FOOTBALL« Des béni-oui-oui de NLG »… Derrière le scandale, les limites du Comex

Affaire Le Graët : « Des béni-oui-oui de NLG »… Dans l’ombre du scandale, les limites du Comex de la FFF

FOOTBALLDurement épinglé par le pré-rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche au même titre que Le Graët et Hardouin, le Comex de la FFF est désigné comme « un lieu de constats et de consensus » ou le débat n’existe pas
William Pereira

William Pereira

L'essentiel

  • Un comportement « au minimum sexiste », une « légitimité » perdue au sommet du football français : le rapport provisoire de la mission d’audit sur la Fédération française accable Noël Le Graët
  • Mais pas seulement. Le Comité exécutif (Comex), « un lieu de constats et de consensus » ne laissant « aucune place aux oppositions », en prend aussi pour son grade.
  • Au-delà de la succession de NLG, se pose donc légitimement celle de la refonte d’un instrument de pouvoir dont les limites pèsent sur le fonctionnement de la fédération

Tout ne tient désormais qu’à un fil. Le pré-rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) diligenté à l’automne par le ministère des Sports et transmis lundi à la FFF, accable assez largement Noël Le Graët. Celui-ci n’est « plus légitime ». Pas vraiment une surprise, sauf pour le président en retrait de la 3F. Perché dans un monde plein de certitudes, il n’avait même pas eu la lucidité de craindre l’arrivée d’un rapport sur sa gouvernance qu’il imaginait « positif ». Il l’avait même juré sur la tête du Comex, il y a tout juste 20 jours, ce qui, dans cette institution, revient à engager sa propre parole. On vit ensemble, on meurt ensemble, bad boys forever.

Car Nono et ses disciples sont dans le même bateau. C’est même l’un des reproches adressés à la FFF par le fameux rapport, lequel évoque « une stratégie politique qui consiste à se ranger derrière le président, tête de liste, dès lors que les mandats des membres du comex sont statutairement liés à celui de président ».

Au Comex, ni opposition, ni débat

Tout ce beau monde gouverne de fait comme il est élu depuis les Etats Généraux de 2011. A l’époque, une réforme des statuts de la fédé motivée par le scandale de Knysna débouche sur le mode de scrutin que l’on connaît et qu’un observateur avisé des affaires de la 3F considère aujourd’hui comme « une grosse connerie ».

« Il s’agit d’un scrutin de liste avec liste bloquée. La liste qui arrive en tête obtient tous les sièges [il en reste en réalité deux automatiquement attribués au président de la Ligue de football professionnel et au président de la Ligue du football amateur, un bien timide contrepoids]. Vous n’avez donc pas d’opposition ni de débat au sein du Comex parce que n’y siègent que des béni-oui-oui de Le Graët. On aurait pu imaginer que la liste arrivée en tête prenne par exemple les trois quarts des sièges, et que le deuxième en prenne 25 %. Mais non, c’est une liste d’une seule couleur. »

Une thèse que ne semble pas contredire le rapport de l’IGESR : « le comex est identifié comme un lieu de constats et de consensus ce qui est sans nul doute l’une des conséquences du scrutin de liste bloquée qui ne laisse aucune place aux oppositions. »


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C’est un peu moins vrai quand le patron est acculé. Au 87 boulevard de Grenelle, on cherche désespérément à rompre la chaîne reliée au boulet Le Graët, sous peine de couler avec. D’autant que le pré-rapport ne rassure personne au sein du Comex, à commencer par Eric Borghini.

« J’ai peur qu’à la lecture de ce rapport extrêmement fort, ça encourage l’idée du dégagisme. Mais si Noël Le Graët prend ses responsabilités et démissionne, nous avons tous les outils pour aller jusqu’en 2024 dans des conditions normales. » S’en remettre à la bonne foi de NLG, voilà une idée qui relève quasiment du religieux.

Les derniers recours de la gouvernance pour éjecter Le Graët

Plusieurs leviers existent toutefois pour chambouler la gouvernance si le vieil homme venait à s’obstiner, ce qui n’est jamais à exclure :

-La convocation par le Comex d’une Assemblée générale extraordinaire, en vue de destituer le président, est une possibilité… Mais elle entraînerait de nouvelles élections et condamnerait le Comex dans son ensemble.

-L’Assemblée fédérale peut par ailleurs être convoquée par le quart de ses membres s’ils le souhaitent, ouvrant là aussi la voie à une destitution du Comex et du président, ou sur demande de la Haute autorité du football (HAF)… Mais cette dernière a préféré temporiser, jusqu’ici.

-Dernière option, mise en avant par le pré-rapport d’audit : la saisine par le Comex de la Commission fédérale de discipline en vue du lancement d’une procédure disciplinaire à l’encontre du président.

Nouvelle loi sport pour une nouvelle vie

Au-delà de soulager ses (anciens) partisans, le scénario « idéal » permettrait un pilotage normal de la fédération jusqu’en 2024. Cette option présente un autre avantage par rapport à d’hypothétiques élections anticipées en 2023 : elles seraient soumises à la nouvelle loi visant à démocratiser le sport. Celle-ci rebat les cartes de la gouvernance des fédés et sa mise en application est prévue pour le 1er janvier 2024. L’ancien député LREM, Pierre-Alain Raphan, en a porté le texte.

« Ce qui changera pour certaines fédérations, c’est l’intégration des clubs dans le choix des gouvernants. Dès 2024, les clubs devront voter pour choisir le président ou la présidente de la fédération, ce qui n’était pas le cas partout [la FFF répond à un système de grands électeurs]. » »

« Autre point, ajoute Raphan, les instances dirigeantes des fédérations sportives nationales devront respecter la parité femmes/hommes. L’histoire aurait très bien pu connaître un autre destin s’il y avait eu une parité dès le départ sur certains sujets. Je pense que ce point aidera à avoir des garanties et des vigilances, notamment sur les sujets liés aux violences faites aux femmes. »

L’audit demande une refonte de la FFF

La députée Céline Calvez, qui a également porté le projet « démocratiser le Sport en France », s’étonnerait presque de sa pertinence. « C’est assez fou de constater que les raisons pour lesquelles on a poussé ce texte se révèlent déjà utiles. » Elle ajoute, à la liste des changements majeurs applicables à toutes les fédérations dès 2024, « une limite à trois mandats. On l’a bien vu avec la fédération de patinage : quand vous êtes pendant 22 ans à la tête d’une fédération qui a des pouvoirs forts, c’est pire que dans d’autres champs politiques. »

En revanche, la loi sport n’a aucune prise sur le système électoral de liste bloquée propre à la 3F. « On aurait aimé pouvoir aller plus loin sur ce point », regrette l’ancien député. Faute de mieux, le rapport d’audit recommande une refonte de la FFF, de la révision statutaire en passant par la mise en place d’un plan d’action sur les violences sexistes et sexuelles. Nul doute qu’Amélie Oudéa-Castéra y veillera. Céline Calvez : « on sait que la loi ne suffit pas toujours et qu’il faut aussi savoir faire preuve de détermination, ce que la ministre sait faire. » Noël Le Graët et Bernard Laporte approuvent ce message.