Bordeaux-Nice : Les Girondins peuvent-ils survivre à une descente en Ligue 2 ?
FOOTBALL•Battus à domicile par Nice (0-1), les Bordelais se rapprochent inexorablement d’une rétrogradation en L2 à trois journées de la fin de la saison
Clément Carpentier
L'essentiel
- Les Girondins s’inclinent de nouveau à domicile face à l’OGC Nice (0-1) lors de la 35e journée de Ligue 1. Ils ont quatre points de retard sur le barragiste et six du premier non relégable.
- En cas de descente en Ligue 2, Gérard Lopez a réaffirmé qu’il serait toujours là mais a-t-il toutes les cartes en main ?
- Selon les informations de 20 Minutes, le club devra boucher un trou de 40 à 45 millions d’euros s’il est rétrogradé.
C’est d’un « non » ferme et sans hésitation que Gérard Lopez a répondu à la question s’il considérait à titre personnel que son équipe était déjà en Ligue 2 après la nouvelle défaite de celle-ci face à l’OGC Nice (0-1). Le président propriétaire et président des Girondins de Bordeaux veut donc encore « y croire » comme son entraîneur David Guion. En même temps, ils ne peuvent pas dire autre chose pour le moment puisque mathématiquement, c’est encore possible avec quatre et six points de retard sur le barragiste (Saint-Etienne) et le premier non relégable (Clermont) à trois journées de la fin de la saison. Ça, c’est pour la version officielle.
Mais en réalité, en coulisse comme dans les tribunes du Matmut Atlantique, presque plus personne n’y croit. Il fallait voir la résignation de certains supporteurs ce dimanche après-midi. Comme si tout le monde avait compris et n’attendait finalement plus que la sentence au bout d’une saison en enfer. « Je suis triste », avoue de son côté un Gérard Lopez abattu face à la presse. Aujourd’hui, il n’y a clairement qu’un miracle qui peut sauver les Marine et Blanc d’une descente en Ligue 2, 30 ans après la dernière. Avec une question en toile de fond : les Girondins peuvent-ils survivre financièrement à une rétrogradation ?
Gérard Lopez vraiment sur un siège éjectable ?
Il y a encore quelques mois, la réponse était non. C’était soit le maintien, soit le dépôt de bilan et une descente en N3. Même le directeur général Thomas Jacquemier l’avait publiquement reconnu : « Il n’y a pas de vie en Ligue 2 pour les Girondins » ! Depuis, le discours est un peu moins radical dans les couloirs du château du Haillan. « Ce n’est pas totalement infaisable. Il y a une possibilité de monter un business plan même s’il va falloir que les planètes s’alignent », affirme un proche de la direction. Cette même personne va encore plus loin : « Sportivement bien sûr que c’est une catastrophe mais il faut tellement d’argent pour rester en Ligue 1 que c’est peut-être, je dis bien peut-être, le bon moment pour descendre et aller jusqu’au bout dans la restructuration du club. » Repartir de zéro à l’image du voisin toulousain et espérer une remontée immédiate.
Encore faudrait-il que Gérard Lopez garde les commandes du club. Si lui a réaffirmé ce dimanche qu’il « serait encore là en cas de descente », l’homme d’affaires hispano-luxembourgeois ne maîtrise pas tout. Il a beau être en partie propriétaire du club au scapulaire, il reste comme à Lille à la merci de ses créanciers, King Street et Fortress, expliquait récemment Sud Ouest. Les deux fonds d’investissement américains ont notamment accepté de lui reprêter de l’argent l’été dernier lors du rachat du club pour le sauver tout en réduisant les dettes antérieures. Ce n’est absolument pas neutre. Mais comme le souligne l’entourage du président bordelais, « ils n’ont aucun intérêt à faire ça [écarter Gérard Lopez] et ce n’est pas la même situation qu’au Losc où Elliott voulait s’offrir le club ». Malgré l’arrivée d’un nouveau fonds, Merlyn Partners, lors du départ de Gérard Lopez de Lille, Elliott resterait d’ailleurs très présent dans la structure des Dogues comme l’expliquait L’Equipe.
