Pragmatisme européen et folie latine, le cocktail gagnant de la Seleção

Brésil - Serbie : Pragmatisme européen et folie latine, le cocktail gagnant de la Seleção

FOOTBALLD’abord en contrôle, le Brésil a fini par enflammer le Lusail Stadium en seconde période
William Pereira

William Pereira

De notre envoyé spécial à Doha,

Dans l’histoire récente des titres mondiaux de la Seleção, disons les deux derniers (1994 et 2002), il a bien sûr été question de génie offensif, mais aussi de pragmatisme tactique. Plus aux Etats-Unis avec un triple pivot légendaire Dunga, Mazinho, Mauro Silva qu’en Corée et au Japon, dont on retiendra quand même le mur défensif infranchissable formé par Roque Junior, Lucio et Edmilson. Mais l’idée est là. Non pas que la Canarinha version Coupe du monde 2022 s’inscrive réellement dans cette lignée, bien qu’elle compte dans ses rangs les besogneux Casemiro et Fred, mais elle a montré face à la Serbie d’encourageantes prédispositions à la solidité.

D’abord dans sa mise en place irréprochable. Un bloc parfaitement dessiné de trois lignes, dont une défense à cinq à la perte de balle (Raphinha dans le rôle de la roue de secours). Le pauvre Mitrovic en fait encore des cauchemars. Exilé en pointe comme Napoléon à Saint-Hélène, l’attaquant de Fulham a terminé la rencontre avec zéro tir. Mieux, la Serbie n’a même pas été fichue de cadrer la moindre frappe au Lusail Stadium. De quoi faire sourire Thiago Silva en zone mixte.

« Notre système défensif est très bon, je me retrouve encore à parler de leur entraîneur qui hier, ou avant-hier, je ne me rappelle plus, a demandé : ils jouent avec quatre attaquants, mais est-ce qu’il y a quelqu’un derrière ? Ce n’est pas bien, c’est un manque de respect. Avec Alex Sandro, Marquinhos, Danilo, et surtout Casemiro, nous avons une histoire, il devrait mieux se renseigner avant de parler comme ça. » »

Le Brésil a fini par user la Serbie

Ensuite, dans la manière qu’a eue le Brésil de contrôler le tempo de la rencontre, quitte à frustrer l’assistance à travers de longues séquences de possession. Chiantes en première période, il faut bien l’avouer, elles ont eu le chic de faire cavaler les Serbes dans tous les sens. Aussi costauds soient-ils, à l’image d’un Pavlovic gladiateur, ces derniers ont fini par payer leurs efforts en seconde période, comme a fini par le reconnaître Dragan Stojkovic en conférence de presse. « En seconde période, nous avons décliné physiquement. Le Brésil a su en tirer profit, ils ont d’excellents joueurs et ils nous ont punis. En seconde période, nous leur avons laissé trop d’espaces parce que mon équipe était vraiment en train de décliner et cela m’a surpris. »



Ce pragmatisme brésilien complètement antinomique a duré une bonne heure. Et il n’a pas toujours été intentionnel. A l’exception de percées de Vinicius et de maladresses de Raphinha, l’équipe de Tite s’en est tenue à son plan, par confort. Et crispation. « Sur un premier match, tout le monde devient anxieux, cela fait partie de la nature humaine, mais nous avons essayé de calmer les joueurs, raconte le sélectionneur auriverde. A la pause, je leur ai dit d’avoir le pied léger, de faire baisser l’adrénaline. »

Richarlison, la classe mondiale

Le Brésil « européen » a cessé d’exister dès lors que Richarlison a ouvert le score, laissant place à une fantaisie rendue possible par les espaces laissés par des Serbes en quête d’égalisation. Il est d’ailleurs amusant de noter que le premier but, sans panache, s’oppose entièrement au chef-d’œuvre de l’attaquant sur le second : un amour de contrôle à 9/10 sur l’échelle Dennis Bergkamp pour reprendre un centre un peu dégueu et finir le boulot d’un geste acrobatique. 10/10 sur l’échelle Amara Simba. Milinkovic-Savic n’a que ses yeux pour pleurer. « C’était un très beau but, j’en avais déjà marqué un similaire avec Fluminense, et ensuite avec Everton, rappelle l’homme du match. Mais cette fois c’est en Coupe du monde. C’était un match difficile pour nous mais c’est l’un des plus beaux buts que j’aie jamais marqué. »


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Derrière, la sortie de Neymar n’a pas vraiment coupé l’élan de folie brésilienne, bien aidée par des remplaçants volontaires. Ou plutôt devrions-nous parler de « finisseurs », à la Fabien Galthié. Car il serait offensant de réduire Gabriel Jesus, Rodrygo et Anthony à de simples substituts. Une profondeur de banc à vous dégoûter les plus vaillants des Serbes. Un petit mot sur la récente recrue de Manchester United, pour finir. Ses qualités techniques indéniables pourraient en faire un joueur redoutable. Mais pour l’heure, ses virgules-petit-pont gênantes le prédisposent à poursuivre sa carrière dans le bassin des otaries de Marineland. Comme quoi, le pragmatisme peut aussi avoir du bon.