Athlétisme français: Où sont les femmes?
ATHLETISME•La France compte surtout sur les garçons pour ramener des médailles des championnats d'Europe de Barcelone...Alexandre Pedro
S’il existait – comme en politique – des sanctions financières pour faire respecter la parité hommes-femmes, la fédération française d’athlétisme serait au bord du dépôt de bilan. A la veille du début des championnats d’Europe à Barcelone, le constat est implacable: les Lavillenie, Lemaître, Tahri ou Tamgho n’ont pas d’équivalents féminins. Le mal ne date pas de cette saison. Marie-Josée Pérec n’a pas fait de petites. Lors du dernier Euro en 2006, les garçons avaient assuré les huit médailles de la délégation tricolore. «On est dans un creux de génération», déplore le président de la fédération, Jean-Jacques Amsalem.
«Trouver des cadres spécialisés dans l’entraînement des filles»
En attendant une éventuelle relève, les garçons portent la culotte et visent une dizaine de médailles à Barcelone quand les filles se contenteraient bien d’une breloque (peut-être à l’heptatlon avec Antoinette Nana Djimou ou avec le relais 4X100m). Finaliste des JO en 2004 à l’heptatlon, Marie Collonvillé peine à expliquer ce mal français: «C’est peut-être une question de génération. Il y a encore dix ans les résultats étaient chez les filles. Maintenant, on a la chance d’avoir une génération exceptionnelle chez les garçons».
Pour d’autres, il n’y a pas de hasard qui tienne. C’est le cas de Jean-Claude Perrin. L’ancien entraîneur national de la perche française a tiré de son expérience personnelle une conclusion définitive. «L’entraînement des femmes est une spécialité en soi. J’ai toujours eu des garçons sous mes ordres et quand je me suis occupé de la préparation physique des filles du tennis, je me suis rendu compte que je ne savais rien. Certains savaient y faire comme Jacques Piasenta mais il n’est plus là. Il faut retrouver une ossature des cadres spécialisés dans l’entraînement des filles.»
«Les filles ne veulent pas faire de haut niveau»
Alors que le mal n’a jamais été aussi profond, Bernard Amsalem préfère croire à des lendemains plus paritaires: «Chez les jeunes, les 15-17 ans, l’avenir s’annonce intéressant. Il faudra attendre quatre ou cinq ans avant d’atteindre le niveau masculin.» Encore faut-il que ces demoiselles ne se perdent pas en route. «Le problème, c’est que beaucoup de filles ne veulent pas faire de haut niveau. C’est à nous de mieux les préparer psychologiquement», plaide le président de la fédération. «Si elles ne font pas du haut niveau, c’est parce qu’on ne les intéresse pas au haut niveau», lui rétorque Jean-Claude Perrin. «Il faut que ces femmes qui mènent une carrière de sportive puissent avoir leur place dans la société. Il ne faut pas qu’elles soient pénalisées», poursuit le consultant athlétisme d’Europe1.
«On n’est pas toujours traité sur le même pied d’égalité», poursuit Marie Collonvillé. La jeune retraitée met également en avant la difficulté de choisir à un moment de la carrière d’une femme; haut niveau et vie de famille. «Avoir un enfant comme Christine Arron ou Muriel Hurtis est une décision lourde à prendre puisque vous êtes hors du circuit pour au moins deux saisons. Dans d’autre pays, les filles privilégient peut-être plus leur carrière.» Avec un brin de provocation, Patrick Montel (le Monsieur athlétisme de France 2) livre sa solution: «Le problème des filles, c’est qu’elles sont performantes à 16 ans. Deux ans après, elles rencontrent un mec et ont un gosse dans la foulée. Et en voiture Simone!» Les filles apprécieront.