FOOTBALLDu calme plat au grand bazar, comment Pays-Bas-Argentine a basculé

Pays-Bas - Argentine : Du calme plat à la bataille de Lusail, comment le match a basculé

FOOTBALLLes Argentins se dirigeaient vers une victoire sans histoires. C’était sans compter sur Leandro Paredes et l’improbable quasi-héros Wout Weghorst
William Pereira

William Pereira

De notre envoyé spécial à Doha,

La ressemblance était frappante, alors on pensait que les Argentins allaient le refaire. L’Albiceleste menait de deux buts dans une séance de tirs au but jusqu’ici à sens unique quand les frêles épaules d’Enzo Fernandez ont craqué. Penalty complètement raté, les Pays-Bas réduisent l’écart. Mais cette fois, les hommes de Louis Van Gaal ne sont pas revenus. Un peu plus expérimenté que son jeune prédécesseur, Lautaro Martinez a converti la deuxième balle de match et envoyé l’Argentine en demi-finale contre la Croatie.

Le sommet tant attendu contre le Brésil n’aura pas lieu, mais l’Amérique du Sud n’est pas morte dans cette Coupe du monde 2022. Les hommes de Scaloni regretteront néanmoins de n’avoir pas su contenir leurs nerfs pour plier l’affaire dans le temps réglementaire. Pour la dramaturgie du match, en revanche, c’était parfait. Autopsie d’une rencontre quelconque qui a fini par basculer dans l’irréel. Avec Leandro Paredes dans le rôle de détonateur.

Jusqu’ici, tout va bien…

Il est important de préciser, en préambule, que ce Pays-Bas-Argentine n’était pas un bon match de football. Sur le plan purement technique, on a connu des 0-0 de meilleure facture. L’Albiceleste a maîtrisé son sujet pendant plus d’une heure de jeu, enfin surtout Lionel Messi : le Parisien a d’abord délivré une passe décisive, de celles qui glacent l’espace-temps pour atterrir comme par magie dans les pieds de son destinataire. Nahuel Molina, en l’occurrence, qu’on n’attendait pas forcément dans cette zone. Un peu à la Thuram 1998. Puis, Messi s’est définitivement réconcilié avec l’exercice du penalty – ce qui lui servira plus tard - pour faire le break à la 73e. L’affaire semble pliée. Elle ne l’est pas. « C’est ce qui fait du football un si beau sport, philosophe Lionel Scaloni en conférence post-match. Quand on croit que tout est joué, rien n’est joué. »

L’inconnu et le coup franc de génie

Si cette Argentine a « du cœur et de la fierté » pour reprendre les mots du sélectionneur, les Pays-Bas ont Louis Van Gaal. Enfin avaient, vu qu’il vient d’annoncer son départ. Bref. Le magicien néerlandais a sorti de son chapeau une stratégie bien dégueulasse, vieille comme le monde, pour renverser le cours du jeu. Bye, bye, Memphis Depay, bonjour Wout Weghorst. L’inconnu du Besiktas, si vous ne le connaissez pas, et personne ne le connaît, mesure 1m97. Le genre à trainer dans la raquette pour gratter des paniers faciles. Oui, bon, on se trompe de sport mais vous saisissez l’idée. Lionel Messi la résume mieux :

« « Ils nous ont gênés avec des grands ballons, ils ont mis beaucoup de grands gabarits dans la surface. Ils ont égalisé et on a fini en souffrant. » »

Mais l’ami Wout n’est pas qu’un beau joueur de tête comme il l’a montré sur la réduction du score. C’est aussi un petit filou. L’égalisation sur une combinaison qu’il faut avoir l’audace de tenter à la 10e minute d’arrêts de jeu de la seconde période, en atteste. L’effet de surprise est total pour Emiliano Martinez, pas pour les Jean-Charles Sabattier du dimanche : ces derniers ont vite fait de déterrer un but de Weghorst inscrit avec Wolfsburg contre Bielfield en 2020, selon le même mode opératoire. Un faux mur à côté du mur, une passe, un contrôle orienté, un tir, un but.


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Double clin d’œil historique, même, puisque d’autres feront remarquer que Javier Zanetti avait marqué sur une combinaison similaire en 1998 face à l’Angleterre. L’arroseur arrosé 24 ans plus tard.

Fin de match en mode Street Fighter

Avant ça, une autre entrée en jeu allait changer le cours de la partie. Celle de Leandro Paredes. L’ancien Parisien n’apparaît jamais par hasard. Telle une divinité destructrice, sa présence annonce chaos et désolation. Son seul plaisir réside dans la violence et le désordre. Si bien qu’à la 89e minute, il n’a pas pu s’empêcher de découper le pauvre Berghuis les deux pieds décollés avant d’envoyer une mine à bout portant vers le banc néerlandais, qui se ruera vers lui. Van Dijk devance tout le monde pour s’offrir le luxe de bousculer fermement Paredes. Et tout part en vrille : on s’accroche, on se pousse, on se gueule dessus, un bazar pas possible, vu de la tribune presse, on ne sait plus qui gueule sur qui. On reconnaît seulement Messi, un peu à l’écart, sans doute conscient de ses lacunes physiques dans le domaine du corps à corps.


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Ce n’est pourtant pas l’envie d’en découdre qui manquait à la Pulga, au point de se muer en cow-boy une fois la victoire scellée. D’abord, en allant vers Van Gaal et son adjoint, Edgar Davids, en mimant un « taisez-vous » avec la main puis en s’expliquant avec le duo néerlandais, complètement sur le cul. Attitude détestable de Messi, acte II : alors qu’il répond à une flash interview, il interpelle ouvertement Wout Weghorst d’une phrase à mi-chemin entre la racaille de cour de récré et le président de la république en visite au salon de l’agriculture.

« Qu’est-ce que tu regardes, pauvre con ? » Le pétage de câble n’est finalement que le reflet du mauvais esprit argentin cristallisé dans une image, celle des célébrations après l’ultime péno de Lautaro. En partant à la poursuite de leur héros, les Argentins passent devant le camp oranje. Deux zigotos ont la bonne idée de les chambrer à coups de grimaces sur le chemin, parmi lesquels… bingo, Leandro Paredes (l’autre étant Nicolas Otamendi, pas le pingouin qui glisse le plus loin non plus). C’en est trop pour Denzel Dumfries qui pète un câble et se fera expulser dans l’anonymat le plus total.

Messi, le Parrain

Mais pour Messi, tout ceci n’est que la faute de M.Lahoz, l’arbitre de la rencontre. Du caïd, on passe au parrain. « On ne peut pas mettre un arbitre comme ça pour un match d’une telle envergure, pestait le numéro 10 au micro de beIN Sports. Je crois que la Fifa doit s’occuper de ça. »

On ne risque pas de retrouver notre ami espagnol lors des prochains matchs de l’Argentine. Et quelque part, Messi a raison. Entre l’insupportable propension de Lahoz à hacher la rencontre avec des arrêts de jeu sans queue ni tête et une certaine fébrilité au moment de sortir le carton rouge (sur Paredes), l’arbitrage a été défaillant. Une petite stat pour finir : 15 cartons au total, dont 14 jaunes. Au bon souvenir de la bataille de Nuremberg en 2006, un Portugal-Pays-Bas qui là encore ne s’était pas bien terminé pour les vaincus du jour.