DEPOUSSIERAGEDrone et storytelling… Comment rendre le ski alpin plus sexy à la télé ?

Mondiaux de ski alpin : Drones, micros et storytelling… Comment rendre le ski alpin plus sexy à la télé ?

DEPOUSSIERAGEAlors que les championnats du monde 2023 ont débuté de Courchevel et de Méribel, la question de la réalisation TV du ski alpin est au centre de toutes les attentions, notamment au sommet, du côté de la FIS
Aymeric Le Gall

Aymeric Le Gall

L'essentiel

  • Cette année, les championnats du monde de ski alpin ont lieu en France, du côté de Courchevel et de Méribel.
  • Vainqueur du combiné, mardi, Alexis Pinturault appelle son sport à se moderniser, notamment d'un point de la production télévisuelle.
  • Si les obstacles sont nombreux pour la Fédération internationale de ski, celle-ci tente aujourd'hui de reprendre la main sur ses droits TV afin de proposer un spectacle plus attrayant pour les téléspectateurs.

Alors que les championnats du monde de ski ont débuté cette semaine à Courchevel, avec un premier titre mondial à la clé pour Alexis Pinturault en combiné, un sujet agite le petit monde du planté de bâton ces derniers mois, celui de la réalisation télévisuelle « à la papa » de ce sport d’hiver. Mais avant de nous plonger dans le sujet, regardons autour de nous des fois que Gerard Piqué ne traîne dans le coin, lui qui semble prendre un malin plaisir à se jeter sur tout ce qui se fait de sport à la télé comme la vérole sur le bas clergé, pour le relooker à sa sauce, avec plus ou moins de réussite. C’est bon, pas de Barcelonais à l’horizon ? Alors allons-y.

Bien avant son titre de champion du monde décroché mardi, Alexis Pinturault nous avait donné rendez-vous dans le 16e arrondissement de Paris pour évoquer sa biographie, De l’or au cristal, publiée chez Marabout. Au menu de cet échange, entre autres choses, le retard du ski alpin dans son rapport à la télévision. « En France, le ski n’est pas énormément médiatisé, on ne se retrouve pas ou peu sur des chaînes gratuites, on a des temps d’antenne réduits et la manière dont il est présenté au grand public est un peu archaïque », listait-il alors.



Un avis partagé à 100 % par Christian Salomon, le nouveau directeur média et marketing de la Fédération internationale de ski (FIS), qui évoquait auprès de l’AFP le besoin urgent de modernisation de ce sport à l’écran. « Nous devons changer des choses qui sont restées les mêmes depuis 20 ou 30 ans. A l’écran, peu de choses ont évolué depuis les Championnats du monde 2003. »

La Formule 1 en exemple

Quiconque s’est déjà planté dans son canapé pour suivre une épreuve de ski alpin le sait, le schéma est classique, l'ennui mortel et le roupillon jamais loin. Pour schématiser, ça donne ça : deux ou trois images de montagne histoire de poser le contexte et on passe direct à une succession rébarbative de descentes de skieurs ou skieuses dont, casque et lunettes obligent, on ne reconnaît rarement les visages au moment où ils s’élancent. Les courses en elles-mêmes, filmées de manière statique par des caméras disséminées tout au long du tracé, ne stimulent pas non plus beaucoup nos cerveaux paresseux.

Si le drone a fait son apparition pour la toute première fois lors de ces championnats du monde, il reste encore beaucoup de choses à faire pour rendre ce sport un tant soit peu sexy aux yeux du grand public. « Globalement, les mêmes images et angle de vue se retrouvent d’année en année et ce manque de créativité des réalisations télévisuelles est une des raisons qui atténue l’aspect spectaculaire de ce sport, qui l’est pourtant naturellement », souffle Pinturault. Drones, caméras embarquées, meilleure prise de son pour vivre la course dans la peau des athlètes, mais aussi amélioration des données de course en direct à l’écran (vitesse d’accélération, nombre de g qu’encaissent les coureurs) sont autant de pistes à creuser à l’avenir.


