Handball : « Vu le contexte, cet Euro peut être très bizarre », juge Valentin Porte
INTERVIEW•Tout juste remis du Covid, le nouveau capitaine des Bleus étrennera ses galons en compétition officielle ce jeudi contre la Croatie, pour le premier match d’un championnat d’Europe hongro-slovaqueNicolas Stival
L'essentiel
- Après avoir été touché par le Covid-19, Valentin Porte, nouveau capitaine de l’équipe de France, a pu rejoindre la Hongrie, qui accueille avec la Slovaquie l’Euro de handball.
- Les champions olympiques commencent la compétition par un choc face à la Croatie, ce jeudi à Szeged.
- Malgré un contexte difficile, le Montpelliérain espère briller dans une compétition que les Bleus n’ont plus remportée depuis 2014.
Ce jeudi, l’équipe de France commence son Euro contre la Croatie à Szeged, en Hongrie. Au terme d’une préparation incroyablement hachée, entre multiples cas de coronavirus, forfaits de cadres sur blessures (Nedim Remili et Luka Karabatic) et drames humains, les Bleus ont pu organiser sur le fil une rencontre de préparation, dimanche en Allemagne (défaite 35-34).
A Wetzlar, près de Francfort, ils ont dû évoluer sans leur nouveau capitaine Valentin Porte, à l’isolement depuis jeudi dernier à la Maison du handball de Créteil. Après un premier test PCR négatif mardi, le Montpelliérain de 31 ans a pu rejoindre la Hongrie. Puis réintégrer le groupe de Guillaume Gille, pour clore l’un des nombreux feuilletons qui ont rythmé ces dernières semaines la vie des champions olympiques de Tokyo.
Avant cet ultime aléa, l’arrière droit tricolore avait confié à 20 Minutes ses impressions sur cette période chaotique et sur la compétition à venir. Après quelques années en demi-teinte, les Français sont revenus au sommet l’été dernier et vont tenter de reconquérir un titre européen qui leur échappe depuis huit ans. Valentin Porte, successeur du finalement pas éternel Michaël Guigou, va devoir tenir la barre par gros temps.
Est-ce que vous aviez déjà connu une préparation aussi compliquée ?
Depuis le début de la pandémie, on a connu quelques problèmes de préparation. Mais des comme ça, non, et heureusement. On a eu des blessés et des Covid d’avant-stage, des Covid au début du stage, évidemment le drame d’Elohim Prandi, la blessure de Luka (Karabatic), Théo Molnar qui vient pour remplacer Luka et qui est testé positif… On a eu du mal à voir des éclaircies.
Etant donné le contexte, quelles sont les certitudes de l’équipe de France ?
On a une ossature qui ressemble à quelque chose, avec des joueurs d’expérience. Notre certitude, ça reste notre solidité défensive et notre jeu rapide avec aussi des jeunes joueurs morts de faim qui vont tout donner, comme les Dylan Nahi, les Yanis Lenne, qui ont toujours été un peu dans l’antichambre et qui vont peut-être pouvoir s’exprimer. Ils vont amener leur dynamisme et ça ne peut être que bénéfique.
Dans cette situation difficile, quel est votre rôle de capitaine ?
Mobiliser tout le monde. Certes, on a beaucoup d’absents mais ça ne fait pas de nous une mauvaise équipe, loin de là. Nous avons beaucoup d’armes en plus, des mecs pas forcément connus qui sont très bons.
Mon rôle va être de remettre tout le monde dans le droit chemin, de remobiliser en disant : « les gars, OK, c’est la merde partout mais recentrons-nous sur nous ». On l’a déjà fait. Je rappelle qu’aux Jeux olympiques de Tokyo, personne ne nous attendait. Il y avait aussi le Covid. Nous sommes restés concentrés sur nous et nous avons performé. Aujourd’hui, la situation est peut-être pire, mais on a de quoi faire et il faut le faire. Rester concentrés sur nous, faire abstraction du reste et avancer.
Est-ce que vous vous inspirez de capitaines que vous avez connus dans votre carrière ?
