Mais au fait, quand est-ce qu’il faut marcher pendant un trail ?

Mais au fait, quand est-ce qu’il faut marcher pendant un trail ?

Marche forrest, marcheEn trail, oubliez tout ce que vous savez sur la course à pied « sur route ». Parfois, il faudra marcher. Un geste indispensable pour survivre aux nombreux dénivelés et kilomètres. Et l’action peut même s’avérer plus efficace que la course
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Le trail, course à pied en plein air, séduit de plus en plus de Français. En plus de devoir affronter des dénivelés bien plus conséquents que dans les villes, le trail a une autre particularité : il contient beaucoup de marche.
  • Une spécificité parfois difficile à appréhender pour les novices. Dans un monde de chrono, de dépassement de soi et de « meilleur version de soi-même », faut-il avoir honte de marcher ?
  • En réalité, il n’est rien de plus naturel dans le trail, vous pouvez déculpabiliser. Mais si vous voulez optimiser votre course, il existe des moments plus propices à marcher. Pour d’autres, préparez vos genoux, il faudra bien à un moment courir.

De notre envoyé spécial au The NorthFace Transgrancanaria Trail,

Allez, on l’avoue. Dès la première montée de notre trail, nos pieds sont restés bien solidement ancrés sur le sol. Pas de décollage, de saut de cabris, de foulée en lévitation… Pas de course, en somme. Faisons pénitence : oui, nous avons bel et bien marché. Et pas qu’une fois. Mais vous savez quoi ? C’est tout à fait normal en trail.

Anticipant notre faiblesse, et histoire de bien déculpabiliser d’avance, on avait papoté la veille avec Jon Albon, ultra-traileur de The North Face et second à franchir la ligne de la Transgrancarnia 2025 (la vraie, celle de 126 kilomètres et 10.000 m de dénivelé, pas notre petit semi-marathon de 20 km et 1.370 de D +). Plutôt modeste pour son niveau, il nous avait simplement rappelé que tout le monde marche, fut-ce les meilleures athlètes de ce sport. « Même Kilian Jornet marche beaucoup. » Alors si le Greatest of all Time de sa discipline, l’ultra-terrestre, l’homme qui a gravi l’Everest en vingt-six heures (en partant du monastère de Rombuk, à 5.100 m) lui-même marche, « il n’y a vraiment pas de honte à marcher, ni de gêne à avoir ». Ouf, on n’est peut-être pas des branques.

« Cela peut être plus efficace que courir »

Rien à voir avec le sport voisin, la course à pied sur route, où marcher peut être considéré comme un mini-échec. Qui n’a jamais entendu un runner dire « Je n’ai pas réalisé mon chrono au marathon, mais au moins je n’ai pas marché, je suis content » ? Dans le trail, l’acte est d’une banalité sans nom. Et indispensable. « On ne peut tout simplement pas faire d’aussi longues courses, avec autant de dénivelés, sans marcher à un moment », poursuit Jon Albon.

Paddy O’Leary, autre athlète The North Face, celui-ci engagé sur le marathon, incite même à changer totalement son regard sur l’idée d’un échec de marcher : « Parfois, cela peut être plus efficace que courir. Vous vous déplacez à peu près aussi vite, voire plus vite, mais en utilisant moins d’énergie et en mettant moins votre corps en difficulté. Je marche souvent en montée, mais c’est une marche forte et efficace, qui me fait progresser rapidement. C’est tout aussi sportif. »

Anticiper les difficultés

Le défi d’un trail reste d’optimiser son énergie, et d’en garder sous le coude pour la prochaine difficulté - qui ne tarde jamais à arriver. « Vous ne devez jamais courir au point que vous n’ayez plus la force de courir. Il faut donc souvent anticiper les difficultés, et se demander si courir est possible ou non », poursuit Jon Albon. Lui-même analyse en trail chaque montée auquel il fait face : « Je regarde telle pente et je réfléchis toujours : puis-je la gravir en courant ? Probablement pas jusqu’au bout, alors autant marcher depuis le début. »

C’est pour cela que, contrairement à une erreur répandue chez les débutants, la plupart des traileurs marchent dans les montées, et courent dans les descentes. Et non l’inverse, malgré la peur assez humaine de se péter la tronche, ou a minima une cheville, dans une pente.

Une marche à pied d’égalité

« C’est ce que j’aime dans le trail », valide Britany, Belge de 35 ans croisé pendant notre course. « Il n’y a pas d’échec, du moment qu’on finit. En course "sur route", on va toujours te demander ton chrono, et étant une femme, je suis forcément désavantagée par rapport aux hommes. Ma performance paraîtrait moins bonne. Alors que dans le trail, c’est la distance qui compte. Réussir à courir tous ces kilomètres et franchir toutes ses montées, c’est un exploit, qu’importe le temps réalisé. »

Pas de pression, sauf pour ceux qui en veulent. Car oui, même dans le trail marqué par « la bienveillance » par rapport à la course urbaine, vous trouverez un chrono, et un classement de votre course. Mais marcher ne veut pas dire ne pas optimiser votre performance, bien au contraire. « En réalité, dans une longue course de trail, vous essayez simplement de comprendre comment vous déplacer à travers le terrain de la manière la plus efficace et la plus fluide possible », soutient Paddy O’Leary.

Assumez de marcher, vous marcherez mieux

Ce qui répond à la grande question de tout débutant traileur : à quel moment faut-il marcher ? Paddy O’Leary : « A chaque fois que cela vous semble plus efficace que courir. Dans un trail, il s’agit simplement d’aller d’un point A à un point B aussi vite que possible. Et pour y parvenir, il faut généralement être efficace. Si marcher est efficace, et bien marchez ! »

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Alors évidemment, tout le monde ne marche pas dans les mêmes proportions, ni à la même vitesse. Mais tout le monde marche, et c’est là l’essentiel de la déculpabilisation. Conseil final de Jon Albon : « Il vaut mieux bien marcher que d’être gêné de le faire. »