A Bordeaux, King Street et Fortress ne seraient donc pas dans cette démarche. Reste à savoir si les deux fonds pourraient finir par lâcher l’affaire et se retirer en cas de descente en Ligue 2 ? Une clause existe, elle prévoit notamment l’accélération du remboursement de leurs dettes en cas de rétrogradation. Mais là aussi, les proches de Lopez affirment que les créanciers n’ont aucun intérêt à faire cela. D’une, ils ne retrouveraient jamais leur argent et ils en ont déjà perdu beaucoup depuis leur arrivée dans le capital du club en 2018. De deux, Fortress, fonds reconnu, serait très soucieux de son image contrairement à King Street. Ses dirigeants ne veulent pas être responsables de la disparition de l’un des plus grands clubs français. C’est notamment pour ça qu’ils ont accepté de remettre la main à la poche il y a quelques mois.
Un trou à boucher de 40 à 45 millions d’euros
Une fois qu’on a dit ça, il reste tout de même à boucler le tour de table pour pouvoir repartir en Ligue 2. Petite bonne nouvelle dans ce marasme, les Girondins n’ont pas de dette fiscale et sociale, ce qui est rare pour une entreprise en grande difficulté financière. Malgré ça, il faudra boucher un trou de 40 à 45 millions d’euros en cas de descente selon les informations de 20 Minutes. Pour réussir cela, Thomas Jacquemier et les équipes de Gérard Lopez multiplient les réunions depuis quelques semaines. Ils comptent jouer sur quatre leviers pour joindre les deux bouts : la dette financière, les transferts, la réorganisation interne du club et les « aides » de la LFP (Ligue Professionnelle de Football). Pour la première, la direction espère la « retravailler » avec ses créanciers notamment en reportant certaines échéances financières. A ce stade, il n’y a eu aucune discussion concrète avec Fortress et King Street.
Pour ce qui est du mercato, il a d’ores et déjà été indiqué à Admar Lopez, le directeur sportif des Girondins, qu’il devrait vendre pour au moins 20 millions d’euros l'été prochain. Et encore, c’est une estimation basse. C’est à la fois peu et beaucoup à la lecture de la saison bordelaise. Pour la réorganisation interne, c’est en réalité un plan social qui ne dit pas son nom. On parlerait de plus d’une centaine de licenciements au sein d’un club complètement surdimensionné (près de 300 salariés) depuis une décennie par rapport aux résultats sportifs.
Enfin, les Girondins toucheront une aide de 7 millions d’euros de la LFP pour amortir la baisse de ses revenus en cas de descente et un chèque de 16.5 millions d’euros à l’occasion de l’arrivée du fonds d’investissement CVC dans le football français. D’ailleurs, on ne s’en cache pas au Haillan, « c’est grâce à cet argent qu’on peut élaborer un plan pour la Ligue 2 sinon ça aurait sûrement été mission impossible ». Dernière donnée importante à prendre en compte à ce stade, ce « plan Ligue 2 » n’est pas dépendant de l’arrivée de nouveaux investisseurs dans le capital du club. Si Gérard Lopez continue de discuter avec de possibles futurs partenaires, il n’aurait pour le moment pas besoin d’eux pour réussir à boucler son tour de table.
Trop tôt pour parler du sportif
Au niveau sportif, c’est encore le grand flou. Il est très difficile de deviner les contours de l’effectif en cas de descente. Beaucoup de joueurs sont arrivés cette saison et beaucoup en prêt. Certains ont des options quasi obligatoires comme Mangas ou Mensah alors que d’autres ont des clauses Ligue 2 dans leur contrat (Guilavogui, Marcelo ou Ahmehdozic). Il y a aussi les « petites » valeurs marchandes comme Elis, Hwang, Onana ou même Oudin qui feront sûrement leurs valises pour renflouer les caisses des Girondins.
Pour rappel, le club a le droit de baisser collectivement de 20 % le salaire de ses joueurs en cas de rétrogradation. Il peut même proposer encore une plus forte diminution à certains joueurs selon leur salaire. Dans ce cas de figure là, ces derniers peuvent refuser et être alors libérés dans leur contrat. En attendant, les Girondins sont toujours en Ligue 1 ce lundi matin. Et avant d’espérer un miracle financier, il y a encore un miracle sportif de possible.