Du sandball au beach handball, l’évolution fulgurante d’un sport de plage qui n’a rien à envier à l'indoor
HORS-TERRAIN•Les équipes de France de beach handball féminine et masculine n'existent que depuis 2016 mais la pratique est en train de se structurer pour un jour, peut-être, rêver des JOLaure Gamaury
L'essentiel
- Chaque jeudi, dans sa rubrique « hors-terrain », 20 Minutes explore de nouveaux espaces d’expression du sport, inattendus, insolites, astucieux ou en plein essor.
- Cette semaine, les projecteurs sont braqués sur le beach handball, jeune sport en France, qui tente de se faire un nom aux côtés de son homologue indoor, champion olympique en titre chez les femmes comme chez les hommes.
- « Je me souviens qu’en 2017, quand Mickaël Illes a monté l’équipe de France masculine pour l’Euro à Zagreb, on avait dû faire au maximum dix séances de beach handball avant le tournoi », témoigne Patrice Annonay, l’un des piliers du collectif tricolore.
Prenez un rectangle de sable de 27 sur 12 mètres. Mettez-y deux équipes de quatre joueurs durant deux sets de 10 minutes. Si à la fin d’un set, il y a égalité, ajoutez un but en or. Et si au terme du match, les équipes sont à un set partout, remuez le tout avec des tirs au but. Une pincée de figures aériennes, un zeste de kung-fu. Et paf, ça fait du beach handball ! Du quoi ? Et bien, c’est du hand sur sable. Vous trouvez ça barjot ? Normal, cette version outdoor a été créée en même temps que le sandball, son pendant plus festif que compétitif, mis à l’honneur par l’équipe de France qui a fait basculer le hand du côté doré des médailles : les bien nommés Barjots.
Si le beach handball fait donc son apparition dans la deuxième moitié des années 1990, il n’est pas la priorité de la Fédération française de handball à cette époque, relate Joëlle Demouge, actuelle coach adjointe des Bleues dans cette jeune discipline. « La première compétition internationale à laquelle la France a participé, les femmes comme les hommes, c’est en 2017 au Monténégro sur un Euro. Les autres nations avaient déjà commencé à travailler, à former des joueuses et des joueurs, et à participer à des tournois. » La France a une bonne quinzaine d’années de retard sur cette pratique, alors qu’elle détient les titres olympiques pour ses deux équipes A indoor.
La France, jeune venue volontaire dans le monde du beach
« Je me souviens qu’en 2017, quand Mickaël Illes a monté l’équipe de France masculine pour l’Euro à Zagreb, on avait dû faire au maximum dix séances de beach handball avant le tournoi », témoigne Patrice Annonay, l’un des piliers du collectif tricolore, également ancien gardien de but de haut niveau en indoor pendant vingt ans et pensionnaire de plusieurs clubs de D1. « Le gotha du beach handball international ? Non, on n’y est pas encore, s’exclame Joëlle Demouge, qui évolue aux côtés de Valérie Nicolas, la coach des Bleues, tout en assurant son poste de CTS (conseillère technique et sportive) de la région Bourgogne-Franche-Comté. Et ce même si en 2017, dès notre premier Euro, on s’est qualifiées pour le Mondial 2018. »
C’est l’unique participation tricolore à un Mondial jusque-là, puisque les hommes ne sont jamais parvenus à décrocher la moindre qualification. « On progresse indéniablement de saison en saison », analyse Mickaël Illes, sélectionneur de l’équipe masculine A et ex-joueur de haut niveau à Angers, Nîmes et Aix. Cette année, lors des qualifs pour l’Euro 2023, les Bleus se sont classés cinquièmes. Suffisant pour décrocher un ticket pour ce championnat d’Europe, qui aura lieu en mai prochain à Nazaré (Portugal), tout comme pour les féminines tricolores, également qualifiées.
Clarisse Wild rêve de « ne faire que du beach »
« On a des ambitions, continue l’ancien handballeur de haut niveau. En partant de rien ou quasiment il y a six ans, le travail est immense. » En créant d’abord en 2016 les deux équipes de France A, féminine et masculine, puis dans la foulée des équipes nationales jeunes de beach, la discipline est en cours de structuration. « Ne faire que du beach ? J’en rêve », confie Clarisse Wild (24 ans), handballeuse en D1 à Saint-Amand-les-Eaux, et joueuse de beach depuis le début de son histoire dans l’Hexagone.
Mais la France, qui vient d’organiser la semaine dernière sa première Coupe des territoires à Malo-les-Bains (Nord), n’en est pas encore là. Pour Mickaël Illes, la dynamique doit désormais prendre à l’échelle des régions et des clubs : « Ce sont les ligues qui sont en charge de monter leur équipe, à elles de créer des tournois pour détecter des joueurs et motiver les troupes ».
Les précieux tauliers Patrice Annonay et Benjamin Gallego
Absent des rassemblements cet été, Patrice Annonay, retraité des terrains indoor en 2021, compte bien continuer son aventure en bleu : « Mon projet de reconversion m’a pris beaucoup de temps cette année, mais la porte de l’équipe de France de beach n’est pas fermée ». Bien au contraire pour celui qui en a été le premier capitaine.
