Les tracés du Tour du France manquent-ils d'originalité?
CYCLISME•La Vuelta et le Giro ont donné un petit coup de vieux à la Grande Boucle (dont le tracé 2011 est dévoilé mardi) ces dernières années...Alexandre Pedro
Conservateur le Tour de France? S’il ne craint personne au niveau médiatique, et surtout pas ses cousins espagnol et italien, le roman préféré des amoureux de cyclisme propose toujours un peu la même trame. Il y a ainsi les inévitables étapes de plaine pour les grosses cuisses des sprinteurs, une dose de contre-la-montre et des cols mythiques aux noms aussi évocateurs que vus et revus (Tourmalet, Galibier, Ventoux, etc) pour les grandes explications entre cadors.
Consultant sur Eurosport, Jacky Durand suit les trois grands tours et reconnaît aux organisateurs du Giro et de la Vuelta «la volonté de sortir des sentiers battus». Le vainqueur du Tour des Flandres 1992 vibre encore à l’évocation de la 7e étape du dernier Tour d’Italie «courue sur un chemin en terre et qui a donné un spectacle de folie». Christian Prudhomme (patron de la Grande Boucle depuis 2005) essaye de se dégager du classicisme hérité de son prédécesseur Jean-Marie Leblanc. Après une étape digne d’un mini Paris-Roubaix en juillet dernier, le tracé de l’édition 2011 (dévoilé mardi à Paris) prévoit une escapade entre terre et mer le long du passage du Gois en Vendée. «Le passage du Gois par le peloton, en 1999, est assurément l'une des plus saisissantes, la plus belle sans doute, que je n'ai jamais vue dans une étape de plaine», vend Prudhomme.
Trouver des cols inédits et sauvages
Mais ces dernières années, c’est bien en allant dénicher des cols tracés sur des chemins de chèvres qu’Espagnols et Italiens ont crée l’événement. «On n’a pas encore trouvé l’équivalent de l’Angliru sur la Vuelta et du Zoncolan sur le Giro», regrette Jacky Durand. Découverts récemment, ces deux monstres (auxquels il faut rajouter le Mortirolo ou la Bola del Mundo) présentent des pourcentages effrayants à plus de 15% moyenne et des chaussées défoncées. Les coureurs apprécient modérément, les téléspectateurs adorent.
Titillé par cette concurrence, Christian Prudhomme a lancé ses collaborateurs à la recherche d’un Zoncolan français. «Je vis dans les Alpes et je peux vous dire qu’il y a des cols inédits très intéressants», révèle Jacky Durand. Une fois trouvées, encore faut-il ne pas dénaturer ces montées comme le fait remarquer Rémy Pauriol. «Le Port Balès (dans les Pyrénées) et d’autres cols sauvages ont été goudronnés pour une histoire de sécurité», observe le grimpeur français. La sécurité est souvent la raison invoquée pour expliquer cette tendance à créer des autoroutes pyrénéennes ou alpines. «Le Tour privilégie la sécurité, note Rémi Pauriol, alors que la Vuelta et le Giro essayent de compenser leur manque de notoriété par rapport à lui en essayant du faire du spectaculaire à outrance. Mais ce n’est plus vraiment du cyclisme quand vous devez rouler sur des chemins boueux».
En juillet prochain, Pauriol et ses camarades du peloton vont avoir l’occasion de découvrir - peut-être - un futur haut-lieu de la Grand Boucle avec l’inédit col de La Hourquette d'Ancizan dans les Hautes-Pyrénées. L’occasion idéale pour les grimpeurs et les leaders d’écrire une nouvelle page de la légende du Tour. Encore faut-il qu’ils en aient l’envie. «L’époque où Bernard Hinault attaquait à trois cols de l’arrivée est révolue, lâche avec un brin de nostalgie Jacky Durand. Aujourd’hui, les coureurs calculent leurs efforts car il y a toujours cette peur du lendemain.» Et ça, le parcours n’y est pour rien.