Argentine - Croatie : Messi au firmament, et bientôt à la droite de Maradona ?
FOOTBALL•Lionel Messi a encore livré une prestation géniale contre la Croatie, avec en prime un numéro dont lui seul a le secret pour ridiculiser Gvardiol, le meilleur défenseur de la Coupe du mondeWilliam Pereira
De notre envoyé spécial à Doha,
Lui faire ça avant Noël, et en mondiovision. Auréolé de son statut de hype de la Coupe du monde 2022 avant de croiser la route de Lionel Messi en demi-finale, Josko Gvardiol a tout perdu face au Parisien, principalement ses reins. Comme souvent lorsqu’il s’agit du numéro 10 de l’Argentine, les armes du crime sont la feinte de corps et le coup de reins. Droite, gauche, on m’voit, on m’voit plus. Bonjour, au revoir. Centre en retrait, doublé d’Alvarez, 3-0, c’est par où la finale ? Ah, ici même, à Lusail ? Chouette, même pas besoin de bouger alors.
De toute façon, Messi ne se déplace plus que quand il a le ballon. Mais il le fait si bien, comment le lui reprocher ? Ses coéquipiers sont des matelots dévoués à leur seule tâche, servir le capitaine et attendre que celui-ci indique le cap jusqu’au but et, a fortiori, à la finale. Ou, plus modestement, comme le dit l’homme du match : « je prends énormément de plaisir. Je me sens bien, je me sens fort à chaque match. J’ai la chance de pouvoir aider le groupe pour faire avancer les choses. »
Bientôt l’égal de Maradona ?
Plus émouvant, plus riche de sens, plus puissant est le témoignage de Lionel Scaloni, qui fait bien de rappeler que Messi est le meilleur, et que la supposée subjectivité argentine n’y est pour rien.
« « On pourrait croire qu’on dit que Messi est le plus grand de l’histoire parce que nous sommes argentins. Mais je crois qu’il n’y a aucun doute. J’ai la chance de l’entraîner et de le constater. C’est émouvant. Chaque fois qu’on le regarde, il provoque quelque chose chez ses partenaires. Pas seulement les Argentins. C’est une chance et un privilège. » »
Il ne lui reste qu’une marche à franchir – la plus haute – pour regarder Diego Maradona dans les yeux. Lui aussi en avait mis partout en demi-finale de Coupe du monde, en 1986 : un doublé et 36 passes décisives non-converties par ses peintres de coéquipiers à une époque où seuls Valdano et Burruchaga semblaient dignes de fouler la même pelouse que « D10S ». On le sait pour s’être farci un résumé d’un quart d’heure ce fameux Belgique-Argentine.
On n’ira pas jusqu’à dire que Messi porte sur ses épaules toute une équipe de bras cassés, bien que la vérité ne soit pas si éloignée. En revanche, comme pour feu Maradona, deux joueurs occupent une place de choix à la droite du Messi, à tel point que leur entrée dans le onze de Scaloni a transfiguré l’équipe depuis la défaire contre l'Arabie saoudite : le soyeux Enzo Fernandez et l’impitoyable Julian Alvarez.
L’un derrière, l’autre devant, ils apportent à leur aîné un relais vital pour compenser ces chevauchées interminables que l’âge lui interdit de reproduire. Il y a bien des fulgurances, çà et là, des doubles contacts entre trois joueurs, des crochets dévastateurs, des changements de rythme pour tuer des colosses de la trempe de Gvardiol. Mais la vitesse a quitté ses jambes. C’est donc sur cette jeune béquille que reposent les espoirs du vieux sage, prêt à affronter son destin.
« On a joué cinq finales, on en a gagné cinq »
Dimanche, la plus belle patte gauche du siècle rejouera une finale de Coupe du monde, huit ans après l’échec au pied du mur allemand. Il n’y aura pas de troisième chance, mais le joueur parisien ne craint plus l’échec. La défaite inaugurale contre l’Arabie saoudite a très vite plongé l’Argentine dans l’urgence de la victoire et l’a contraint à s’accoutumer à la pression. « Ce que nous avons fait était difficile, dit Messi, car chaque match était une finale. On a joué cinq finales, on en a gagné cinq. Espérons que ce soit le cas de la prochaine… En interne, on était très confiant parce qu’on connaît ce groupe. On a perdu le premier match sur des détails, et cela nous a fait grandir. » Josko Gvardiol, lui, a dû se sentir tout petit.