« Son profil et celui de Benjamin Gallego [pivot de l’USAM Nîmes], un peu blessé cet été, sont très importants dans le groupe, analyse le sélectionneur tricolore Mickaël Illes. L’équipe est fougueuse, avec peu de professionnels. Ils sont pleins d’énergie et de bonne volonté, ils jouent au beach depuis plusieurs années grâce à la filière jeunes, mais ils manquent d’expérience. Patrice et Benjamin apportent la fibre du haut niveau national nécessaire. »
La volonté de figurer aux JO
La sélection nationale en salle, Clarisse Wild l’avait mise de côté après quelques stages en cadettes. « J’ai abandonné mon rêve de gosse d’être en équipe de France parce que je n’étais pas en phase avec l’état d’esprit en indoor. Dès que j’ai enfilé le maillot bleu au beach, j’ai ressenti de nouveau la même excitation. Et puis chanter la Marseillaise pendant les compétitions, ça me met toujours la larme à l’œil. » La cadre de l’équipe de beach handball de 24 ans l’assure : elle compte porter les couleurs de la France le plus longtemps possible. Peut-être même aux JO.
Car le beach handball a des ambitions olympiques. « Tous les critères sont réunis : on a un format de match idéal, un jeu spectaculaire, des équipes qui viennent des cinq continents, et c’est un vrai spectacle avec de la musique et l’ambiance plage, résume Mickaël Illes. Et puis, il suffit de s’organiser avec le tournoi de beach-volley, qui figure déjà au programme des JO. La structure de sable et les tribunes sont déjà prévues. » Si en 2024 à Paris, le beach handball n’aura droit qu’à « un showcase », dixit le coach de l’équipe masculine, la discipline pourrait charmer le CIO pour Los Angeles en 2028. « Le beach, c’est un sport estival, fun, attractif, qui en plus passe très bien en vidéo et photo », abonde Joëlle Demouge.
Encore dans l’ombre de l’indoor
Mais à l’heure actuelle, le beach handball grandit encore dans l’ombre de l’indoor. Pour détecter les jeunes joueurs et joueuses notamment. « On s’appuie beaucoup sur le parcours de performance fédérale. On recrute les jeunes sur les stages nationaux en salle. On n’a pas de filière propre et spécifique au beach handball », expose Joëlle Demouge. Mais pourquoi ne pas y songer un jour. Clarisse Wild l’envisage bien, elle qui ne se voit pas dans une carrière longue en salle. « Ce serait trop dur d’aller jusqu’à 35 ans, confie-t-elle. J’espère pouvoir installer dans les années à venir du beach dans mon quotidien. Des clubs sont en train de se monter. Je vais voir quand je pourrai prendre une licence et peut-être faire un à deux entraînements de beach en plus du hand. Je dois aussi en discuter avec mon club. Je ne peux pas mener ma carrière de handballeuse pro à 100 % en faisant du beach toute l’année à côté. »
Les clubs de hand indoor sont-ils si difficiles à convaincre ? « Pour l’Euro 2023, il va falloir négocier avec les clubs puisqu’il aura lieu du 23 au 28 mai. Pour les femmes, ça tombe sur une journée de championnat de D1 et D2, ce n’est pas simple », souffle Joëlle Demouge. Car Patrice Annonay le résume bien : « Pour les clubs des joueurs pros, ce sont des compétitions en plus dans un calendrier déjà bien chargé. Et puis, certains n’ont pas encore bien compris ce que le beach pouvait apporter à l’indoor ».
« On ne s’interdit pas une bière en fin de journée »
Explosivité, cardio, qualités de feintes, vision du jeu plus fine, agilité, extension… Autant de compétences que le beach handball requiert et développe, quasi sans crainte de blessure. « En termes de proprioception, c’est top. J’ai déjà vu des joueurs avec des chevilles strappées en début de compétition qui la terminaient sans, assure Mickaël Illes. Le sable n’est pas traumatisant du tout pour les articulations. Seules les personnes sujettes aux pubalgies et aux déchirures prennent des risques avec les appuis fuyants. Mais l’an dernier à l’Euro, je suis rentré avec zéro blessé ». « La saison de beach est très dense mais je joue plus relâchée, indique Clarisse Wild. J’y mets beaucoup plus de fun, sûrement parce que ça me permet de changer d’air tout en jouant au hand, qui est ma passion avant d’être mon travail. »
Notre dossier Hors-terrain
Fair-play, convivialité et bonne humeur sont des qualificatifs qui reviennent régulièrement pour caractériser cette version outdoor plus confidentielle du hand. « Attention, je prends le beach très au sérieux », précise la handballeuse. « Les joueurs et joueuses qui viennent sur sable sont des compétiteurs et ils entrent sur le terrain pour gagner », confirme Mickaël Illes. « Mais l’ambiance est bien plus à la fête que dans une compétition indoor classique. On ne s’interdit pas une bière en fin de journée », ajoute-t-il dans un rire. Est-ce à dire que quand on y a goûté, on ne peut plus s’en passer ?