Trail : Le Dernier homme debout, la nouvelle course de malade qui peut durer 24 heures
HORS-TERRAIN•Courir une même boucle de trail pendant 24 heures. C’est le défi proposé par Le Dernier homme debout, qui attire de plus en plus de coureurs en France. A la fin, il n’en restera qu’unPierre-Alexandre Aubry
L'essentiel
- Chaque jeudi, dans sa rubrique « Hors-terrain », 20 Minutes explore de nouveaux espaces d’expression du sport, inattendus, insolites, astucieux ou en plein essor.
- Cette semaine, on s’intéresse à la course Le Dernier homme debout, qui s’inspire de la Backyard.
- Ce concept de courses attire de plus en plus les traileurs, toujours en recherche de nouveauté. Ici, il s’agit de terminer une boucle en moins d’une heure, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un concurrent.
Le temps : une notion omniprésente dans la course à pied. Une discipline où le chronomètre fait bien souvent figure d’arbitre. Si la notion de dépassement de soi est présente, elle l’est encore plus dans la tête (et les jambes) des participants d’une course toute particulière : Le Dernier homme debout. Un nom qui veut tout dire. Débarqué en France il y a trois ans, ce concept belge s’inspire de la Backyard, une course où le champion du monde, l’Américain Harvey Lewis (45 ans), avait réalisé 85 boucles de près de 7 km en octobre dernier dans le Tennessee, soit 570 km en 85 heures.
Le principe du Dernier homme debout s’en inspire largement. Il s’agit de parcourir une boucle de 7,5 km à répéter toutes les heures. Jusqu’à plus soif. Les 350 coureurs au départ peuvent réaliser 24 boucles au maximum, soit 180 km, avec un dénivelé positif total de 6.000 m. Solide ! Mais pas question de faire sonner la cloche après plus d’une heure. Tout coureur n’ayant pas franchi la ligne d’une boucle après 60 minutes est éliminé. Un vrai contre-la-montre. La performance est remarquable et demande une bonne connaissance de soi.
« Presque l’équivalent d’un UTMB si on va au bout »
Dans l’Hexagone, cinq courses sont aujourd’hui estampillées Le Dernier homme debout. C’est notamment le cas à Orvault, dans la métropole nantaise, qui accueillera sa première édition les 26 et 27 février. Luc Plançon, qui court « depuis toujours », a importé ce trail bien particulier dans la région, après avoir fait l’essai lors d’une première édition en Vendée, il y a trois ans.
« Si on va au bout, c’est presque l’équivalent de l’UTMB, raconte celui qui a parcouru sept boucles en 2019. Quand tu y es, tu te dis : où sont mes limites ? Tu te poses encore plus la question au bout d’un temps, parce que les jambes fatiguent. Moi, j’étais vraiment cuit au bout de la sixième boucle. » Connaître son corps, ses limites, et surtout apprendre à gérer son temps, et donc son effort. Les défis proposés par Le Dernier homme debout sont multiples.
Un dénivelé qui fait mal aux jambes
Le mois dernier, au bord de la Sèvre nantaise, en Vendée, le vainqueur de cette course a parcouru un total de 19 tours, terminant l’épreuve de nuit. Bien loin de cette performance, Charles aurait lui aussi aimé courir à la lueur de sa lampe frontale. Cet habitué des trails d’une trentaine de kilomètres a couru six tours. Lors de chacune des boucles, lui et les autres traileurs ont fait face à 270 m de dénivelé positif. Un mur pour Charles.
« Par rapport à la distance parcourue, le dénivelé m’a semblé énorme », se souvient le Vendéen. Ici, la performance est certes physique, mais elle réside aussi et surtout dans la gestion, à la fois de l’effort et du temps de repos. Car après chaque boucle, tous les coureurs repartent en même temps. Le temps de récupération entre deux tours varie donc selon le chronomètre de chacun. « Dans les autres courses, on n’a pas ce couperet des 60 minutes donc là, c’est hyper compliqué à gérer », constate Charles.
