Roland-Garros 2022: 95 euros le chapeau, 15 euros le spritz...Comment le tournoi rattrape les deux dernières années de pandémie
TENNIS•Après deux éditions sous Covid, le tournoi renoue avec les bénéfices. Les prix s’envolent et le chiffre d’affaires n’a jamais été aussi importantFrançois Launay
L'essentiel
- L’édition 2022 bat tous les records sur le plan économique.
- Avec 295 millions d’euros de revenus générés, le tournoi a passé un cap.
- Le merchandising se développe et l’arrivée des night-sessions a permis d’augmenter le nombre de spectateurs.
A Roland-Garros,
L’anecdote nous a été racontée par un confrère. Alors qu’il voulait se détendre à la fin d’une longue journée, notre ami journaliste commande trois spritz à la buvette située juste en face du court Philippe-Chatrier. Prix de cette tournée entre collègues : 48 euros, sans cacahuètes ni olives. Après vérification, le cocktail n’est même pas mélangé sur place mais servi depuis une bouteille déjà préparée et qu’on trouve à 20 euros dans le commerce. Mais à Roland-Garros, c’est 16 euros le verre. Mieux vaut donc prévoir large pour éviter de finir les poches vides en deux secondes.
Plus que n’importe où en France, l’inflation atteint ici des sommets. L’expresso est à 2,80 euros, la frite coûte 7 euros, le porte-clé grimpe à 10-12 euros. Et must of the must, le panama Roland-Garros, célèbre chapeau blanc porté et souvent offert aux VIP, atteint les 95 euros. Des prix fous mais que le public, qui a déjà payé cher sa place (minimum 30 euros), accepte malgré lui.
« On trouve ça cher mais on n’est pas tellement étonné »
« J’ai payé 7,50 euros pour deux cafés. C’est hors de prix. C’est même plus cher qu’à Eurodisney. On a l’impression de se faire un peu avoir mais on vient quand même. C’était mon cadeau d’anniversaire », raconte Alice, venue de Nantes pour assister à une night session.
En moyenne, un spectateur de Roland-Garros passe plus de huit heures sur place et dépense 80 euros à la boutique officielle où un produit dérivé s’écoule toutes les deux secondes. Un gros business qui ne surprend pas Alexane au vu de la clientèle visée. « L’événement est quand même assez classe et ce n’est clairement pas accessible à toute la population. On a de la chance de pouvoir se le permettre », raconte la jeune femme venue voir les demi-finales dames.
Le prix de la rareté pour l’un des plus grands événements sportifs
Temple du chic à la française, Roland-Garros a toujours cultivé ce côté huppé. A Paris, c’est clairement l’endroit où il faut se montrer fin mai-début juin quand on est VIP ou aisé. Avec cette image de marque véhiculée, les tarifs s’envolent. Mais pour Virgile Caillet, expert en marketing sportif, Roland-Garros fait tout simplement payer le prix de la rareté.
« Si on le compare à ce qu’on paye pour un spectacle traditionnel, ça peut paraître au-dessus de la moyenne. En revanche si on le compare à ce qu’il est, c’est-à-dire quelque chose d’unique, Roland-Garros est plutôt dans le bas de la moyenne des Grands Chelems. C’est moins cher qu’à Wimbledon par exemple. Il faut bien comprendre qu’on est sur un événement rare. Il n’y a que quatre Grands Chelems dans le monde, dont un en France. Roland-Garros fait donc partie de la catégorie des grands événements internationaux. Et forcément, comme on dit en marketing, tout ce qui est rare est cher », insiste l’expert.
86 % du budget de la fédération provient de Roland-Garros
Du coup, rien n’est trop beau ni trop onéreux à Roland-Garros, qui est clairement la vache à lait de la Fédération française de tennis. 86 % du budget de la FFT provient des recettes du célèbre tournoi. Une Roland dépendance qui permet notamment d’aider les clubs et les ligues de la fédération sur tout le territoire.
« Toute marge dégagée ne revient pas à un actionnaire. Ça permet au tournoi de se développer et ça alimente les différents rouages de la fédération jusqu’aux licenciés. Il ne faut pas oublier qu’on a la licence la moins chère du sport français », rappelle auprès de 20 Minutes Stéphane Morel, directeur général adjoint du tournoi.
295 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022, record absolu
Sur le chiffre d’affaires de Roland-Garros, un peu plus d’un tiers provient des droits télé. Viennent ensuite quasiment à parts égales (20 %), la billetterie, les partenariats et les hospitalités. Puis arrive le merchandising qui représente un peu moins de 10 %. Des chiffres en augmentation partout en 2022, une année déjà historique avec 295 millions d’euros de revenus générés.
« C’est une édition record au point de vue économique. Avec la mise en place de dix nights session, on a accueilli 150.000 personnes supplémentaires soit plus de 600.000 spectateurs. C’est historique en termes de billetterie. Economiquement, ça nous permet de rattraper une partie des deux dernières années compliquées », poursuit Stéphane Morel.
« C’est un nouveau cycle qui commence »
Avec le Covid et les restrictions sanitaires à Roland-Garros, le FFT a perdu 90 millions d’euros en 2020 avant d’arriver quasiment à l’équilibre en 2021. Pas évident quand il faut en même temps rembourser les 400 millions d''euros contractés pour rénover le court central. Mais le retour des jours heureux à Roland a permis de relancer la machine à cash.
« C’est un nouveau cycle avec un nouveau stade, avec des nights sessions. Il y a encore des choses à améliorer comme le flux des spectateurs pour diminuer les files d’attente. Mais on est très confiant pour la suite. Je pense sincèrement qu’on a rattrapé sur certains aspects les autres tournois du Grand Chelem », se réjouit le DG adjoint de la Fédé.
Roland-Garros n’a toujours pas d’assurance annulation pour pandémie
Même si le tournoi n’a toujours pas contracté d’assurance annulation pandémie contrairement à ce qu’avait fait Wimbledon en 2020. « Je défie quiconque de trouver désormais une assurance pandémie ou alors elle coûte désormais le même prix que le chiffre d’affaires. Les compagnies d’assurances ne font plus ça (sourire). On est assuré annulation mais pour d’autres risques que la pandémie comme par exemple des conditions météo dantesques », explique Stéphane Morel en revenant sur le précédent de 2020.
« Ce n’était pas une erreur stratégique. Les autres années, on avait des assurances annulation tous risques dont la pandémie. Mais ce sont des contrats qu’on renouvelle chaque année. Et quand on a voulu la prendre en 2020, la pandémie avait déjà commencé ». Plus que jamais, Roland-Garros croise les doigts pour qu’aucune épidémie ne vienne briser son élan retrouvé au niveau économique.