Stéphane Heulot: «Les dès étaient pipés»
CYCLISME•Le manager de l'équipe Saur-Sojasun se désole de la non-sélection de son équipe pour le Tour de France 2010...Propos recueillis par Matthieu Payen
En tant que coureur, il en a connu des désillusions, des difficultés, des galères. Mais cette fois, c’est pour ses coureurs que Stéphane Heulot est déçu. Sa jeune équipe Saur-Sojasun n’a pas été sélectionnée pour faire le Tour de France 2010. La pilule a du mal à passer.
Votre équipe ne fait pas partie des 22 sélectionnés par Amaury sport organisation [ASO] pour disputer le Tour de France. C’est quelque chose auquel vous vous attendiez?
On le savait parce qu’on avait été mis au courant sur Paris-Nice par les organisateurs. Ça renforce encore plus notre déception parce que nous avions alors un coureur en jeu pour la victoire [Jérôme Coppel, 10e au final]. Ça prouve que le côté sportif n’a jamais était pris en compte et que les dès était pipés d’avance. J’aurais préféré connaître les règles du jeu dès le départ.
C’est-à-dire?
Selon moi, le Tour n’est pas une récompense, ça se mérite. C’était donc sur le terrain sportif que les choses devaient se gagner ou se perdre. J’estime que nous avons rempli notre part de résultats. Les organisateurs en ont jugé autrement.
Vous êtes en colère?
Je ressens plutôt de l’incompréhension, de la déception. Une certaine forme d’abandon aussi. Mais que peut-on faire face à un diktat? Aujourd’hui, on n’a rien à dire. La meilleure façon de tuer son chien, c’est de dire qu’il a la rage. On est face à un système verrouillé, pas toujours compréhensible.
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Les équipes sélectionnées sont en Pro-Tour sauf BMC qui est, comme vous, en Continental Pro, mais qui compte Cadel Evans, champion du monde, dans ses rangs. Finalement, c’est logique…
Oui, mais le choix de BMC est une logique sportive autour d’un seul homme. Celui-ci a 33 ans, donc pas vraiment l’avenir. Certes, il est champion du monde, mais c’est son seul atout. L’an dernier, il n’a rien fait sur le Tour. De plus, objectivement, BMC n’a pas gagné de course. Et puis, cette équipe, il ne faut pas oublier, est dirigée par les mêmes qui étaient à la tête de la Phonak [impliquée dans des affaires de dopage]. Ça me fait mal de voir ces gens, qui ne sont ni sourds ni aveugles sur ce qui s’est passé, revenir fiers comme Artaban en se payant le champion du monde comme seul atout pour une sélection sur le Tour.
Cette année, des équipes puissantes, comme Sky et RadioShack, se sont formées. Pas facile de rivaliser.
On en avait conscience. Mais voir que le mercato à coup de dollars permet une qualification sur le Tour de France, ça me dérange. Aujourd’hui, soyons clair, Evans n’a aucune chance de gagner le Tour de France. Il a fait un choix d’argent, mais il n’a pas d’équipe. Et si jamais il n’est pas au départ du Tour, qu’est-ce qu’on fait? Qui sera leader? Hincapie? Bravo, encore la jeunesse!
Ça vous fait quoi de voir qu’il n’y aura qu’une trentaine de coureurs français au départ du Tour…
A peine une trentaine! J’ai beaucoup de tristesse pour le cyclisme français qui a fait sa propre révolution. Aujourd’hui, les coureurs français sont décriés parce qu’ils ne sont pas au niveau. Nous, on met en place des moyens pour retrouver de la compétitivité, mais on se bat avec nos armes. Chez Saur-Sojasun, nous ne travaillons qu’avec des coureurs français, des sponsors français et il y avait moyen de se montrer. Jérôme Coppel aurait pu briguer un maillot de jeune. On cherche un champion français, et bien laissons la chance aux jeunes de briller.
Alors, que faire?
Je demande une légitimité nationale. Ça ne gêne pas les autres tours de pratiquer la priorité nationale. L’an dernier, tout le monde s’inquiétait parce que la France n’avait le droit d’aligner que six coureurs français. Et maintenant, on les empêche de participer aux courses sur lesquelles ils pourraient se mettre en évidence.
Maintenant que vous êtes fixé, vous allez faire quoi en juillet?
Nous avions un programme parallèle de prévu. De toute façon, le Tour n’aurait concerné que neuf coureurs sur les dix-neuf de l’équipe. Il faudra être prêt parce qu’on a envie de participer à de grands tours. On va essayer de se repositionner sur le Tour d’Espagne en espérant qu’ASO [aussi organisateur de la Vuelta] ne fasse pas non plus jouer la préférence nationale... Et puis, le Tour n’est pas parti. Juillet, c’est dans trois mois. Le passé nous a appris qu’il peut se passer plein de choses. Je ne serai découragé que lorsque le premier coureur aura pris le départ du Tour.