Italie : Victime de racisme, la volleyeuse star Paola Egonu explose et secoue le pays
Volley•Cadre de l’équipe d’Italie à seulement 23 ans, la joueuse d’origine nigériane a été la cible d’insultes racistes après la demi-finale mondiale perdue contre le Brésil en fin de semaine dernière et songe sérieusement à renoncer à la sélectionN.C.
A quoi bon jouer pour représenter des imbéciles ? Voilà, en substance, la question que se pose actuellement Paola Egonu, et qui ne manque pas d’agiter toute l’Italie en ce début de semaine. La volleyeuse est, à seulement 23 ans, une des cadres de la sélection italienne, fraîchement médaillée de bronze lors du championnat du monde disputé en Pologne et aux Pays-Bas. Mais à l’issue de la petite finale remportée face aux Etats-Unis samedi, la pointue d’1,93 m a explosé. « C’est fatigant, ils m’ont demandé pourquoi je suis Italienne. C’est mon dernier match avec la Nazionale », a-t-elle dit à son agent après avoir reçu sa médaille, dans une séquence volée qui a rapidement fait le tour des réseaux sociaux au pays.
En cause, les nombreuses insultes à caractère raciste reçues après la demi-finale face au Brésil, lors de laquelle la joueuse a raté un service au moment où son équipe pouvait empocher le 3e set et mener 2-1. L'Italie s’est ensuite inclinée trois sets à un. De quoi énerver certains idiots, qui voient en cette fille d’immigrés venus du Nigeria dans les années 1990 la coupable parfaite. Pas la première fois. Comme le rappelle Le Parisien, elle avait notamment été la cible d’attaques ignobles quand elle avait été choisie pour être la porte-drapeau de son pays aux JO de Tokyo, en 2021.
Quelques minutes après les larmes, Egonu est venue s’expliquer en zone mixte. « Les commentaires, on les lit, ça atteint les joueuses et ça fait mal, a exposé celle qui, d’année en année, a de plus en plus de mal à passer au-dessus de tout ça. Si j’endosse ce maillot, ça veut dire que je me sens Italienne, ça me fait mal que l’on puisse douter de cela. Je me demande pourquoi je dois représenter des personnes qui m’écrivent ces choses-là. »
L’appel de Mario Draghi
Un peu plus tard, son agent Carlo Raguzzoni a tenté de calmer le jeu. « Paola s’est défoulée à chaud mais elle a déjà redimensionné ses propos, a-t-il livré auprès de La Gazzetta dello Sport. Elle était un peu déçue car quand elle joue mal, elle est dans l’œil du cyclone et cela l’a blessée. »
Il n’empêche, ces propos ont été largement commentés en Italie, notamment dans la classe politique, où le contexte est explosif. Dans quelques semaines, Giorgia Meloni, présidente du parti postfasciste Fratelli d’Italia, formera un nouveau gouvernement de coalition entre la droite et l’extrême droite après avoir remporté les dernières élections. Le Premier ministre actuellement en poste, Mario Draghi, l’a appelée personnellement pour lui demander de ne pas céder, rapporte les médias italiens.
Dans cette affaire au retentissement national, le temps est désormais à l’apaisement. C’est en tout cas le sens de la prise de parole du président de la Fédération de volley, Giuseppe Manfredi, qui a appelé au calme dès dimanche. « La porte sera toujours ouverte pour elle, elle a notre maillot tatoué sur sa peau, a-t-il assuré. Après une compétition aussi longue et des semaines de rassemblement, on peut toujours dire des choses à chaud. Maintenant, nous devons tous nous calmer et penser à la suite, puisque les prochaines convocations auront lieu en 2023. Il n’y a aucune raison qu’elle ne soit pas là. Le volley est pour l’intégration totale, certainement pas le racisme. »
Un appel écouté et entendu par l’intéressée. « Ce n’est pas un adieu, car ce serait leur donner raison. Je veux effectuer ce pas de côté dans le but de faire réfléchir » a admis Paola Egonu. La joueuse va désormais prendre du temps et de la distance. Au sens premier du terme. Elle est attendue cette semaine en Turquie, où elle vient de signer pour le club de VakıfBank, à Istanbul.