Courir moins vite pour courir plus longtemps ?
Il se souvient avoir terminé son sixième et dernier tour avec de la difficulté : « J’étais avec un gars qui a terminé à quinze tours et j’avais l’impression qu’on allait hyper lentement. La prochaine fois, je pense que j’irai moins vite pour passer moins de temps dans la salle entre les tours. On sent que les meilleurs gèrent bien leur effort. C’est une course de résistance, pas de rapidité. »
Une tactique de course confirmée par le chrono du vainqueur de l’édition 2019 en Vendée. « Cette année-là, le vainqueur a parcouru seize boucles avec une moyenne de 58 minutes par tour. Il faut savoir se laisser un peu de temps de récupération entre les boucles, mais pas trop », analyse Patrice Bizon, l’organisateur de la course. Résister pour rester le Dernier homme debout. Un concept qui a intrigué Erik Clavery.
« Un nouveau départ à chaque fois »
Vainqueur du championnat du monde de trail en 2011, celui-ci a depuis enchaîné les performances hors normes. Recordman français des 24 heures de course à pied en 2019 mais aussi de la traversée des Pyrénées par le GR10 en 2020, le traileur nantais est toujours en quête d’une nouvelle expérience, d’un nouveau défi à relever. Histoire de repousser toujours un peu plus ses limites.
La semaine prochaine, il sera présent au départ du Dernier homme debout, à Orvault. « C’est un concept particulier car c’est un nouveau départ à chaque fois. Si on va au bout, c’est un ultra-trail à réaliser en 24 heures, soit une vraie perf », explique celui qui a bouclé l’UTMB à la 8e place (23h07 pour 170 km et 10.000 m de dénivelé positif) en 2018. « Il y a une recherche d’extrême : on repousse nos limites en faisant toujours la boucle de plus. Personnellement, je le fais pour l’expérience. Ça va être une grande découverte et c’est pour ça que cela m’attire. »
Pas une « course à saucisson »
Comme les 350 participants qui se sont arraché les dossards en quelques minutes pour l’édition d’Orvault. Un attrait qui prouve que les coureurs sont en quête de nouveauté. « Les courses à saucisson, ça a fait son temps pour certains. Et quand on voit ensuite les listes d’attente pour l’UTMB par exemple, ça devient fou », indique Luc Plançon. La grosse différence avec les autres courses réside également dans l’ambiance.
« Quand tu fais un trail, tu ne revois pas vraiment les concurrents, explique l’organisateur. Là, tu retrouves les autres toutes les heures ». Une dimension conviviale très appréciée par Charles : « Il y a aussi toujours du monde pour nous encourager. D’habitude, tu as des spectateurs au départ et à l’arrivée, et c’est tout ».
« On peut s’arrêter au bout de deux tours »
S’il s’agit d’une course extrême pour ceux qui visent les 24 tours, celle-ci se veut ouverte à tous et à toutes. Malgré son nom, un trophée de course est aussi remis à la dernière femme en lice. « Il y a quelque chose de sympa pour les accompagnants, qui voient leur poulain rentrer au stand toutes les heures. Et ce n’est pas une course élitiste, on peut s’arrêter au bout de deux tours », précise l’organisateur de l’édition vendéenne. Pour autant, aller au bout de ce défi demande un sacré niveau de résistance.
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Alors, Le Dernier homme debout vaut-il un ultra-trail ? « Difficile à dire, hésite Erik Clavery. Les 24 boucles sont réalisables mais tout dépend des circonstances. Mentalement, je vais retrouver un peu ce que j’ai vécu pendant les 24 heures de la course à pied. Il ne faut pas regarder dans la globalité, mais se fixer des micro-objectifs et vivre l’instant présent. » Le champion de trail ne sait pas totalement où il met les pieds, mais il arrive avec des ambitions. Erik Clavery et l’ensemble des 350 traileurs inscrits ont face à eux un adversaire de taille pour rester le Dernier homme debout : le chronomètre. Et il est intraitable.