Hors terrain« Rendez-vous en trail inconnu », le format « vent de fraîcheur » du running

« Rendez-vous en trail inconnu », le concept « vent de fraîcheur » de la course à pied en montagne

Hors terrainLe Grand Trail de Serre-Ponçon propose dimanche matin, pour la deuxième année consécutive, un surprenant format de course dans les sentiers des Hautes-Alpes, où les athlètes ne savent pas du tout ce qui les attend
Jérémy Laugier

Jérémy Laugier

L'essentiel

  • Un jeudi sur deux, dans sa rubrique « Hors terrain », 20 Minutes explore de nouveaux espaces d’expression du sport, inattendus, insolites, astucieux ou en plein essor.
  • Cette semaine, nous nous penchons sur l’atypique concept de « Rendez-vous en trail inconnu » lancé l’an passé par le Grand Trail de Serre-Ponçon, dans les Hautes-Alpes.
  • Cent quatre-vingts traileurs vont participer dimanche matin à une course d’une trentaine de kilomètres dans des sentiers dont ils ignorent tout jusqu’à la dernière minute.

C’est un scénario de lancement d’enterrement de vie de garçon qui attend 180 coureurs dimanche. A 6h30 du matin, ceux-ci seront en effet embarqués dans des cars depuis le lac de Serre-Ponçon (Hautes-Alpes), sans avoir la moindre idée d’où ceux-ci vont les déposer. Ils savent simplement qu’ils n’auront pas droit à un apéro prématuré mais à une course de trail d’une trentaine de kilomètres pour rejoindre Embrun, avec un sacré dénivelé à la clé, entre 1.600 et 2.400 m de D +. Une fois installés dans leur navette d’aventure, les athlètes découvriront le profil de cette étonnante épreuve, avec les points de ravitaillement indiqués. Et une promesse : 100 % du parcours sera inédit.

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On touche pleinement au concept de « Rendez-vous en trail inconnu », qui va connaître sa deuxième édition sur le Grand Trail de Serre-Ponçon, alors que la Maxi-Race d’Annecy propose aussi une marathon race surprise lui ressemblant. L’an passé, les 180 veinards (la formule affiche à chaque fois très vite complet) avaient entamé leur périple des Gourniers, un village de 14 habitants à l’entrée du parc des Ecrins. « Ils vont encore partir d’un lieu-dit complètement perdu, dans un secteur où personne ne va courir, sourit Jean-Michel Faure-Vincent, le directeur de la course né à Embrun. On est sur une mise en scène comme sur les trails américains, sans sono, avec simplement un grand feu de camp et un café avant d’attaquer. »

Thibaut Baronian, athlète professionnel « en panique »

Un scénario minimaliste qui tranche clairement avec l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB), dont la 20e édition a encore accueilli 10.000 coureurs il y a deux semaines, et qui a vite obtenu l’adhésion du monde du trail. Gabriel Champigny, Canadien de 27 ans vivant à Annecy, a bondi sur l’occase cette année : « Je trouve ce concept amusant, j’ai très envie de m’adapter à un environnement que je vais totalement découvrir. » Le Haut-Savoyard Karl Sipos (43 ans) reconnaît que c’est clairement ce format atypique qui l’a poussé à s’intéresser au Grand Trail de Serre-Ponçon (1.800 participants au total sur six courses différentes) dès l’an passé : « Vu qu’on ne sait absolument rien du tracé, ça nous laisse un champ libre de possibilités. On saute réellement dans une forme d’inconnu. » Ce qui donne une épreuve qu’il trouve « moins formatée » et « avec une communauté plus joviale ».

L'impression d'être seul au monde est bien présente dans le « Rendez-vous en trail inconnu » autour du lac de Serre-Ponçon.
L'impression d'être seul au monde est bien présente dans le « Rendez-vous en trail inconnu » autour du lac de Serre-Ponçon. - Cyrille Quintard

Des dimensions qui attirent même des traileurs élites comme Thibaut Baronian (Salomon), vainqueur en 2022 et de nouveau présent dimanche. « Il était en panique la veille de la course, chambre Jean-Michel Faure-Vincent. Il voulait gratter des infos jusqu’au bout. On voit à quel point c’est perturbant pour un athlète de ne pas savoir quel type de chaussures choisir et de devoir être beaucoup plus attentif à l’environnement de course et aux croisements. Sans la part d’inconnu, Thibaut Baronian aurait mis moins de 2 heures mais là, à aucun moment il ne sait où il va aller. » Il a tout de même « rousté tout le monde » (dixit Karl Sipos) en bouclant les 28 km et 1.650 m de D + en 2h26 sur cette première édition. « Ça change des formats classiques, c’est chouette et excitant bien plus que stressant, confie le traileur professionnel de 34 ans. Ces contraintes en plus mettent du piment. Et dans ce sport, il faut justement travailler son adaptabilité. »

« Depuis dix ans, il y a un côté Nasa dans le trail »

Outre Thibaut Baronian, deux autres athlètes élites du Team Salomon, Julie Roux et Théo Detienne, seront de la partie dimanche. « L’idée est de revenir aux sources de notre sport, à l’ADN du trail running : aller d’un point A à un point B, résume Jean-Michel Faure-Vincent, par ailleurs team manager chez Salomon. Les participants n’ont pas la trace sur leur téléphone, et même s’ils ne peuvent pas se perdre, ils doivent être attentifs pour repérer des fanions aux croisements. Depuis dix ans, on analyse tout, il y a un côté Nasa dans le trail avec toutes ces datas. On planifie le temps qu’on doit mettre sur telle ou telle portion. Ça fait du bien de casser les codes. » Limités à 180, pour éviter les bouchons sur les sentiers autour du lac de Serre-Ponçon, les traileurs partagent cette idée de voyage dans le temps, à l’image de Karl Sipos.

« Personnellement, j’étudie les traces GPX avant chaque épreuve et je me fixe toujours un objectif chrono sur n’importe quelle course à laquelle je participe. Là, je n’ai pas à réfléchir à mes temps de passage, aux sections, aux dénivelés. Non, je retrouve l’envie d’évasion des débuts du trail, avant que cette discipline ne se structure et n’évolue avec une réelle dimension compétitive, quel que soit notre niveau. » »

Là, le principal objectif est de se laisser porter par les vertigineux paysages des Hautes-Alpes, tout en ne se manquant pas sur le balisage. Vingtième sur la première édition de ce « Rendez-vous en trail inconnu », qui s’était déroulé sur le « magnifique » Mont Guillaume, Karl Sipos conclut : « C’est un vent de fraîcheur dans un monde devenu normé. » Qu’il se rassure, avec six parcours complètement différents en tête pour les prochaines éditions, et l’envie de pousser à terme la course jusqu’à une formule de 80 km, Jean-Michel Faure-Vincent a de quoi lui garantir un paquet « d’évasions » dans un futur proche.