NBA: A la rencontre du phénomène Blake Griffin
REPORTAGE•Le rookie des Los Angeles Clippers fait exploser les compteurs et les panneaux. Et pourrait bien gagner sa place au All Star Game...Philippe Berry
De notre correspondant à Los Angeles
Assis dans le vestiaire, ses immenses pieds immergés dans un bac de glace, il répond timidement aux questions des journalistes. Tout le monde veut savoir quels mots doux lui a adressés Lamar Odom, l’adversaire du soir, lors de leur échauffourée, à 5 secondes du buzzer, qui s'est soldée par leur double expulsion –ainsi que celle de Baron Davis, venu défendre son protégé, et de Ron Artest, qui ne dit jamais non à une baston. «Je ne peux pas le répéter devant les caméras», lâche Griffin avec le sourire d'un enfant en train de se faire gronder par le proviseur.
Du match de dimanche, il ne retient qu'une chose: le «W», pour win (victoire). Dans ce derby, les Clippers, la franchise prolo de Los Angeles, viennent de s’arracher dans le dernier quart-temps pour l'emporter 99 à 92 face aux Lakers, la mythique grande soeur. «On savoure, mais juste pour une demi-heure», explique le jeune joueur à 20minutes.fr. Mais en basket, comme dans tous les sports, «le match le plus important est toujours le suivant».
Griffin affole les statistiques
Le match suivant, contre les Pacers, lundi, voit Blake Griffin claquer 47 points. Record de la saison NBA. Mais plus que le total, c'est le pourcentage qui impressionne: 19 shoots sur 24, et 9 sur 11 au lancer franc. Un match presque parfait.
A même pas 21 ans, celui qui est considéré comme un rookie (sa blessure l'an dernier, lui a fait manquer sa première saison) vient d'enchaîner son 27e double-double consécutif (un score supérieur à 10 dans deux catégories statistiques différentes). Selon les experts stats d'ESPN, on n'avait pas vu ça depuis 40 ans pour un débutant. Sur les deux derniers mois, il flirte avec les 25 points de moyenne par match et 14 rebonds (22.5/12.8 sur la saison).
Des dunks qui font lever la salle
Du coup, impossible pour Griffin d'échapper aux comparaisons. Il faut remonter à Shaquille O’Neal ou à Tim Duncan pour trouver un début de carrière de ce niveau pour un ailier fort ou un pivot. Les noms de David Robinson, Karl Malone ou Hakeem Olajuwon sont souvent cités en référence. Et parce qu'il dispose aussi d'un vrai sens de la passe (3.4 par match), certains osent même comparer ses débuts à ceux de la légende Larry Bird.
Marcher dans l'ombre de ces géants ne lui met «pas spécialement la pression». «Je n'y pense pas, je bosse dur pour améliorer mon jeu et je prends match après match», répète-t-il tel un vétéran. «Je dois progresser dans le jeu défensif, réussir davantage de blocks», reconnaît-il, lucide. Il est déjà en net progrès sur la ligne de lancer franc, avec un encourageant 70% en décembre. Un exercice, selon lui, «autant technique que mental».
Mais au-delà des tous les chiffres, Griffin est surtout devenu célèbre pour ses dunks d'extra-terrestre. Chaque match apporte son lot de «highlights» avec ce phénomène, comme lorsqu'il s’assoit sur la tête de Mozgov, l’intérieur des Knicks, en novembre dernier. Que ressent-il quand il s'élève dans les airs et que 20.000 personnes rugissent? «C'est dur à décrire. Je suis juste attiré par l'arceau.» Dunk, lay-up ou bras roulé, peu importe le geste pourvu que le filet frémisse.
Une place au All star game?
Le plus grand exploit du métisse rouquin est surtout d'avoir relancé une franchise des Clippers à la dérive. Bien aidé par un Eric Gordon en grande forme (24 points de moyenne) et par le «vieux» Baron Davis qui semble enfin avoir envie de jouer au basket, les Clippers ne sont plus l'équipe la plus désespérante de la ligue. Les quelques fans people, comme Billy Crystal et Abraham «Kubiac» Benrubi, n'ont plus à se cacher.
A cause d'un début de saison catastrophique (21 défaites sur les 25 premiers matches), ils pointent encore à la 13e position, sur 15, à l'Ouest. «On est capables de gagner contre n'importe qui», analyse Griffin (Lakers, San Antonio, Miami et Chicago, notamment). «Le problème, c'est qu'on peut aussi perdre contre tout le monde». Malgré tout, la dynamique s'est clairement inversée: 10 victoires et 5 défaites sur les quinze derniers matches. Si les Clippers continuent sur ce ratio pendant la 2e moitié de saison, la 8e place qualificative pour les play-offs n'est peut-être plus inaccessible.
Avant de rêver de play-offs, Blake Griffin pourrait bientôt goûter au All Star. Il a déjà son ticket pour le concours de dunk, évidemment. Mais de nombreux experts estiment qu'il a une vraie chance d'être choisi par les coachs pour le match «des grands», le 20 février. Réponse de l'intéressé: «Si je suis sélectionné, ce sera un honneur. Sinon, il me restera de nombreuses années pour remplir cet objectif.»
Taillé pour réussir
Du haut de ses 2m08 (pour 114 kgs), avec un père ancien basketteur et coach, Blake Griffin était presque destiné à terminer en NBA. Jusqu'au collège, c'était sa mère qui jouait les profs, à la maison. «Avec mon frère (également basketteur, en Belgique, ndr), on finissait l'école avant tous les autres enfants. Du coup, on commençait parfois à jouer au basket dès midi», raconte-t-il sur son blog.
La glace a fondu et l'heure de la douche a sonné. «High Griffinition» (surnom pas encore définitif) sort ses chevilles de l'eau, laissant apparaître des protections aux doigts de pied. Blake Griffin est peut-être un extra-terrestre, mais ce n'est pas un surhomme.
Griffin mérite-t-il une place au All Star Game, selon vous? Le débat, c'est dans les commentaires ci-dessous.