Affaire Crémer : Banque Populaire et le Vendée Globe dos à dos, Oudéa-Castéra en arbitre
VOILE•Par son intervention, Clarisse Crémer a mis les deux camps face à leurs responsabilités, et voit la ministre des Sports s’impliquer dans l’affaire. Probablement une bonne nouvelle pour la navigatriceWilliam Pereira
L'essentiel
- Clarisse Crémer a été débarquée de Banque Populaire dans l’optique du Vendée Globe 2024, de peur que sa maternité l’empêche de se qualifier
- L’organisation de la course a en effet changé les modalités de qualification en 2021, avec un règlement pas vraiment adapté à la situation de Crémer
- Les deux camps se renvoient la balle, alors qu’Amélie Oudéa-Castéra a annoncé s’être impliquée dans le dossier
A quoi tiennent des engagements en faveur du progrès social dans le monde de la course au large ? Un règlement mal fichu, un enjeu économique majeur ? Dans le cas de Clarisse Crémer, sans doute un peu des deux. La skippeuse de Banque Populaire a appris par son sponsor, fin janvier, qu’elle ne participerait pas au Vendée Globe 2024 comme c’était prévu. Il ne s’agit bien entendu pas d’un choix sportif : la Parisienne est devenue la femme la plus rapide de l’histoire de l’Everest des mers lors de la précédente édition, avec un bateau sans foils, et s’apprêtait à remettre le couvert avec l’ancien Apivia de Charlie Dalin, avec cette fois, un objectif de performance.
Sauf qu’entre 2020 et 2024, Clarisse Crémer a mis un enfant au monde. Une heureuse nouvelle que tout le monde s’est empressé d’applaudir, y a-t-il plus beau que l’arrivée d’un bébé dans nos tristes vies, probablement pas. Pour ce qui est en revanche d’assurer la participation de la compétitrice au prochain Vendée Globe, ça se bouscule un peu moins au portillon. De quoi rendre légitimement furax la navigatrice lésée, qui a aligné tour à tour son sponsor et l’organisation sur instagram jeudi.
Nouvelles règles
C’est quoi, le problème ? A l’automne 2021, La SAEM Vendée, société organisatrice du Vendée Globe, revoyait ses critères de sélection pour sa prochaine édition, notamment pour des raisons de sécurité. Avoir franchi la ligne d’arrivée de la précédente édition ne suffit plus pour être qualifié d’office - mais avoir un bateau neuf, si, allez comprendre. Parmi les autres règles notables, l’instauration d’un nombre limité de skippers au sein de la flotte (40, dont une wild card), nécessitant la mise en place d’un championnat afin de départager les aventuriers d’ici l’été 2024 (petite cocasserie, certains critères, comme l’intégration de The Ocean Race dans le championnat, étaient censés entrer dans une démarche de « féminisation de la course au large »). « Sur ce critère, j’ai bien sûr pris du retard face aux autres concurrents au départ, explique Crémer, toujours aucun point au compteur et au-delà de la 50e place. Cette maternité m’ayant empêchée d’être présente sur les courses qualificatives pendant un an. »
« Aujourd’hui Banque populaire décide que cela représente pour eux un risque qu’ils ne souhaitent finalement pas courir […] Je suis sous le choc […] Pour Banque populaire ce serait ‘’laisser le destin choisir à leur place’’, alors qu’ils ‘’se doivent’’ d’être au départ du Vendée Globe [dont ils sont partenaires depuis 2022]. Ils sont prêts à assumer le risque d’un trimaran géant, et tous les aléas naturels, techniques et humains liés à la course au large, mais visiblement pas celui de la maternité. » »
Banque Populaire et le Vendée Globe jouent au ping-pong
Mis face à leurs responsabilités par la jeune femme, qui s’est depuis réfugiée dans le calme du cocon familial, à l’abri des sollicitations médiatiques, les deux camps n’ont pas tardé à dégainer, chacun se renvoyant la patate chaude.
Banque Populaire : « Plusieurs solutions ont été proposées par le Team Banque Populaire à l’organisateur pour que le règlement prenne en compte la situation des femmes dans le Vendée Globe et la question de la maternité. Toutes ces propositions, ainsi que les demandes d’attribution d’une garantie de wildcard, ont été rejetées, y compris celle formulée il y a quelques jours encore, et c’est regrettable ».
Alain Leboeuf, patron de la course, au micro de RTL : « le règlement actuel lui permet tout à fait d’être au départ. C’est pour ça que je suis assez surpris de cette décision un peu hâtive de Banque populaire. Clarisse peut être sélectionnée sans aucune difficulté, malgré sa grossesse. Elle est lâchée par un sponsor, ne nous trompons pas de cible. » Il n’empêche que l’on a toujours du mal à comprendre pourquoi la course refuse d’attribuer cette fichue wild-card dès à présent pour se retirer l’épine du pied.
Oudéa-Castéra va-t-elle sauver Crémer ?
Banque Populaire n’a pas souhaité poursuivre l’escalade et « préfère temporiser », selon nos informations. Le dialogue avec Clarisse Crémer n’est pas totalement rompu, et cette dernière n’est pas complètement lâchée. Mieux, elle peut compter sur Amélie Oudéa-Castera, aka Captain Marvel, laquelle s’est déjà emparée du dossier. Rappelons que la ministre des Sports vient de se farcir Le Graët et Laporte, ce ne sont certainement pas un directeur de course de chars à voile ou des banquiers en costard qui vont l’effrayer.
« Je suis en contact avec les parties prenantes qui, toutes, ont à cœur de trouver une solution, avance AOC. Car chacun sait que Clarisse Crémer, femme la plus rapide de l’Histoire sur le Vendée Globe, mérite de pouvoir prendre le départ le 10 novembre 2024. Le combat pour que nos sportives puissent concilier leur maternité et leur carrière est une de mes priorités. » Au vu de l’épilogue des dossiers FFF et FFR, on ne serait pas surpris de voir une petite wild-card finir par tomber dans la poche de la navigatrice.