BASKETLes Bleus ont-ils les moyens de leurs (grandes) ambitions dans cet Euro ?

Eurobasket : « La prise de conscience est urgente »... Les Bleus ont-ils les moyens de leurs (grandes) ambitions ?

BASKETL’équipe de France de basket entame son Euro 2022 jeudi face à l’Allemagne, après une défaite préoccupante face à la Bosnie samedi dernier à Sarajevo
Aymeric Le Gall

Aymeric Le Gall

L'essentiel

  • L’équipe de France affronte l’Allemagne pour son premier match de l’Euro 2022, jeudi, à 20h30.
  • Après des matchs amicaux remportés sans trop de soucis, les Bleus ont affiché plus de fébrilité lors de leurs deux dernières sorties en matchs de qualif pour le Mondial.
  • S’ils veulent être à la hauteur de leurs grandes ambitions, il va clairement falloir élever le niveau d’exigence et d’engagement sous peine de vite déchanter.

Il est un adage dans le sport auquel les basketteurs français aimeraient enfin goûter, alors que s’ouvre l’Euro en Allemagne ce mercredi. Celui qui veut que les succès de demain s’érigent sur les échecs d’hier. On les avait quittés l’été dernier sur une défaite en finale des JO de Tokyo face aux Etats-Unis, dégoûtés d'être passés si près du Graal olympique, on les retrouve revanchards et blindés d’ambitions.

Dans L’Equipe, au début du mois, Rudy Gobert a annoncé la couleur : « L’objectif n’est pas simple, mais il est clair. J’en ai assez des médailles de bronze (Coupe du monde 2019 en Chine) et d’argent (JO 2021). On est là pour l’or ». Histoire d’être sûr, on lui a reposé la question la semaine dernière à Bercy, à la veille du match contre la République tchèque en qualif pour la prochaine Coupe du monde. « A chaque fois qu’on entre dans une compétition, on veut la médaille d’or, mais peut-être plus encore cette fois-ci, c’est vrai », a-t-il répété.

« Ils ont besoin de ça », assure Nico Batum

Cette dalle d’or s’explique assez facilement, au-delà du simple fait que quand on a regardé les Etats-Unis dans le blanc des yeux en finale des Jeux, on en veut forcément plus. Non, là, c’est une histoire de tripes, de besoin plus que d’envie, comme un challenge qui ne regarde qu’eux et eux seuls. Grand absent de la compète pour préparer au mieux sa saison avec les Clippers, Nico Batum sait mieux que personne ce que ressentent les gars.

« Les paroles de Rudy sont vraies, ils en ont marre (des deuxièmes ou troisièmes places). Les stars n’ont jamais eu de médailles d’or que ce soit en jeunes ou chez les A, ils ont besoin de ça, de construire leur propre histoire, disait-il il y a quelques jours sur RMC. On a fait Madrid, on a fait Pékin, on a fait Tokyo. C’était bien mais on n’a pas cette médaille jaune. Ils ont envie de prouver : "La génération TP c’était bien mais nous aussi on est là pour continuer (à gagner)". S’ils n’y parviennent pas, ils vont mal le vivre. »

Mais en sont-ils vraiment capables ? Sur le papelard, soyons honnêtes, il y a deux ou trois bricoles qui nous permettent d’en douter.

  • L’absence de deux cadres, Batum et De Colo, qui sur la balance pesaient un quart du temps de jeu des Bleus avec trente minutes de moyenne par match à Tokyo.
  • Un groupe « vraiment renouvelé », selon les mots de Vincent Collet, « moins expérimenté », et qui a besoin de se « construire ». « Souvent on sous-estime cette phase de construction d’un collectif mais ça ne se fait jamais d’un claquement de doigts », prévient le boss.
  • Un Euro d’un niveau rarement vu par le passé, avec la présence de tous les monstres de NBA : Jokic pour la Serbie, Doncic pour la Slovénie et Antetokounmpo pour la Grèce.
  • Un « groupe de la mort », comme l’a rappelé le sélectionneur la semaine passée, composé de l’Allemagne, la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, la Lituanie et la Hongrie.

