France - Angleterre: Gorgés de confiance, les Bleus ne peuvent pas laisser s'échapper ce Grand Chelem
RUGBY•C'est entourée d'un halo de confiance que le XV de France se lance dans la quête du dixième Grand Chelem de son histoire, samedi soir contre l'AngleterreNicolas Stival avec W. P.
L'essentiel
- Si les Bleus battent l'Angleterre samedi soir au Stade de France, ils remporteront le Grand Chelem dans le Tournoi des VI Nations. Ce serait une première depuis 2010.
- Capables de grandes envolées mais aussi de "gagner moche", les joueurs de Fabien Galthié ont emmagasiné une énorme confiance avant ce rendez-vous capital.
- De glorieux anciens comme Fabien Pelous ou Christophe Lamaison croient également énormément en cette génération dorée, qui vise in fine la victoire dans la Coupe du monde 2023, organisée en France.
En pleine campagne présidentielle, les Bleus de Fabien Galthié rejouent « la force tranquille », façon François Mitterrand en 1981. Même s’ils s’attendent à ressentir la pression du Grand Chelem au moment de pénétrer dans un Stade de France bouillant, samedi soir face à l’Angleterre, les Bleus affichent une sérénité de maîtres zen depuis leur temple de Marcoussis.
« L’état d’esprit du groupe, c’est d’aborder la chose avec de la légèreté et de l’enthousiasme », assure ainsi Romain Ntamack. L’ouvreur à la mèche impeccable et ses collègues en ont forcément marre de séduire sans conclure dans le Tournoi des VI Nations depuis le décochement de « la flèche du temps » voici deux ans et demi.
« A force de jouer, l’expérience s’installe et on apprend de nos erreurs, glisse Grégory Alldritt, le concasseur de Condom. Il y a certains matchs que nous n’avions pas trop bien géré, comme en Ecosse il y a deux ans [défaite 28-17]. » Maintenant, il est temps de passer à l’étape suivante, surtout à l’approche de la Coupe du monde 2023 à la maison, après la déjà très probante victoire sur les All Blacks (40-25) à l’automne dernier. Et donc de compiler un cinquième succès dans ce Tournoi, qui serait le huitième d’affilée au total, du jamais vu depuis 18 ans.
Le match le plus important depuis 2011?
« C'est le plus gros match que la France ait connu depuis la finale de la Coupe du monde 2011, a carrément lâché dans le Times Shaun Edwards, le responsable de la défense parfaitement intraitable vendredi dernier à Cardiff (9-13). Je sais que tout le monde dit des choses positives sur nous, et c'est super, mais tant que vous n'avez pas remporté un trophée, vous n'êtes pas selon moi une très bonne équipe. »
Alors forcément, glaner le 10e Grand Chelem du rugby français, le premier depuis 2010, ça aurait de la gueule. Et le vent de l’Histoire semble souffler dans le dos des Bleus. « On a l’impression que toutes les planètes s’alignent avec le brin de réussite nécessaire pour gagner ce genre de compétitions », juge Fabien Pelous, auteur de quatre « perfects » dans la vénérable épreuve (1997, 1998, 2002, 2004).
Le ballon d’une potentielle victoire galloise, inexplicablement perdu par le centre Jonathan Davies à quelques mètres de la ligne tricolore, fait partie des signaux expédiés par la bonne fée qui veille sur la destinée d’Antoine Dupont et ses hommes. « J’avais très peur de ce match à Cardiff et en faisant la même prestation, tu peux le perdre, reprend le Français le plus capé de l’Histoire (118 sélections). Le pays de Galles et l’Irlande sont à notre niveau. L’Ecosse et l’Angleterre, actuellement, sont un cran en-dessous. »
« Tu as tous les sens en éveil»
Cela tombe bien, ce sont nos meilleurs ennemis qui se pointent en dernier samedi, comme lors des deux plus récents Grand Chelem en 2004 (24-21) et en 2010 (12-10). « C’est un événement pas si fréquent, donc tu es sûr de l’état d’esprit que tu vas y mettre, tu as tous les sens en éveil, reprend Pelous. Je n’ai pas beaucoup de souvenirs du match de 2004, davantage de l’Ecosse à laquelle on avait mis une branlée au Parc des Princes (47-20 en 1997), ou encore du pays de Galles à Wembley (0-51 en 1998), où l’on était euphoriques. »
Christophe Lamaison faisait partie de l’épopée des Bleus en 1997 et 1998. L’ancien ouvreur-centre-buteur affiche aussi sa confiance en ses lointains héritiers, qu’il ira soutenir à Saint-Denis. « J’ose espérer que les Français sont dans une bulle d’optimisme, positive et que c’est avec ces paramètres qu’ils vont aborder le match, souffle « Titou ». J’ai envie de leur dire : "allez-y, prenez du plaisir et faites-nous plaisir". Les voyants sont au vert. »
Des Bleus remplaçables, sauf Dupont ?
Alors bien, sûr, il faut se méfier de ces Anglais « blessés » selon Lamaison, qui ont livré un combat homérique à 14 contre 15 face à l’Irlande dimanche dernier, avant de crier grâce (15-32). « Je crois qu’Eddie Jones est actuellement davantage focalisé sur ses punchlines dans les médias, grince l’ancien Briviste. Je n’arrive toujours pas à comprendre quel est le système de jeu des Anglais, mis à part broyer l’adversaire. Sauf que l’on a du répondant en face. »
Fabien Pelous approuve : « On peut se targuer d’avoir à chaque poste des mecs que tu peux inclure parmi les deux ou trois meilleurs du monde. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas des Anglais en ce moment. A notre époque, tu avais les titulaires, quelques postes doublés mais pas tous. Chez les Bleus actuels, tu peux changer les mecs sans perdre en qualité. Bon, si tu perds Dupont, je ne te dis pas que tu vas avoir le même rendement. Il y a lui et les autres. »
Au petit jeu, toujours délicat, des comparaisons entre époques, Lamaison se félicite encore 25 ans plus tard, d’avoir fait mentir les « vieux » internationaux, pas toujours tendres. « Nous n'avions pas trop la cote auprès des anciens qui disaient que nous étions trop jeunes pour gagner le Tournoi des V Nations. Finalement, on créé la surprise, en allant notamment battre l’Angleterre des Carling, Guscott et autres joueurs à 50 sélections à Twickenham [20-23 en 1997]. »
Des fans partout, même en Allemagne
Pour « la génération exceptionnelle » (Lamaison, toujours) d’aujourd’hui, pas besoin d’aller chercher ce genre de levier de motivation. Tous les fans de rugby, de France et d’ailleurs, se prosternent devant son talent. Il nous revient l’image de Theo, quinquagénaire allemand croisé voici une semaine en gare de Cardiff Central avec son fils Fabian (16 ans), venus spécialement de Bielefeld pour voir jouer « les prochains champions du monde ».
Ceci dit, les Bleus semblent à l’abri de toute crise de « melonite » qui pourrait les faire trébucher sur la dernière marche vers le Grand Chelem. « L’équipe de France nous montre chaque fois un visage étonnant d’humilité, de sobriété et de calme », témoigne Lamaison. Des maîtres zen qui font mal aux adversaires, mais des maîtres zen quand même.