Petit plongeon matinal avec Philippe Lucas
NATATION•L'ancien coach de Laure Manaudou a basé sa structure dans la piscine de Saint-Germain-en-Laye. Rencontre...Romain Scotto
Le chrono est greffé à la paume de sa main, malmené par les gourmettes. L’œil braqué sur ses nageurs, Philippe Lucas multiplie les allers-retours au bord du bassin de Saint-Germain-en-Laye. L’écran qui surplombe le bassin indique 6h15, mercredi matin. Dans le dôme embué de la forêt des Loges, le biker dirige sa première séance d’entraînement de la journée. Trois heures intensives pour Camélia Potec et les six autres membres du Team Lucas, la dernière structure montée par l’ex-coach de Laure Manaudou.
«Se lever à cinq heures, c’est juste une habitude à prendre. Ça n'a jamais tué personne», lance-t-il au saut du lit. Surpris en plein bâillement, Sébastien Rouault, spécialiste des longues distances, ne le contredira pas. A une heure où la piscine sonne encore creux, où les cris d’enfants et les barbotements des grands-mères ne dérangent personne, l’entraîneur aux gros bras trouve les conditions d’entraînement idéales. Ses nageurs aussi. «Ils sont tous disciplinés, il n’y a pas de problème. Passer plusieurs heures dans l’eau, c’est leur quotidien. Là, ils sont dans leur élément», enchaîne le coach, toujours adepte des lourdes charges de travail matinal.
Le modèle Potec
Ce matin, le groupe va rester trois heures à l’eau. De quoi trouver le temps long? «Pas plus qu’en vélo, coupe Lucas. De toute façon, il n’y a qu’Armstrong qui a le temps de regarder le paysage.» Pour s’aérer, la petite troupe alterne les exercices. Du dos, du crawl, avec palmes, bouée ou planche. Coach Lucas maîtrise le plan de marche. Il sait aussi rompre la monotonie quand l’un de ses nageurs s’égare: «Je vous conseille de vous investir et de vous bouger le cul si vous ne voulez pas tout refaire deux fois.» Evidemment, le message est assimilé.
«Des entraînements aussi durs, j’en ai déjà connu. Mais si tôt dans la saison, jamais», lâche Sébastien Rouault. L’ancien entraîneur de Canet n’a jamais été sensible à ce genre de réclamation: «Ce n’est pas l’usine non plus. Si vous saviez comme la vie est dure dans certains pays... Camélia a fui cela.» Pour tout le groupe, l’exemple à suivre enchaîne les longueurs sans ciller avec son maillot de bain aux couleurs de la Roumanie. Pour Lucas, Camélia Potec est l’une des rares nageuses capables d’avaler 20 km en une journée. Comptez donc 400 longueurs de bassin.
«T’as de la purée dans les bras»
Rien ne doit perturber la séance de la championne olympique. Pas même le va-et-vient du public, présent dans l’eau à partir de 8h15. Pour elle, Lucas est même prêt à faire la circulation: «Attends, je vais les virer eux, là-bas, même si ce sont des gendarmes.» A 80.000 euros la location des deux lignes d’eau à l’année, l’entraîneur n’aime pas trop être embêté. Au total, la structure financée par des partenaires privés, tournerait avec un budget de 500.000 euros. «Il faut louer les apparts des nageurs, payer les stages, les soins, et tout le bazar», souffle Lucas soudain agacé par l’attitude d’une de ses protégées.
«C’est quoi, ça? T’as de la purée là dans les bras. C’est de la gélatine. Sois tonique, t’es molle.» La fin de l’entraînement est proche. Certains pensent déjà au repas qui les attend à la sortie du bain. D’autres ont peut-être déjà la tête à leurs cours. Ou à la sieste, qui permettra à tous de supporter la deuxième séance de la journée, en début d'après-midi. Autour du bassin de Saint-Germain-en-Laye, le chrono de Philippe Lucas ne s’arrête jamais.