OL-Toulouse : Comment les Lyonnais subissent-ils un « déclassement » inéluctable en Ligue 1 ?
FOOTBALL•Largués dès le début de l’automne en championnat, en raison d’une série de quatre défaites de rang, les joueurs de Peter Bosz sont dos au mur au moment d’affronter le TFC, ce vendredi (21 heures) au Parc OL
Jérémy Laugier
L'essentiel
- Désormais 7e à 10 longueurs de l’OM (2e), l’Olympique Lyonnais (7e) joue déjà très gros, ce vendredi (21 heures) contre Toulouse.
- Les partenaires d’Alexandre Lacazette sont en effet au point mort en Ligue 1, avec quatre défaites consécutives au compteur.
- Cette série noire actuelle, tout comme le surprenant maintien en poste de Peter Bosz, symbolise le criant manque d’ambition/d’exigence d’un OL en plein « déclassement » en championnat.
«J’ai été contrarié et irrité car l’équipe est mièvre, ce que je ne supporte pas. Pour un groupe qui se trouve là où il est, c’est anormal, inacceptable. C’est mon rôle et mon devoir de président de réagir. » Non, cette sortie médiatique de Jean-Michel Aulas n’a pas eu lieu après le quatrième revers consécutif de l’Olympique Lyonnais, dimanche à Lens (1-0), mais après la précédente série tout aussi noire, il y a 31 ans. A l’époque, Raymond Domenech était un jeune entraîneur et Bruno Genesio un précieux milieu de terrain de cette équipe lyonnaise.
Mais même si l’OL était encore très loin de compter sur l’échiquier du football français, en mars 1991, son ambitieux président se montrait autrement plus exigeant qu’aujourd’hui. Avant la réception à hauts risques de Toulouse ce vendredi (21 heures), JMA a passé sa semaine à soutenir Peter Bosz et à réclamer de « la patience » à son sujet, alors que son club (7e) est en pleine noyade, à 10 points du rival marseillais (2e), et même à 8 longueurs de Lorient (3e) en seulement 9 journées de Ligue 1.
« Le sportif n’est plus la priorité absolue à l’OL »
« Le président aurait dû tenir le même discours dimanche qu’en 1991, confie Gilles Rousset, gardien de but de l’OL durant cette saison 1990-1991 conclue à la 5e place, deux ans seulement après la remontée dans l’élite. Il y a un gros décalage entre ses déclarations actuelles et ce qu’on peut constater sur le terrain, à savoir l’absence de jeu, de créativité et de dépassement de soi. C’est une situation de déni : tout part en brioche mais les responsables ne le voient pas, ou ne le disent pas. » Pendant 15 ans, jusqu’en 2019, Gilles Rousset a été l’entraîneur des gardiens du centre de formation puis l’entraîneur adjoint de l’équipe réserve et des U19 ans de l’OL. Il livre aujourd’hui un regard aussi sévère que lucide sur l’évolution du club.
« En me détachant sentimentalement de l’OL depuis 2019, j’ai pris conscience de la chute du club, qui a perdu son âme. Chacun tire dans son sens. Le déménagement de Gerland à Décines a été essentiel sur le plan économique, mais ça a été un séisme au niveau de l’état d’esprit. La formation, qui est à Meyzieu, est désormais coupée des pros. Il y a des bureaux, des commissions et des directeurs de partout, et le sportif n’est plus la priorité absolue à l’OL. En 1991, les moyens n’avaient rien à voir mais l’ambition était présente. C’était une phase de construction, et là nous sommes en pleine déconstruction. On subit un déclassement. » »
Toujours dans le Top 5 de 1998 à 2020
Le mot est lâché et il fait sens, tant Lyon s’enlise durablement dans la médiocrité. Depuis sa demi-finale de Ligue des champions en 2010, le deuxième budget du football français n’a fini qu’à deux reprises à la deuxième place (2015 et 2016) en 12 saisons de Ligue 1. Les partenaires d’Anthony Lopes, qui a encore présenté mercredi l’OL comme « un des plus grands clubs d’Europe », sont même lancés vers une quatrième année consécutive sans podium, et donc sans qualification en Ligue des champions. Pire, alors que Lyon n’avait jamais été hors du Top 5 depuis 1998, il vient d’enchaîner une 7e place en 2020 (saison arrêtée par le Covid-19), une 8e place en 2022, et il végète à nouveau à la 7e place. Le tout sous le regard bienveillant d’un boss avant tout (pré) occupé depuis de longues semaines par l’épineuse vente du club à John Textor.
« « En 2002, l’année de notre premier sacre en Ligue 1, on avait vite été sortis des deux coupes nationales, ainsi que de la Coupe UEFA, se souvient l’ancien défenseur lyonnais Jean-Marc Chanelet. Le président était venu dans le vestiaire pour nous responsabiliser sur les conséquences qu’aurait une non-qualification en Ligue des champions. On avait alors compris notre rôle essentiel pour pérenniser l’équilibre économique du club et de tous ses salariés dans l’ombre. Il y a 20 ans, il y avait au pire une remise en cause générale après deux défaites, et pas après quatre revers. » »
Neuf clubs titrés hors PSG depuis dix ans
Et encore, les supporteurs lyonnais attendent de constater ce vendredi une réaction collective digne de ce nom, après l’indigente rencontre à Lens (1-0 sans le moindre tir cadré). « Avant ce match, je ne me faisais de toute façon aucune illusion, soupire RIchard, abonné au virage sud. C’était inéluctable qu’on allait se faire taper là-bas, comme un peu partout à l’extérieur désormais. Notre déclassement se fait de façon naturelle quand on voit que début octobre, le podium n’est déjà plus jouable pour un soi-disant grand club français. »
Face à la mainmise hexagonale de l’ogre parisien version QSI depuis une décennie, l’argument économique reste le plus souvent pointé pour justifier l’interminable disette de titres à Lyon depuis la Coupe de France 2012. Montpellier, Monaco et Lille sont pourtant tous devenus champions de France durant cette période, et l’ASSE, Bordeaux, Guingamp, Strasbourg, Rennes et Nantes ont remporté une coupe nationale. Autant de titres que le deuxième budget de la Ligue 1 a suivis de loin.
