CYCLISMETout comprendre sur l'affaire Alberto Contador

Tout comprendre sur l'affaire Alberto Contador

CYCLISMEOù il est question de vaches et de la RDA...
Alberto Contador lors de l'arrivée du Tour de France, le 27 juillet 2010
Alberto Contador lors de l'arrivée du Tour de France, le 27 juillet 2010 - JAVIER LIZON/EFE/SIPA
Matthieu Goar

Matthieu Goar

Un triple vainqueur positif à une vieille molécule qui dope les vaches et c'est tout le monde du cyclisme qui replonge dans ses manuels scientifiques.

Que s'est-il passé sur le Tour de France?

Le 21 juillet, à Pau, veille de l'ascension du Tourmalet, les coureurs profitent de leur deuxième journée de repos. Comme presque tous les jours, Alberto Contador, maillot jaune, se soumet à un contrôle anti-dopage. On retrouve dans son corps des traces infinitésimales de clenbutérol. Après contrôle de l'échantillon B, l'UCI prévient Contador le 24 août. L'entourage du cycliste fait fuiter l'information le 30 septembre en plaidant une contamination alimentaire. Un argument «prévisible», selon le directeur du Laboratoire antidopage de Lausanne, Martial Saugy. Le début des ennuis.

Qu'est-ce que le Clenbutérol?

De la même famille que le salbutamol que les asthmatiques connaissent bien, le clenbutérol est un produit vétérinaire qui aide les animaux à respirer. A haute dose, les éleveurs se sont aperçus qu'il permettait d'augmenter la masse musculaire des animaux et donc la production de viande. D'où son détournement d'abord par des éleveurs peu scrupuleux, puis par des sportifs. «Utilisés à des doses puissantes, il a des vertus anabolisantes. Quand on fait un sport endurant de longue durée, ce genre de produit permet par exemple de ne pas perdre de poids musculaire, de conserver un équilibre positif en terme de protéine musculaire», détaille Gérard Dine, hématologue et spécialiste du dopage. L'ancienne championne d'athlétisme Kathryn Krabbe (ex-RDA) a vu sa carrière tourner court dans les années 1990 après un contrôle positif au clenbutérol. Autant dire qu'avec cette molécule découverte il y a 30 ans, on est dans un dopage archaïque.

La thèse d'une contamination alimentaire est-elle plausible?

Contador, passé entre les gouttes de l'affaire Puerto en 2007, dopé à l'insu de son plein gré? La bonne vieille excuse du bidon sale? C'est possible. Les traces retrouvées dans l'organisme de Contador sont infinitésimale (50 picogrammes, soit 400 fois moins que la concentration que les laboratoires antidopage accrédités par l'AMA doivent pouvoir détecter). Ce qui ne prouve rien. «Les faibles traces trouvés n'ont pas une efficacité dopante. Mais c'est un produit qui a une présence rapide dans l'organisme. En 5 à 6 jours, il peut être négatif dans les urines», explique Gérard Dine. S'il s'est dopé, Contador a pu consommer une forte dose plusieurs jours avant le contrôle.

Oui mais voilà, maillot jaune à l'époque, l'Espagnol a été contrôlé les jours précédents le 21 juillet, sans résultats positifs. D'où la thèse de la contamination par la viande ou par des compléments alimentaires. «On est en déplacement permanent, notamment sur le Tour de France. On mange au restaurant de l'hôtel. Je ne vais pas arriver avec un scientifique pour contrôler tous les aliments», explique Marc Madiot. «C'est un dopage difficilement compréhensible. Le clenbutérol est un vieux produit et ça paraît incroyable que Contador puisse se doper avec un produit détectable aussi facilement». Le biologiste néerlandais Douwe De Boer, de l'université de Maastricht vient récemment de conforter la thèse du coureur chinois Li Fuyu, positif en mars dernier au clenbutérol, qui plaide une contamination accidentelle.

Que va-t-il se passer maintenant?

Contador est pour le moment suspendu. Dans une affaire aussi sensible, les procédures risquent de prendre plusieurs semaines. Ce contrôle «anormal» pourrait très vite être déclaré «positif». Dans ce cas-là, la fédération internationale ouvrirait une procédure disciplinaire.«Contador et son entourage vont eux devoir prouver qu'il y a eu contamination. Il va falloir retrouver les aliments consommés à cette époque-là. Ce n'est pas toujours évident», conclut Dine qui a travaillé dans des dossiers similaires où des sportifs ont dû se défendre après un contrôle positif à la méthadone et aux stéroïdes après avoir mangé des compléments alimentaires. Un peu comme Gasquet qui avait dû prouver sa contamination après un baiser. Si la bonne foi de Contador n'est pas avérée, les procédures disciplinaires vont jusqu'au retrait de sa victoire dans le Tour de France.