande.



Tant mieux pour le demi de mêlée, et pour les Bleus en général. Car si certains Français font partie des meilleurs du monde à leur poste (Baille, Marchand, Fickou, Penaud…), des solutions existent pour les remplacer, même si le niveau des doublures n’est pas forcément le même. Mais derrière « Super Dupont » (26 ans, 44 sélections) ? Personne. Le constat peut sembler sévère à une époque où la France compte sur quelques numéros 9 (Lucu, Le Garrec, Couilloud…) qui auraient enchaîné les matchs internationaux dans un monde où Castelnau-Magnoac, le fief du prodige, n’existe pas.

Sexton admiratif

Mais aucun ne représente la moitié du cocktail parfait à ce poste que propose le meilleur joueur du monde 2021, explosif, gestionnaire, très bon des deux pieds et – point crucial – craint de ses adversaires. « A la fin du match, on a vu Antoine Dupont essayer de s’échapper, quel joueur ! », a ainsi lâché samedi le maître des horloges irlandaises Jonathan Sexton, pourtant pas le plus impressionnable des rugbymen du haut de ses 37 ans et 111 capes.

« Il faut être sur ses gardes avec lui », a poursuivi le capitaine de la meilleure sélection actuelle, prématurément sorti sur blessure (49e minute), mais parfaitement relayé par Ross Byrne, également sa doublure dans la province du Leinster. Même à bout de souffle et avec le bide en vrac, son homologue français est resté quant à lui sur la pelouse pendant quatre-vingts minutes.


Craig Casey, le demi de mêlée remplaçant de l'Irlande, vérifie si Antoine Dupont n'est pas un extraterrestre.
Craig Casey, le demi de mêlée remplaçant de l'Irlande, vérifie si Antoine Dupont n'est pas un extraterrestre. - Andrew Surma / Sipa USA / Sipa

Il n’a pas livré la meilleure prestation de sa carrière, mais le curseur est placé tellement haut… Quelques-unes de ses percées ont malgré tout électrisé l’Aviva Stadium, alors que son fabuleux retour en défense sur l’ailier Mack Hansen (37e minute) a déclenché d’enthousiastes « Dupont ! Dupont ! » chez les nombreux supporteurs tricolores présents à Dublin.

Baptiste Couilloud a suivi le spectacle jusqu’au bout sans tomber le survêtement, comme le jeune Nolann Le Garrec six jours plus tôt en Italie (succès 24-29). Ça marche comme ça chez les Bleus : quand Maxime Lucu (actuellement blessé) n’est pas là, l’ancien Castrais ne laisse aucune miette à la concurrence. Remarquez, quand le Bordelo-Béglais est disponible, il se contente souvent de boulotter les restes : lors de l’épopée du Grand Chelem l’an dernier, Lucu est certes entré à chaque match, mais seulement pour des passages furtifs, de 3 à 10 minutes. Juste le temps de se salir le short pour justifier la douche.

Les craintes du directeur de la performance des Bleus

A l’automne, le numéro 9 de l’UBB était resté sur le banc lors du très tendu duel devant l’Australie (victoire 30-29 après un exploit tardif de Damian Penaud) avant de bénéficier du carton rouge du patron contre l’Afrique du Sud (39-26) et de sa suspension dans la foulée face au Japon pour disputer respectivement 27 et 70 minutes. Ce repos forcé a été pour Dupont « un mal pour un bien, car l’équipe de France a dû faire sans lui », jugeait Thibault Giroud mi-janvier dans Midi Olympique.

« C’est bien d’avoir plusieurs scenarii afin de tous les tester, poursuivait le directeur de la performance des Tricolores. Après, je vais être très honnête avec vous : si la Coupe du monde était dans deux ans, je vous dirais que je serai très inquiet pour Antoine. Arriver à maintenir ce niveau d’intensité… C’est bien que le Mondial soit dans huit mois. »

Tête d’affiche de la Coupe du monde en France

Car même si au Stade Toulousain, Ugo Mola le ménage régulièrement, Dupont joue beaucoup. Trop. Plus de deux fois plus que Jamison Gibson-Park, le demi de mêlée de l’Irlande (actuellement blessé) par exemple, en raison de la différence de rythme entre notre infernal Top 14 et le système de provinces en vigueur sur l’île d’émeraude. Dans ce contexte, on ne peut que croiser les doigts/toucher du bois/brûler un cierge (rayez les mentions inutiles) pour qu’Antoine Dupont arrive frais et dispos à « notre » Coupe du monde, du 8 septembre au 28 octobre.

D’ici là, si tout va bien, le capitaine du XV de France devrait rester incontournable sur le terrain et voir son visage fleurir sur les affiches en 4X3, de Bouvines à Saint-Jean-Pied-de-Port. Surtout, profitons bien de ce talent unique qui peut justifier à lui seul les prix prohibitifs des places dans certains stades de rugby.

Car allez savoir combien de temps va durer le manège enchanté du Zébulon bigourdan ? « Mentalement et physiquement, jouer 2.000 minutes par an à son niveau, tu ne peux pas le reproduire pendant dix ans », redoute Thibault Giroud dans Midol