Des joueurs « surprotégés et dédouanés »
« Le pire, c’est que tu as quand même mis des moyens ces dernières années, avec plus de 80 millions d’euros dépensés qui ne t’ont servi à rien entre Andersen, Reine-Adélaïde, Mendes, Faivre et tant d’autres recrues, peste Richard. » Ce supporteur pointe un baromètre criant du déclassement lyonnais : « A une époque, quand nos joueurs quittaient l’OL, c’était pour rejoindre de grands clubs. Aujourd’hui, des titulaires s’en vont pour signer à Aston Villa, à Burnley ou au Herta Berlin »…
Selon Richard, la fin de l’exigence remonte à l’épilogue de l’ère Hubert Fournier, limogé en décembre 2015 après une première partie de saison désastreuse : « Durant les trois ans et demi avec Bruno Genesio, il y avait des excuses à tout va pour surprotéger et dédouaner les joueurs, de l’arbitrage à la collation posant problème en cas de match à 13 ou 15 heures ». Qui aurait imaginé, au cœur des années 2000, que Jean-Michel Aulas ne se séparerait pas illico presto d’un entraîneur ayant bouclé une saison complète sans qualification européenne, avant d’enchaîner sur quatre défaites de rang ?
« Il faut trouver comment se renouveler »
Selon nos informations, la direction de l’OL, représentée par le trio Aulas-Ponsot-Cheyrou, avait tenu à rencontrer au printemps dernier les deux principaux groupes de supporteurs lyonnais, à savoir les Bad Gones et Lyon 1950, afin de les interroger sur leur réaction en cas de maintien de Peter Bosz pour 2022-2023. Ceux-ci s’étaient alors montrés favorables à cette option. Cela a pu conforter les dirigeants lyonnais dans leur surprenant choix, qui s’accompagne d’un encéphalogramme plat dans le jeu. Même durant la période de vaches maigres planifiée par JMA, en vue de la construction du Parc OL, l’OL de Rémi Garde (4e, 3e et 5e de 2011 à 2014) régalait bien plus ses supporteurs qu’aujourd’hui.
Les exemples de clubs progressivement déclinants, après avoir été dominants, ne manquent pas en France, de l’ASSE à Bordeaux. Celui qui se rapproche potentiellement le plus de l’actualité lyonnaise est le FC Nantes, champion de France en 1995 et en 2001, et vainqueur des éditions 1999 et 2000 de la Coupe de France, avant de chuter dans le ventre mou du championnat, puis en Ligue 2 à deux reprises (2007 et 2009). Avec à la clé 21 années sans titre, jusqu’à la Coupe de France avec Antoine Kombouaré en mai dernier. Olivier Quint, qui a évolué à la Beaujoire de 2001 à 2006, se souvient de ce déclassement des Canaris.
« Quand tu as gagné autant de titres, tu restes un grand club. On se raccrochait à tout ce qui avait été fait, on se disait que ça pouvait revenir. Mais il faut trouver comment faire pour se renouveler, pour rebondir, alors que justement l’OL émergeait au début des années 2000. Il y a eu les départs de figures majeures comme Eric Carrière, puis Mickaël Landreau et Jérémy Toulalan, mais le gros tournant a été le limogeage de Raynald Denoueix dès décembre 2001. La nouvelle direction s’appuyait de moins en moins sur le centre de formation et elle recrutait des joueurs qui ne s’inscrivaient pas dans le projet du club. » »
Le symbole Rayan Cherki
La seconde partie de l’explication d’Olivier Quint correspond mieux au marasme lyonnais actuel que la première, quand on voit à quel point les jeunes pousses Castello Lukeba
et Malo Gusto (tous les deux âgés de 19 ans) sont installés en première ligne, sans véritable concurrence à leur poste. « On sent une résignation générale, un groupe un peu apathique, et pas une équipe unie qui déteste la défaite, poursuit Jean-Marc Chanelet. Des joueurs sont à la fois surcotés et dans le confort sur le plan salarial. Par rapport aux années 2000, l’OL paie un peu en avance un joueur sur son potentiel plutôt que sur ce qu’il a déjà prouvé au club avec l’équipe professionnelle. Ça ne va pas inciter les joueurs à se faire mal et à tirer dans le même sens comme peut le montrer une équipe comme le RC Lens. »Notre dossier sur l'OL
On peut notamment penser à la situation de Rayan Cherki (19 ans), qui vient de prolonger à un salaire mensuel estimé au-dessus de 200.000 euros brut, alors qu’il ne compte qu’1 but inscrit et 9 titularisations en Ligue 1. Une des multiples bizarreries d’un club à l’effectif déséquilibré, qui se découvre chaque année de nouveaux concurrents directs, de Rennes à Lens, et désormais même Lorient. Fichu déclassement sans fin.