Honnêtement, non. J’ai regardé, j’ai pris de l’expérience en regardant beaucoup de joueurs, de capitaines et d’entraîneurs. Après, j’ai ma personnalité, ma propre façon de voir les choses et je fais ce que je pense être bon. Après, c’est bon, c’est pas bon, ça plaît, ça plaît pas… Si aujourd’hui, je suis à ce poste, c’est que ce que je peux dégager ou amener plaît au coach. Je me concentre sur ça sans copier ou regarder ce qui se fait à côté.
Quels seront vos relais ? Luka Karabatic va forcément manquer.
Luka, c’était le capitaine adjoint, un vrai relais. C’est dommage mais il y a encore plein de joueurs d’expérience sur lesquels je peux compter. Il y a toujours Niko Karabatic, Ludo Fabregas, Dika Mem, qui sont des leaders sur le terrain et dans l’état d’esprit. Kentin Mahé est là depuis pas mal de temps aussi. Mais franchement, je n’ai pas forcément besoin de relais. Tout le monde, que ce soit le plus jeune ou le plus ancien, est très motivé et très remonté.
Est-ce que vous arrivez à situer la France dans la hiérarchie avant cet Euro ?
Vu le contexte, ça peut être très bizarre. Il peut y avoir d’énormes surprises alors qu’il n’y en a pas forcément dans un Euro. Avec toutes les équipes qui ont des blessés, les absences qui vont arriver pour cause de Covid… Mais blessés ou pas, Covid ou pas, nous avons l’une des poules les plus compliquées et nous n’aurons pas le droit à l’erreur, dès le premier match contre les Croates.
Etes-vous favori ?
Oui et non. La victoire de cet été nous a ramenés sur le devant de la scène. Aux Jeux olympiques, tout le monde ne nous voyait pas à un tel niveau et nous prenait peut-être à la légère. Mais aujourd’hui, l’équipe de France, qui est toujours attendue, le sera encore plus. Certes, nous avons beaucoup d’absents, de blessés, une équipe très remaniée. Mais on peut être très bons et créer de belles surprises avec des joueurs qui peuvent sortir du chapeau et apporter un vrai plus.
L’Euro, c’est la plus relevée des compétitions, ça fait longtemps qu’on ne l’a pas gagnée (depuis 2014), et même longtemps que l’on n’y a pas performé. C’est un vrai marathon face à des équipes de très haut niveau.
Pouvez-vous bâtir une nouvelle dynastie comme au milieu des années 2010, ou est-ce que le palmarès va être plus partagé entre les nations dans les années à venir ?
Même quand on n’avait plus de résultats, qu’on n’allait pas au bout des choses comme en 2018, en 2019 ou en 2020, lorsqu’on se fait sortir de l'Euro dès les poules, je n’étais pas alarmé. Je savais qu’on n’était pas loin, même s’il nous manquait un petit quelque chose. Le Mondial 2021, c’est pareil, on progresse, on montre de belles choses et une nouvelle fois, arrivé à la porte des médailles, on s’écroule (pour finir à la quatrième place).
Tokyo, c’est le déclic où on arrive à trouver les clés, à performer sur toute une compétition en montrant un très bon niveau et en dominant toutes les équipes. J’ai senti une vraie prise de conscience collective et individuelle, ça a donné un très beau mélange, et ça nous a servis pour gagner.
Je suis persuadé qu’on est capables de le reproduire, qu’on sait comment le faire et qu’on est en capacité d’engranger des titres. Après, tout gagner comme à l’époque, peut-être pas, parce qu’en face, ça se renforce aussi. Mais on peut être dans la course aux titres plus souvent qu’on ne l’a été ces dernières années.
Vous avez tout gagné avec les Bleus. Vous voyez-vous continuer aussi longtemps qu’un Mikael Guigou, qui a raccroché à 39 ans après les Jeux olympiques ?
J’ai toujours dit que si dans ma tête j’ai envie et que mon corps suit, tant que je peux jouer au handball, je joue. Si demain, je n’avance plus, il sera temps d’arrêter l’équipe de France et le hand.