NBA : Quelle trace le « révolutionnaire » Stephen Curry va-t-il laisser dans l’Histoire ?
BASKET•Homme fort des Golden State Warriors, Stephen Curry n’est plus qu’à un match de remporter une quatrième bague de champion NBA, lors des finales contre les Boston Celtics
Nicolas Stival
L'essentiel
- S’ils s’imposent dans la nuit de jeudi à vendredi à Boston face aux Celtics, les Golden State Warriors et Stephen Curry remporteront leur quatrième titre de champion NBA depuis 2015.
- A 34 ans, le meilleur shooteur à trois points de l’histoire du basket n’a pas encore fini de bâtir sa légende.
- Malgré son talent, il doit faire face à des détracteurs qui ont tendance à le sous-coter.
C’est souvent lorsqu’une série de performances prend fin que l’on se rend compte de la portée de l’exploit réalisé. Mardi, lors du match 5 de la finale NBA entre les Golden State Warriors et les Boston Celtics, Stephen Curry n’a pas marqué à trois points, malgré neuf tentatives. Une première depuis 233 rencontres… « Il a quand même réussi 8 passes décisives [et 16 points], mais surtout, son équipe a gagné, précise Jacques Monclar, consultant basket sur beIN Sports. Boston avait clairement changé ses options défensives et a contrôlé Curry, mais ils ont pris cher ailleurs. »
Les Warriors, qui mènent 3-2, ne sont plus qu’à un succès du sacre. Andrew Wiggins, Jordan Poole et Klay Thompson ont parfaitement relayé le patron, qui avait sorti sa meilleure prestation en finale NBA lors du match 4 (succès 107-97). « C’est comme dans le Tour de France, reprend Monclar depuis les Etats-Unis où il suit l’épilogue de la saison. Vous pouvez connaître un mauvais jour après une étape exceptionnelle. »
« Historiquement, je tire mieux le match qui suit une contre-performance », prévient Curry, qui pourrait glaner à 34 ans sa quatrième bague de champion après celles de 2015, 2017 et 2018 dès la nuit de jeudi à vendredi, en cas de succès à Boston. Il se retrouverait à égalité au palmarès avec LeBron James et Shaquille O’Neal, et reviendrait à deux unités de la légende Michael Jordan, à une de Magic Johnson, Kobe Bryant… et Steve Kerr (en tant que joueur), son entraîneur chez les Warriors.
Dimanche, l’ancien arrière des Bulls et des Spurs, également titré trois fois sur le banc de Golden State, avait comparé sa vedette à Roger Federer pour ses routines d’entraînement, « l’une des choses qui lie tous les grands sportifs » selon Kerr.
Curry et Federer, même combat pour Steve Kerr
Oui, comme le Suisse aux 20 titres en Grand Chelem, Curry est grand. Mais grand comment ? Pour Shaquille O’Neal, le meneur huit fois All-Star fait partie « du Top 10 de tous les temps ». « Quand on parle du plus dominant, il y a Wilt [Chamberlain] et moi, a glissé sans fausse modestie l’ancien pivot XXL sur ESPN. Pour le GOAT, il y a Kobe [Bryant], LeBron [James] et Michael [Jordan]. Le plus grand tireur ? Il n’y en a qu’un, Steph Curry. »
Habitué à suivre les Warriors pour le quotidien californien The Mercury News, Dieter Kurtenbach n’aime pas classer les joueurs, « un exercice inutile et régressif ». Mais selon le journaliste, Curry « figure sur la "short list" des gens les plus influents de l’histoire du basket. » « Il a complètement changé le jeu, poursuit-il. Certains prétendent qu’il l’a "ruiné". Je ne suis pas du tout d’accord avec cette idée. » L’ancienne gâchette des Wildcats de Davidson, drafté en 7e position par Golden State en 2009, incarne le règne du 3-points, dont il est le recordman absolu, au grand dam des amateurs de tirs mi-distance et des nostalgiques des bastons de pivots dans la raquette.
« Il fait partie de l’élite de l’histoire du basket, point barre », tranche Jacques Monclar, selon lequel « Baby Face » et son gabarit modeste pour son sport (1,90 m pour 84 kg) ont « révolutionné » la discipline. « Grâce à lui, plein de gamins qui mesurent entre 1,85 m et 1,90 m savent qu’ils peuvent jouer au plus haut niveau. Et si en plus il remporte le titre cette année et est sacré MVP des finales, la seule récompense qui lui manque… »
Un joueur « révolutionnaire »
Pour l’instant, le fils de Dell, excellent joueur des Charlotte Hornets dans les années 1990, se « contente » de deux distinctions de MVP de la saison régulière en 2015 et 2016, la deuxième ayant été acquise à l’unanimité des votants, une première en NBA… « Il est sous-coté alors que son impact sur le jeu est immense et continue de se développer, juge Dieter Kurtenbach. Il est tellement difficile pour la plupart des gens d’apprécier les choses en temps réel, surtout lorsque c’est révolutionnaire. »
Mais pourquoi donc Steph Curry n’est-il pas totalement apprécié à sa juste valeur ? « Pour moi, la principale raison, c’est qu’il n’est pas physiquement dominant, juge le journaliste californien. Le besoin constant des médias américains et, désormais, du public de classer les joueurs comme si le basket se jouait à un contre un est un fléau. Curry, bien sûr, n’est pas un joueur de "one-on-one". Mais il est le meilleur joueur d’équipe. »
Sa personnalité, plus lisse que celle de nombre de ses collègues (même s’il s’est lui aussi opposé à Donald Trump lorsque celui-ci squattait la Maison-Blanche), lui joue-t-elle également des tours ? « Il n’est clairement pas dans le gangsta rap, ironise Jacques Monclar. Comme son coéquipier Klay Thompson, son père était lui aussi professionnel de basket. Il a grandi dans un environnement sportif et aisé, et n’a pas la trajectoire d’un LeBron James, qui vient d’un milieu plus dur. Il est sans histoire, avec sa femme et ses deux gosses. »
Fans de LeBron James et « haters » de Stephen Curry
Curry et LBJ, tous deux natifs d’Akron (Ohio), n’ont vraiment que leur ville d’origine et le talent comme points communs. « Les "haters" de Curry sont d’éminents commentateurs sportifs aux Etats-Unis qui ont prêté une sorte d’étrange allégeance à LeBron James et à ses fans », cingle ainsi Dieter Kurtenbach.
Bien que propre sur lui, le cador des Warriors va sans doute se faire un plaisir de fermer quelques bouches, à Boston dans la nuit de jeudi à vendredi et, si nécessaire, lors d’un match 7 décisif, dans la nuit de dimanche à lundi à San Francisco. Histoire d’asseoir un peu plus sa place sur l’Olympe de la NBA, malgré ses détracteurs, que Jacques Monclar ne comprendra jamais : « C’est comme si vous disiez que Mozart jouait faux… »