PAN, SUR LE BECParis est-elle une fête pour les personnes à mobilité réduite ?

Jeux paralympiques 2024 : Paris est-elle une fête pour les personnes à mobilité réduite ?

PAN, SUR LE BECAlors que les Jeux paralympiques vont débuter à Paris le 28 août prochain, la capitale française fait toujours figure de mauvaise élève en matière d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite
Aymeric Le Gall

Aymeric Le Gall

L'essentiel

  • A cinq jours du début des Jeux paralympiques de Paris 2024, la question de l’accessibilité de la ville et des transports en commun est au centre de l’attention.
  • Dans la capitale, seules 29 stations de métro sur les 320 existantes sont 100 % accessibles aux personnes à mobilité réduite.

Il y a des états de faits tellement incontestables que même la communication politique ne peut nier. Parmi ceux-là, le sujet de l’accessibilité de nos villes, et notamment Paris, aux personnes à mobilité réduite. Alors que la capitale s’apprête à accueillir pour la première fois de son histoire les Jeux paralympiques, celle-ci fait figure de casse-tête français pour celles et ceux qui souhaitent s’y déplacer en fauteuil roulant.

Un constat que n’a pas tenté de cacher le président de la république, le 15 avril dernier, lors d’une visite au Grand Palais, lui qui admettait que la France ne serait « pas totalement à la hauteur et au rendez-vous » en matière d'accessibilité lors de ces Jeux paralympiques. Doux euphémisme quand on pense à l’état du métro parisien, sorte d’enfer sur terre pour les personnes à mobilité réduite (PMR), absolument pas pensé pour faciliter la vie des PMR, et qui n’a que très peu été rénové en ce sens malgré la perspective des Jeux à venir.

Londres 2012 vs Paris 2024, la comparaison qui fait mal

Quand Londres avait impulsé une véritable politique sur le sujet en 2012, avec 18 % de stations de métro accessibles, Paris peine à dépasser les 9 %. Et encore, cela ne concerne principalement que la ligne 14 et les prolongements des lignes 4 et 11. Un fâcheux constat qui révolte Nicolas Merille, le conseiller national d’APF France handicap, même s’il concède certaines améliorations ces dernières années, notamment en ce qui concerne l’accès aux tramways, aux bus et aux RER.

« « En revanche, rien n’a été fait sur les lignes existantes de métro et ce qu’on trouve scandaleux, c’est que le paramètre de l’accessibilité ne soit toujours pas pris en compte lorsqu’on décide de rénover d’anciennes stations, regrette-t-il. Alors qu’on en rénove entre trois et quatre par an à Paris. Le dernier exemple en date, à Place d’Italie, où il y a eu d’immenses travaux qui ont duré près de six mois, et où rien n’a été fait en termes d’accessibilité. » »

APF et trois autres associations ont d’ailleurs écrit à Valérie Pécresse au printemps dernier pour lui demander de prendre en compte ces paramètres d’accessibilité avant chaque nouvelle rénovation de ligne. Une lettre restée pour l’heure sans réponse. « Le refus même d’étudier le paramètre de l’accessibilité est très violent symboliquement, dénonce Merille. On fait des travaux seulement pour les personnes valides mais hors de question de penser aux personnes en situation de handicap. C’est une pensée discriminante. »

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Si les travaux ne sont pas toujours faisables du fait de la configuration de nombreuses (très) vieilles stations – certaines sont centenaires – et que les coûts sont extrêmement élevés, comme nous l’expliquait le vice-président d’IDFM, Grégoire de Lasteyrie, lors d’un point presse organisé par le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, il y a un an, cela n’explique pas tout.

« Il y a eu un manque de volontarisme politique incontestable, déplore Nicolas Merille. On n’est même plus surpris. On en est à trois lois sur l’accessibilité aux PMR inappliquées en l’espace de 49 ans. A chaque fois on nous parle de République exemplaire, mais la vérité c’est qu’il y a un défaut de l’Etat dans sa volonté de faire bouger les choses. »

« Une ségrégation qui ne dit pas son nom »

Du côté de la RATP, on rappelle que « 100 % des lignes de bus parisiennes et des lignes de Tramway sont accessibles ». C’est la vérité mais, en ce qui concerne le bus, on ne joue clairement pas dans la même catégorie que le métro en matière de fluidité. Nicolas Merille : « On a fait un comparatif : quand vous êtes une personne valide et que vous souhaitez vous rendre de place d’Italie à l’Arena de Bercy, il vous faut 11 minutes avec la ligne 6. Pour une personne en fauteuil roulant, c’est deux bus et 44 minutes, donc quatre fois plus… Et encore, ça c’est s’il n’y a pas de problèmes avec la plateforme d’accès au bus, ce qui n’est pas toujours le cas. »

A l’arrivée, c’est tout un quotidien qui s’en trouve chamboulé pour les personnes à mobilité réduite. Le conseiller accessibilité d’APF parle même d’une « ségrégation qui ne dit pas son nom ». « Cela impacte gravement la vie quotidienne des PMR, qui doivent en permanence tout calculer et prévoir s’ils souhaitent se déplacer, détaille-t-il. Mais il y a encore plus dramatiques. Je vous donne un exemple concret : le taux de prévalence du cancer du sein est deux fois supérieur chez les femmes en situation de handicap que chez les femmes valides. Pourquoi ? Parce que les centres de dépistage ne sont pas accessibles et que les mammographes ne le sont pas non plus. On parle là d’un phénomène de renoncement aux soins et pas d’une simple frustration de ne pas pouvoir aller facilement au restaurant avec ses amis le week-end. »

Le métro parisien, où l'enfer sur terre pour les personnes à mobilité réduite.
Le métro parisien, où l'enfer sur terre pour les personnes à mobilité réduite.  - P. Lopez

Début août, la présidente de la Région et de l’autorité organisatrice des transports Île-de-France mobilités (IDFM), Valérie Pécresse, a fait de cette question de l’accessibilité le « prochain défi » décennal. L’adjointe chargée de l’accessibilité à la Mairie de Paris, Lamia El Aaraje, a également assuré que la Ville plaiderait en faveur du chantier après les Jeux et qu’elle était « prête à discuter » avec les partenaires.

« Il faut impulser une prise de conscience collective »

Reste à savoir si cela dépassera le stade des belles paroles afin que l’héritage des Jeux paralympiques devienne une réalité matérielle et non une promesse en l’air. Pour cela, Nicolas Merille compte beaucoup sur le coup de projecteur mis sur la question du handicap grâce à ces Jeux paralympiques. « C’est une opportunité extraordinaire de faire bouger les lignes et d’impulser une prise de conscience collective, explique-t-il. Il faut espérer que les gens comprennent que c’est tout un pan de la société française qui est mis de côté et invisibilisé. »

En attendant, faute d’avoir su (et voulu) se mettre au niveau ces dernières années de manière pérenne, l’Etat a promis d’être au rendez-vous de l’événement grâce à une flotte de 1.000 taxis adaptés et des navettes dédiées aux spectateurs en situation de handicap munis d’un billet pour les Jeux.