Wimbledon : « Ons Jabeur illumine l’image de la Tunisie », assure son premier entraîneur
INTERVIEW•Ons Jabeur dispute la finale de Wimbledon ce samedi, contre la Kazakhe Elena Rybakina. Nabil Mlika, son premier entraîneur, évoque la joueuse, mais aussi « l’ambassadrice du bonheur » de la TunisiePropos recueillis par Nicolas Stival
L'essentiel
- La finale dames inédite de Wimbledon oppose ce samedi la Tunisienne Ons Jabeur, n° 2 mondiale, à la Kazakhe Elena Rybakina, 23e.
- Dans son pays, Jabeur a dépassé le statut de joueuse de tennis pour devenir une icône.
- Son premier entraîneur, Nabil Mlika, savoure le succès de son ancienne élève, dont il loue les qualités sportives mais aussi humaines.
Ce samedi, la Tunisienne Ons Jabeur, n° 2 mondiale, va tenter d’écrire une nouvelle fois l’Histoire à Wimbledon. A 27 ans, la première joueuse du continent africain à atteindre la finale d’un Majeur dans l’ère Open veut devenir la première à gagner un tournoi du Grand Chelem. Elle devra pour cela battre une autre néophyte à ce niveau, la Kazakhe Elena Rybakina, 23 ans et 23e au classement WTA.
Depuis Hammam Sousse, à 130 km au sud de Tunis, Nabil Mlika ne ratera rien du match devant sa télé. L’entraîneur de 55 ans a façonné Ons Jabeur, de ses débuts à 3 ans et demi jusqu’à son départ pour le lycée sportif de la capitale, neuf ans plus tard.
Le quinquagénaire dévoile avec passion le parcours et la personnalité de « la ministre du bonheur », dont la renommée a dépassé la simple sphère sportive dans son pays natal, où il est déjà question de lui décerner un poste d'ambassadrice. En cas de victoire, Jabeur pourrait encore atteindre une autre dimension ce samedi. « J’espère qu’elle trouvera une solution pour relancer les premières balles de Rybakina, c’est l’une des clés du match », analyse Nabil Mlika, optimiste mais prudent.
Quel souvenir gardez-vous de votre première rencontre avec la toute jeune Ons Jabeur ?
La première fois où elle est venue au club d’Hammam Sousse, elle voulait tout de suite commencer à s’entraîner. Elle tapait la balle très fort contre le mur, beaucoup plus fort que les filles de son âge, pour montrer à quel point elle était douée.
Quand vous êtes-vous dit qu’elle était au-dessus du lot ?
Lorsqu’elle a commencé la compétition par les tournois nationaux en poussins (catégorie 9 et 10 ans), elle était en première année, et jouait contre des filles de son âge ou d’un an de plus. Elle était plus forte que celles du même âge et il y en avait seulement deux dans la catégorie supérieure qui pouvaient l’arrêter. J’ai pensé alors qu’elle pouvait avoir un avenir brillant. Mais aussi brillant que ça, on ne pouvait pas savoir.
Beaucoup de très jeunes joueurs ou joueuses très douées ne percent pas…
Oui. Mais deux ans plus tard, elle a commencé à disputer des tournois internationaux, des championnats arabes par exemple, et elle gagnait facilement. J’ai commencé à y croire. Elle a fait quelques compétitions en Europe, et ce n’était pas mal. De temps en temps, sa mère me demandait si je pensais qu’elle allait y arriver un jour. Je lui disais qu’Ons faisait beaucoup de choses que d’autres ne faisaient pas. Mais encore une fois, de là à dire qu’elle en arriverait là où elle est…
Un peu plus tard, à Roland-Garros, elle a commencé fort (défaite en finale du simple juniors en 2010 contre l'Ukrainienne Elena Svitolina, puis victoire l'année suivante contre la Portoricaine Monica Puig)
Quel était son style de jeu ?
Il n’était pas classique. Ons n’aimait pas les longs échanges que font souvent les filles, jusqu’à ce que l’une des deux commette la faute. Elle variait les situations, en cherchant à déborder l’adversaire, à changer de rythme et de profondeur de balle. C’est ce qu’elle fait encore aujourd’hui, mais avec encore plus de vitesse et de rigueur.
Lors de ses prises de parole, elle parle souvent de son pays. Peut-on dire que c’est l’ambassadrice rêvée ?
Je ne pense pas que la Tunisie a été aussi connue dans le monde que ces deux dernières années. Où qu’elle aille, Ons étincelle, elle illumine l’image de notre pays. On l’appelle l’ambassadrice du bonheur, ou la ministre du bonheur, car elle en apporte beaucoup.
Est-ce que sa notoriété dépasse l’univers du tennis ?
Oui. Il y a des gens qui n’ont aucune idée de la manière dont fonctionne le tennis, du décompte des points par exemple. Mais ils demandent quand elle joue qu’on leur mette la chaîne sur laquelle est diffusé son match. Dans les clubs, on reçoit aussi beaucoup plus de jeunes et d’enfants qui viennent s’inscrire grâce à Ons.
En demi-finale, l’image de son accolade avec son amie Tatjana Maria, qu’elle venait de battre, puis ses mots gentils pour l’Allemande ont marqué les esprits…
C’est une personne très gaie, qui aime s’amuser, être l’amie de tout le monde. Elle a un caractère très positif, qui fait que ceux qui la connaissent tombent amoureux d’elle. Elle est toujours sympa et elle aime beaucoup les enfants.
Avez-vous gardé le contact avec elle ?
Avec son métier, elle n’a pas trop le temps mais on se voit en général une fois par an. On se contacte aussi par téléphone. Elle est reconnaissante. Ses parents habitent à Hammam Sousse, pas loin du club de tennis où j’entraîne. Quand elle est de repos, en novembre-décembre, elle reste ici quelques semaines. Elle vient faire sa préparation ici ou à Monastir, c’est là qu’on a la chance de se retrouver.