Les papys du Dakar, toujours à la bagarre
DAKAR 2011•Etienne Smulevici et Yoshimasa Sugawara partagent les records de participation et d'arrivée en course...Romain Scotto, à Antofagasta
De notre envoyé spécial à Antofagasta (Chili),
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Et le carnet de bord de Guerlain Chicherit...
La scène de ménage se déroule sur le bivouac d’Arica. Soleil tapant et poussière tenace. Les deux hommes ne comprennent pas un mot de l’autre hormis «Osakaï», le salut mutuel qui les rend hilares. «C’est moi qui détiens le record», baragouine en anglais Etienne Smulevici, 63 ans et 28 participations au Dakar. Yoshimasa Sugawa, 69 ans, compte pourtant le même nombre de départs. En réalités, le litige porte sur le nombre de courses terminées. Les deux «papys» du Dakar en revendiquent 20. Seulement le Français n’est plus en course depuis samedi et devrait laisser le record à son copain. «Ah oui, il va me dépasser…», s’incline le sosie non officiel de Claude Brasseur, dont la voiture a fini sur le toit entre Iquique et Arica.
Il en faut pourtant plus pour briser une amitié, née il y a une trentaine d’années, lorsqu’ils pilotaient tous les deux pour Mitsubishi. Sur les routes africaines, le copilote de Smulevici se nommait Raymond Kopa. «Moi, je ne suis pas nostalgique de ces Dakar-là. Il ne faut pas être passéiste. J’adore l’Argentine. Ici, il me manque juste la solitude dans le désert. Il y a toujours du monde.» L’ami japonais, engagé cette année en camions, n’est pas vraiment du même avis. Celui qui a testé toutes les catégories (autos, motos, camions, quads) regrette les grandes étendues du Sahara, où les compétences en navigation étaient indispensables. Nouveau débat.
Bloqué dans le désert pendant trois jours
Sans même se comprendre, les papys inoxydables parleraient pendant des heures de leurs exploits. Notamment de ce Dakar 86 au cours duquel Smulevici est resté en rade dans le Ténéré. Trois jours et deux nuits, seul, et sans eau. «C’est une caravane de Touaregs avec des dromadaires qui m’a sauvé.» Sugawara se marre. A bientôt 70 ans, il préfère évoquer l’avenir. Surnommé «tonton» (en français) dans le bivouac, il se dit préoccupé par le développement de ses machines. Mais aussi la relève, incarnée par son fiston 19e au général.
«Ce qui me motive aujourd’hui, ce sont les jeunes, explique l’habitant de Tokyo, épaulé par un traducteur. Les records ne sont pas si importants.» Un mois avant le départ, Sugawara était déjà en Argentine pour préparer sa course. Le pilote ne déroge jamais à son footing matinal, ni à sa sieste, en écoutant une musique traditionnelle japonaise. Sûrement le secret pour rallier l’arrivée, et devancer d’une longueur son fidèle camarade.