Les drones d'aujourd'hui n'ont plus rien à voir avec celui, massif, testé lors de l'épreuve de ski alpin à Madonna di Campiglio, en 2015.
Les drones d'aujourd'hui n'ont plus rien à voir avec celui, massif, testé lors de l'épreuve de ski alpin à Madonna di Campiglio, en 2015.  - OLIVIER MORIN

Quand on leur pose la question de ce qu’il faudrait faire pour pimper tout ça, les spécialistes ont tous le même exemple en tête : la Formule 1. « Il y a quelques années c’était un sport en perte de vitesse qui n’intéressait plus grand monde et aujourd’hui ils sont de nouveau au top. Ce qui a changé, c’est surtout la réalisation télé, assène Pinturault. Les chaînes se servent des caméras embarquées pour faire vivre la course différemment, ils rendent les choses plus vivantes, sans parler du documentaire de Netflix Drive to Survive qui a fait énormément de bien à cette discipline pour gagner en popularité et qui a servi à mieux faire comprendre au grand public ce qui se joue sur et hors des circuits ».

« Si vous ne rajoutez pas un peu de storytelling, le ski alpin a de vrais inconvénients à la télé, embraye-t-on du côté de la Fédération française de ski. Les athlètes sont casqués, on ne les reconnaît pas, et d’un week-end à l’autre voire d’une course à l’autre les leaders ne sont pas les mêmes. On a donc besoin de raconter des histoires, et ça passe par une production beaucoup plus riche. »

FIS, droits TV et éditorialisation de la discipline

Dans les bureaux de la Fédération internationale de ski (FIS), depuis la nomination du nouveau président, le Suédois Johan Eloasch, en 2021, la question est prise très au sérieux. Mais les obstacles sont nombreux, à commencer par l’épineux sujet des droits télé. Jusqu’ici, la FIS, qui régente tous les sports de neige olympiques (ski alpin, ski nordique, ski freestyle, snowboard), sauf le biathlon, a choisi de laisser la gestion des droits TV aux fédérations nationales, organisatrices des différentes épreuves du circuit annuel de la Coupe du monde.

De leur côté, celles-ci ont vendu leurs droits à l’agence de marketing sportif Infront, qui les revend à son tour aux diffuseurs et aux sponsors. Or, cela représente une source conséquente de revenus pour ces fédés nationales. Si certains pays comme l’Autriche ou la Suisse assurent eux-mêmes la production et la diffusion de leurs épreuves, avec des moyens techniques et financiers colossaux, 80 % des courses sont donc gérées par Infront. « Or, nous dit Pinturault, le but d’Infront, c’est de gagner de l’argent, pas d’en perdre, il y a donc un manque d’investissement et de prise de risque évident d’un point de vue de la réalisation. »


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En reprenant la main sur ses droits télé, la FIS pourrait aussi impulser une autre révolution, celle du calendrier et des formats de courses, qui n’offrent aujourd’hui que peu de latitude aux chaînes de sport pour innover d’un point de vue éditorial. Directeur de la chaîne L’Equipe, qui a acquis les droits de diffusion de quatre courses françaises de la Coupe du monde ainsi que ceux des championnats du monde 2025, Jérôme Saporito en fait l’amer constat : « Aujourd’hui, c’est quoi le ski à la télé ? La manche 1 de combiné s’arrête, hop on bascule sur le freestyle, puis on revient sur la manche 2, etc. Or, pour l’intérêt général et la popularité de ce sport, les chaînes ont besoin de temps, de respiration, pour leur permettre de présenter la discipline, ses champions, ses enjeux et ses règles. »

Et celui-ci de prendre l’exemple du biathlon, produit phare de la chaîne depuis plusieurs années. « Cette année on va faire plus de 300 heures de biathlon contre 100 heures il y a cinq ans. Et on voit bien le résultat, il y a cinq ans une course de biathlon faisait moitié moins d’audience qu’aujourd’hui, parce que depuis on a investi sur l’éditorial. Parce qu’on nous a laissés le temps de le faire », apprécie-t-il. En choisissant de vendre en priorité ses droits à des chaînes gratuites, et en offrant à ces chaînes la possibilité et le temps pour développer la narration autour du biathlon, l’IBU a montré la voie à la FIS. Ce qui réjouit notre nouveau champion du monde de combiné. « On doit suivre cet exemple, cela permettrait de démocratiser notre sport et de rajeunir son public. De toute façon les choses sont claires : soit le ski alpin fait sa révolution, se modernise et s’ouvre à un nouveau public, soit il se meurt à petit feu ».