VI nations : Maxime Lucu se confie sur son rôle de doublure de Dupont chez les Bleus
RUGBY•Le demi de mêlée remplaçant du XV de France a accordé une interview à 20 MinutesPropos recueillis par Julien Laloye
L'essentiel
- Maxime Lucu s'est installé en équipe de France depuis la tournée de novembre après s'être convaincu de sa légitimité en bleu.
- Doublure du meilleur joueur du monde Antoine Dupont, le numéro 9 de l'UBB raconte à 20 Minutes comment il se prépare à faire basculer les rencontres en fin de match.
Révélé sur le tard en top 14 après avoir écrémé la Pro D2 avec le Biarritz Olympique, son club formateur, Maxime Lucu a longtemps pensé que l’équipe de France, ce n’était pas pour lui. Trop haut, trop fort, trop loin. Et puis il a fini par se convaincre – et convaincre le staff tricolore – qu’il pouvait être la doublure parfaite d’Antoine Dupont au poste de demi de mêlée, le gars sûr à faire rentrer à un poste vital quand la victoire se tâte encore à pencher d’un côté ou de l’autre, comme face à l’Irlande. Le joueur de 29 ans se confie à 20 Minutes avant le déplacement en Ecosse, samedi.
Après l’Irlande, Fabien Galthié a dit de vous que vous étiez totalement « dédié à la cause ». Ça vous a fait quoi quand vous l’avez appris ?
Ça fait toujours plaisir. Quand je rentre je dois répondre présent sur un scénario précis, et là sur ce match, avec un contexte serré, ça a répondu favorablement. J’avais très envie de montrer que je pouvais bien faire les choses et être complémentaire avec le travail d’Antoine, qui avait fait 60 minutes de très bonne qualité. Ce qu’on me demande c’est de ne pas en faire trop, ne pas surjouer, ne pas faire n’importe quoi, réussir des choses simples et calculées pour que l’équipe puisse revenir ou garder le résultat. Je prends beaucoup de plaisir là-dedans.
Vous avez enfin le sentiment d’avoir dépassé vote syndrome de l’imposteur en Bleu ?
Je crois (sourire). Les premières fois où je suis venu, c’était souvent des apparitions, des remplacements de blessure ou de covid. Je n’étais pas forcément dans des situations où j’étais impliqué dans le truc. J’avais du mal à me mettre dedans, je savais que j’allais rentrer le mercredi ou le jeudi à la maison, humainement je n’ai pas été bon là-dedans. Je n’ai pas montré le vrai Max, je n’ai pas mis ce que je devais mettre. J’étais souvent plus impressionné qu’autre chose de venir à Marcoussis ; je ne me sentais pas forcément légitime.
Quel a été le déclic ?
C’est d’avoir raté la tournée en Australie à cause d’une blessure. A ce moment-là j’ai compris que j’avais une carte à jouer et qu’il fallait que je change de comportement si je voulais porter le maillot bleu. Je voulais faire un énorme début de saison pour goûter à ça lors de la tournée de novembre, monter que je pouvais être international.
Le staff s’en est rendu compte immédiatement ?
Quand je suis venu avant l’Argentine, lors de mon entretien avec Fabien et le staff, j’ai dit : « Je viens ici avec beaucoup d’envie et d’appétit, je viens pour être partie prenante du groupe ». Des choses comme ça avant je ne les disais pas, même pas dans ma tête. Cette semaine-là, Antoine était un peu diminué et ne s’entraînait pas trop ; il y a eu beaucoup d’oppositions, beaucoup de situations où on pouvait montrer ce qu’on valait. J’ai pu assimiler les systèmes de jeu et assimiler ce qu’on attendait de moi, j’ai essayé de m’intégrer dans cette peau-là.
C’est quoi, justement, être dans la peau du remplaçant du meilleur joueur du monde ? C’est quelque chose qu’on aborde avec Fabien Galthié en amont ?
On n’a pas eu de discussions sur mon statut, c’est quelque chose que tu ressens. Quand je suis arrivé, Antoine venait d’être promu capitaine, et d’être élu meilleur joueur du monde, donc forcément, je n’avais pas la légitimité de me comparer à lui. Je veux être complémentaire. Lui apporte sa classe sur 50, 60, 70 minutes, et moi derrière, je ne peux pas faire du Dupont parce que personne ne peut faire du Dupont : il faut que je puisse apporter autre chose.
Le sélectionneur a aussi souligné que vous travailliez main dans la main avec Antoine. Cela se traduit comment ?
On nous demande souvent d’intervenir en tant que remplaçants. Quand on est dans l’en-but ou en tribunes, on voit souvent des choses que les titulaires ne peuvent pas voir quand ils jouent. Alors on essaie d’apporter des petites solutions sur certaines situations. Comment on joue tel surnombre, pourquoi ce petit jeu au pied par-dessus peut amener telle situation d’essai…
Le seul point un peu moins bon chez lui, c’était son jeu au pied, et quand on voit maintenant sa longueur, y compris pied gauche, même ça, il l’a à son arc. Mais je sais que lui est demandeur de conseils. On est là pour avancer ensemble, pas pour se mettre des bâtons dans les roues. Le rôle de remplaçant est devenu très important, il faut se l’approprier, quel que soit le temps de jeu.
Comment faites-vous pour vous approprier ce rôle ?
J’essaie surtout de ne pas surjouer. J’ai toujours en tête l’image de mon premier match à Biarritz. Je reprenais après une grosse blessure et on perd 25-3 quand je rentre. J’avais envie de me montrer et j’ai fait tout ce qu’il ne fallait pas faire. La première action est très importante. C’est l’action qui me met dans le match, si je la fais mal ça peut gamberger, donc je me concentre sur des choses simples, comme la première passe ou le premier dégagement.
Vous vous réjouissiez d’avoir réussi votre job contre l’Irlande. C’est quoi le scénario établi avant l’Ecosse ?
On a travaillé un scénario de fin de match où on était devant. Deux points d’avance, mêlée pour nous, et assurer la sortie de camp propre. On a aussi préparé des scénarios où on est derrière, avec moins de trois minutes à jouer. Ce n’est pas pour autant qu’il faut marquer à la 78e, on peut aller chercher une pénalité en tenant le ballon. Ce sont des scénarios qui diffèrent, il faut être lucides, on rentre pour ces moments.
Vous étiez également invaincus il y a deux ans en Ecosse avant d’être rattrapés par la pression. Est-ce que vous en avez reparlé entre vous ?
On n’en a pas plus parlé que ça… Ce match-là, il avait été typique de ce que peuvent réaliser les Ecossais à la maison. On sait que chez eux, le sang froid va compter. Ce carton rouge, les supporters chambreurs, ça peut nous faire perdre le fil. On s’était trompé en jouant beaucoup trop à la main en début de match, on avait répondu aux petites provocations : ce sont des petits vices qu’il faut essayer de ne pas avoir. Le groupe est assez sain et serein, il faut juste s’approprier le décor. Pendant un an, on n’a pas eu de public, ce sont des situations qui sont belles à vivre.