Procès Laporte-Altrad : « Où sont les fadettes ? », les pontes du rugby français pour l’instant épargnés
JUSTICE•La première journée d’audience a été marquée par de vifs échanges autour de l’enquête préliminaire menée par le PNF et le contenu des écoutes téléphoniques impliquant le président de la FFRJ.L.
L'essentiel
- Le procès de Bernard Laporte s’est ouvert mercredi à Paris pour des soupçons de favoritisme impliquant notamment l’homme d’affaires multimilliardaire Mohed Altrad, principal argentier du XV de France.
- La première journée d’audience s’est enlisée dans des débats techniques et n’a pas pu permettre aux magistrats d’interroger le président de la FFR.
A la 32e chambre correctionnelle,
Une première journée pour rien, ou alors il faut avoir développé quelques passions inavouées pour les méthodes de travail du (PNF) Parquet national financier, dûment discutées par les avocats de la défense dans le premier jour du procès dit de l’affaire Laporte-Altrad, devant la 32e chambre correctionnelle du Tribunal de Paris.
Parmi les cinq co-prévenus, le président de la fédération française de rugby est incontestablement celui qui joue le plus gros, poursuivi notamment pour prise illégale d’intérêts, abus de confiance, et abus de bien sociaux à un an de la Coupe du monde 2023 arrachée à l’Afrique du Sud, la grande réussite de son premier mandat, « son débarquement d’Omaha Beach » avait joliment imagé son grand pote Vincent Moscato sur RMC. Alors que Claude Atcher, lui aussi prévenu dans cette affaire, vient d’être débranché de la présidence du comité d’organisation pour son management brutal, Laporte se retrouve cette fois en première ligne.
Un contrat d’image en échange d’un favoritisme ?
Le cœur battant du dossier ? Le boss de la FFR, en échange d’un contrat d’image d’un montant de 180.000 euros signé pour animer quatre séminaires dans l’entreprise Altrad début 2017 et finalement jamais honoré une fois son existence révélée, a-t-il tenté de renvoyer l’ascenseur à plusieurs reprises au président de Montpellier en profitant de ses fonctions de président de la FFR ? D’abord en facilitant sa prise participation dans le club anglais de Gloucester, puis en demandant à la commission d’appel de la Ligue d’atténuer des sanctions à l’égard du MHR, et enfin en bradant le maillot des Bleus à prix cassé pour faire plaisir à son ami Altrad, désormais sponsor principal du XV de France et grand mécène du rugby français ?
L’ancien secrétaire d’État aux sports, qui avait prévu d’être interrogé par les magistrats dès l’entame du procès -il est arrivé très en avance- n’a pas ouvert la bouche de l’après-midi, Et pour cause, l’essentiel des débats s’est concentré sur l’enquête préliminaire du PNF et la communication, ou plutôt la non-communication à la défense des écoutes téléphoniques qui ont permis d’établir une partie des faits reprochés à Bernard Laporte.
François-Xavier Dulin, le procureur du PNF, en a profité pour tenter d’amuser un peu la galerie avec quelques punchlines savoureuses, notamment à propos des « cages de Faraday » dénoncées par Me Vey, l’avocat de Mohed Altrad, en référence à la taille des salles prévues pour la consultation des scellés partagés par le ministère public : « En effet, ces salles ne sont pas équipées de fenêtre extérieure, et à l’intérieur il y a lumière pour deux ou mois, après il faudra peut-être passer à la bougie. Je vous rassure, nous les consultons dans les mêmes conditions que vous, personne n’est là pour nous masser le dos ».
Bernard Laporte interrogé jeudi
Un bon moyen de faire sourire la salle, mais un bonheur tout juste provisoire. Embarrassée de ne pas avoir pu consulter les fameuses fadettes produites la veille par le PNF à la demande des avocats de la défense, lesquels s’étaient concertés pour dénoncer « un tableau excel incompréhensible », la présidente a fini par renvoyer tout le monde au vestiaire avant 18 heures.
Les prévenus, arrivés séparément et très distants les uns des autres bien qu’assis sur le même banc, en avaient profité pour se détendre progressivement. Clause Atcher bavassait avec Bernard Laporte, et Mohed Altrad, réfugié un peu plus loin, s’immisçait à son tour, presque amusé par la tournure des événements. « On a discuté des enfants, de comment s’étaient passées les vacances, des banalités quoi. Comme vous avez pu le voir, les choses sont apaisées, je suis très serein, si ça continue comme ça toute la lumière va être faite sur le sujet. » Vu de nôtre fenêtre, c’est encore obscur, mais un premier voile devrait être levé jeudi avec l’interrogatoire de Bernard Laporte. Si quelqu’un arrive à mettre la main sur ces fameuses fadettes d’ici là, évidemment.