Les Bleus ont du retard à l’allumage

Admettrez que ça fait pas mal de cailloux dans les baskets des Bleus. Ce n’est pas pour rien que Vincent Collet a passé la plupart de sa conférence de presse la semaine passée à calmer les ardeurs de ses joueurs. « Les entraînements se passent bien, on est dans les clous par rapport à d’autres préparations, mais ça ne nous donne aucune garantie de succès, a-t-il prévenu. C’est un peu comme un coureur du Tour de France qui fait de bons temps pendant sa prépa dans la moyenne montagne, mais qu’est-ce qui va se passer quand on va attaquer les cols hors catégorie ? Clairement, aujourd’hui on n’est pas au niveau suffisant pour battre les meilleurs en Europe, mais ça ne veut pas dire qu’on ne le sera pas demain. Et notre objectif c’est d’y parvenir. »

Pour ça, il faudra déjà éviter ces entames de match en charentaises comme on l’a vu face aux Tchèques et le Monténégro ces derniers jours. Au-delà d’une certaine maladresse aux tirs, on a vu une équipe de France à la ramasse sur ce qui fait sa force depuis l’invention de la roue : la défense. Le point « le plus embêtant » selon Collet, suivi de près par Evan Fournier : « On fait une entame pas terrible, comme depuis ce début de préparation », reconnaissait le nouveau capitaine après la rencontre face aux Tchèques, où les Bleus ont pris un bouillon dans le premier quart-temps. « On ne met pas un tir, à titre personnel, je fais un de mes moins bons matchs en équipe de France depuis des années (7 points, 3 sur 13 au tir). Il faut que ça commence par une prise de conscience individuelle. Sur l’Euro, on n’aura pas toujours la capacité de revenir comme ça. Pour qu’on ait une médaille, il faut qu’on commence mieux », tonnait l’ailier des Knicks.

Une défaite contre la Bosnie qui interroge

Ces matchs de qualif au Mondial intercalés en pleine prépa pour l’Euro ne sont finalement pas une si mauvaise chose pour cette équipe. Après des matchs amicaux un peu légers en termes d’adversité (Pays-Bas, Belgique et Italie par deux fois), Vincent Collet ne crache pas sur des confrontations plus velues. « Jusqu’ici (avant la défaite face à la Bosnie samedi) on a gagné tous nos matchs mais il nous a manqué un peu de difficulté. Ce type de rencontre officielle est pour nous est une opportunité, on avance. » C’est aussi ce que nous confiait Guershon Yabusele du côté de Bercy : « Ça nous permet de mieux nous préparer, ce sont des matchs qui comptent. C’est vraiment là qu’on va pouvoir se tester, qu’on va pouvoir corriger nos erreurs, peaufiner le travail effectué depuis le début de la prépa. Ça nous met directement dans le bain. »

Loin d’être une trempette de santé, la défaite face à la Bosnie, chez elle, en prolongations, doit être la piqûre de rappel nécessaire pour faire dégonfler les boulards. Fournier l’a bien compris : « On ne doit jamais sous-estimer le cœur des hommes. Peu importe qui on joue, le statut qu’on croit avoir. Nous sommes un pays phare, les autres nous considèrent comme favoris, ils vont tous nous rentrer dans la gueule. » Pour Collet, « la prise de conscience est impérative et urgente », sous peine de vite déchanter. Après avoir annoncé sur le plateau des Grandes Gueules que « ces mecs-là se foutent de ce qu’on pense d’eux, dans leur tête ils vont gagner l’or, tu peux leur mettre n’importe qui en face, ça ne changera rien », est-il toujours aussi serein que ses coéquipiers aujourd’hui ? Nous, en tout cas, on demande à voir.