financementParis 2024 se veut rassurant sur le danger de dérive budgétaire

JO 2024 : « On maîtrise les risques »… Le comité d’organisation se veut rassurant sur le danger de dérive budgétaire

financementUn rapport de la Cour des comptes relève quelques points de vigilance ce mardi, mais le Cojo assure qu'il sait parfaitement où il va
Nicolas Camus

Nicolas Camus

L'essentiel

  • La Cour des comptes a remis ce mardi au Parlement son premier rapport sur l’organisation des Jeux olympiques 2024 de Paris.
  • Si aucune dérive n’est constatée, l’instance de contrôle relève quelques points de vigilance, par exemple sur la signature des contrats avec les sites olympiques, la sécurité ou les transports.
  • Fabrice Lacroix, le directeur administratif et financier du comité d’organisation, y répond point par point, assurant que tout est sous contrôle.

Le ton se veut courtois et policé, mais le rapport de force est bien en train de se dessiner entre le Comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo) et la Cour des comptes. Ce mardi, l’institution chargée de vérifier l’emploi des fonds publics a rendu un premier rapport sur la préparation des Jeux parisiens de 2024. L’heure n’est pas au signal d’alarme, mais certains dossiers ne peuvent plus attendre si l’on veut éviter que la facture n’explose dans la dernière ligne droite, a résumé le premier président de l’institution Pierre Moscovici dans la matinée, avant d’aller présenter ce rapport devant le Parlement. Ce à quoi le Cojo répond qu’il sait parfaitement ce qu’il fait.



La Cour des comptes veut aller vite...

Entamés en 2019, les travaux de la Cour des comptes entendent répondre au besoin « de transparence et d’exemplarité » réclamé selon elle par les citoyens, échaudés par les dérives observées lors des dernières éditions des Jeux. La maîtrise des coûts est un sujet majeur, dont dépendra la réussite de l’événement tout autant les performances sportives en elles-mêmes. A ce sujet, le rapport ne prend pas en compte la hausse de 400 millions d’euros (dont 111 provenant de l’Etat et des collectivités locales) validée courant décembre par le conseil d’administration de Paris 2024, portant le budget du Cojo de 3,98 à 4,38 milliards d’euros (et celui total des Jeux à un peu plus de 8 milliards). Celle-ci sera traitée dans une seconde note, prévue en juin prochain.

En attendant, il y a déjà de quoi faire avec ce compte-rendu. La recommandation clé est d’accélérer la signature des conventions d’utilisation des sites olympiques. Seules 11 sur 80 l’étaient au dernier pointage, en novembre. « Notre message est très clair là-dessus : il faut y aller. Il n’y a plus de temps à perdre », insiste Pierre Moscovici, qui alerte sur « un risque opérationnel et financier avéré » si tout n’est pas réglé en ce début d’année 2023. De manière générale, l’ancien ministre de l’Economie met l’accent sur un point : tout ce qui peut être anticipé doit l’être, car plus il faudra travailler dans l’urgence pour tout boucler avant l’ouverture des Jeux (26 juillet 2024), plus les risques de dérapage seront grands.

… Paris 2024 temporise

Le Cojo n’a pas attendu la Cour des comptes pour le savoir, évidemment. Mais il n’y a pas d’urgence selon lui. « On n’est pas d’accord avec cette notion de risque opérationnel et financier avéré, relève Fabrice Lacroix, le directeur administratif et financier de Paris 2024. Nous nous sommes fixés un calendrier, l’important pour nous est que ces contrats soient signés au moment où on commence à intervenir sur les sites, donc quelques semaines ou mois avant les JO. »

Les organisateurs veulent prendre le temps de négocier avec chaque prestataire, justement afin de maîtriser les coûts. « Dans les contrats que nous avons déjà signés, le prix a diminué de 40 à 60 % entre la première proposition et celle finalement acceptée », illustre le dirigeant. Les petits coups de pression ne font toutefois jamais de mal. « Tout le monde a bien conscience qu’il ne faut pas traîner, assure Moscovici. Mais entre la prise de conscience et la prise de décision, il peut y avoir des décalages, des hésitations. C’est pour cela que nous insistons là-dessus. Car tout ça est jouable, nous ne sommes pas hors délais. »


