Roland-Garros : En sifflant Kasatkina, la Russe opposée à Poutine, le Lenglen a encore manqué une occase de se taire
TENNIS•Le public du Suzanne-Lenglen a sifflé la Russe Daria Kasatkina après sa défaite contre l’Ukrainienne Elina Svitolina, provoquant la tristesse d’une joueuse ouvertement opposée à la guerre menée par Vladimir PoutineAymeric Le Gall
A Roland-Garros,
On n’aime pas généraliser mais, au bout d’un moment, il faut savoir dire stop à la bêtise. Donc : si le public de Roland-Garros était un sentiment, il serait la gêne incarnée. Après avoir hué la jeune Ukrainienne Marta Kostyuk pour ne pas avoir serré la main de la Biélorusse Sabalenka, proche du dictateur Alexandre Loukachenko et soutien de Poutine dans la guerre en Ukraine, après s’être comporté comme un gougnafier avec le sympathique Taylor Fritz lors de sa victoire contre Rinderknech, le dernier français en lice jeudi dernier, le voilà qu’il s’en est pris à la russe Daria Kasatkina, dimanche soir, après sa défaite en deux sets contre Elina Svitolina.
La raison ? Difficile de savoir en réalité. Parce qu’elle est russe ? Parce qu’elle n’a pas serré la main de Svitolina après le match ? Honnêtement, depuis que le Central à pourri Kostyuk et ovationné Sabalenka, on n’a arrêté de chercher un quelconque positionnement politique de ce public plus volatil qu’un Manuel Valls de la grande époque. Tout ce qu’on sait, c’est que le public a encore manqué une occasion de se taire. Et que ça commence à faire beaucoup.
Kasatkina soutien l’Ukraine et s’oppose à Poutine
Ce que le public ne savait pas, visiblement, c’est que malgré la situation plus que tendue sur le circuit entre les Russes et les Ukrainiennes, Daria Kasatkina et Elina Svitolina se portent un grand respect mutuel. Si les deux joueuses ne se sont pas serré la main après le match, dimanche soir, c’était d’un commun accord, Kasatkina comprenant bien comment un tel geste pourrait être mal perçu en Ukraine pour Svitolina. « Elles ont des raisons de ne pas le faire », disait-elle d’ailleurs, en mars dernier, à Madrid, après son match contre Lesia Tsurenko, une autre ukrainienne. Dimanche, les deux joueuses se sont donc contentées de se saluer de loin d’un geste du pouce.
Si « Dasha » Kasatkina est appréciée du côté ukrainien, c’est pour ses prises de position politiques très claires vis-à-vis de l’invasion russe. Dès le départ, celle-ci s’est déclarée contre la guerre et « solidaire » de ses « amis ukrainiens ». Celle-ci n’hésite pas, contrairement à beaucoup de ses compatriotes du circuit, à adresser la parole aux joueuses ukrainiennes et à les assurer de son soutien. « Je la remercie d’avoir pris position, lançait Elina Svitolina, deux jours avant le match. C’est ce que j’attends des autres joueurs et c’est très courageux de sa part. »
La joueuse touchée par les sifflets
Clairement opposée à Vladimir Poutine, Kasatkina n’a d’ailleurs pas hésité à dévoiler son homosexualité en juillet dernier, comme un doigt d’honneur envoyé à la face du dirigeant russe. Vivant en Espagne avec sa compagne, la patineuse russo-estonienne Natalia Zabiiako, celle-ci est tombée de l’armoire en entendant le public la siffler copieusement. Elle qui expliquait se sentir bien en France depuis le début du tournoi, évoquant notamment la « marche des libertés » qu’elle allait « soutenir depuis (son) hôtel et sur les courts de tennis », n’a pas compris la réaction d’un public, a priori moins au fait de son courage que des tarifs du Moët & Chandon à Roland.
« Je quitte Paris avec un sentiment très amer. Tous les jours, après chaque match que j’ai joué à Paris, j’ai toujours apprécié et remercié le public pour son soutien. Mais hier j’ai été hué pour avoir simplement respecté la position de mon adversaire de ne pas lui serrer la main, a-t-elle écrit sur Twitter. Moi et Elina nous sommes montrés respectueuses après un match difficile, mais quitter le terrain comme ça a été le pire moment de ma journée. Soyez meilleurs, aimez-vous les uns les autres. Ne répandez pas la haine. Essayez de rendre ce monde meilleur. J’aimerais Roland-Garros quoi qu’il arrive, toujours et pour toujours. A l’année prochaine ! » La classe jusqu’au bout.