Le président de la Cour des Comptes, Pierre Moscovici, ici en octobre 2022.
Le président de la Cour des Comptes, Pierre Moscovici, ici en octobre 2022.  - SIPA

Le constat vaut également pour la sécurité, sujet de débat récurrent depuis que l’idée d’une cérémonie d’ouverture en plein air a été évoquée – puis validée l’année dernière. Le risque est grand que les besoins en agents de sécurité privée (au moins 20.000) ne puissent être satisfaits. Pas assez de candidats et de temps pour les former. Il faudra donc faire appel en renfort aux forces de sécurité intérieures, gérées par le ministère de l’Intérieur et les préfets (qui ne seront en plus pas toutes mobilisables car la vie continuera hors de Paris pendant les Jeux).

« Tout ça doit être financé par Cojo, et non par le contribuable, rappelle le président de l’institution. Et nous ne sommes pas sûrs que l’enveloppe prévue soit suffisante si le déficit d’agents privés est conséquent. » D’où la recommandation de chiffrer ce financement dans un plan global pour la sécurité au plus tard pour le mois de juin.

Pas une source d’inquiétude, rétorque le comité d’organisation. « Si on devait mobiliser des agents publics, ce qui nous incomberait serait de prendre en charge leur hébergement, des heures supplémentaires, éventuellement des congés non pris, etc. Ce coût serait inférieur à celui que représenterait celui d’agents venant de la sécurité privée », assure Fabrice Lacroix, rappelant que le budget consacré à ce domaine est passé de 200 à 320 millions d’euros.

La « réserve pour aléas » source de divergence

Une autre crainte concerne les transports, « dont la bonne organisation est une condition importante de la réussite des JO », rappelle la Cour des comptes. Des risques de retard existent sur certains points clé, comme la ligne 14 du métro, le franchissement urbain Pleyel à Saint-Denis, la Porte Maillot et la gare du Nord. « Le plan de transport définitif doit être maintenant achevé, préconise Pierre Moscovici. Ce n’est pas trop tard, mais il n’y a plus de marge de manœuvre. » Là encore, la Cour des comptes met en avant le danger, si tout n’est pas bien ficelé, de renforcer la tension sur le réseau existant, et en bout de chaîne d’énerver la population, qui subirait les Jeux plus qu’autre chose.

Pour tout cela, il est en tout cas inconcevable que l’Etat mette davantage la main à la poche que ce qu’il a déjà prévu. L’engagement d’argent public est déjà établi à 2,3 milliards d’euros (1,1 pour l’Etat, 1,2 pour les collectivités locales), une somme qui pourrait atteindre près de 3 milliards au final avec des dépenses de santé ou de transports pas encore connues, estime la Cour des comptes. Pour couvrir d’éventuels surcoûts, il faudra piocher dans la « réserve pour aléas ».

« On ne veut pas être les empêcheurs de tourner en rond »

Dotée de 315 millions d’euros à l’origine, elle n’est plus que de 200 millions après la révision budgétaire de décembre. Cela semble chagriner la Cour des comptes, qui se veut toujours prudente. « Nous avions demandé à la sanctuariser, ou à la reconstituer si elle était entamée, relève Nacer Meddah, présent à côté de Pierre Moscovici en tant que président de la troisième chambre de la Cour. Il est hors de question de notre point de vue qu’on fasse jouer la garantie de l’Etat. » Là encore, ce n’est pas dans les plans du Cojo, qui affiche sa confiance.

« La Cour considère qu’il faut en conserver le montant le plus élevé le plus tard possible, mais ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. En réalité, ce sont des coûts quasi certains dont nous ne connaissons pas encore le détail, explique Fabrice Lacroix. Au fur et à mesure, on les connaît mieux, donc on utilise cette réserve. Cette provision sera intégralement ou quasi intégralement consommée à la fin des Jeux. » Et les 200 millions restant suffisent à couvrir les risques envisageables d’ici à la livraison des Jeux. « On maîtrise les risques », assure-t-il.


notre dossier paris 2024

La Cour des comptes peut donc dormir sur ses deux oreilles, c'est du moins le message qui lui est envoyé. « On ne veut pas être les empêcheurs de tourner en rond, simplement mettre en avant des points de vigilance pour assurer le succès d’un événement auquel nous sommes nous aussi très attachés », conclut Pierre Moscovici. Rendez-vous en juin pour le second round.