PSG - Nice : Pétri de talent mais « encore loin des Bleus », jusqu’où peut aller Amine Gouiri ?
FOOTBALL•Le jeune attaquant de l'OGC Nice semble avoir une marge de progression infinie mais le chemin pour concrétiser ce potentiel est encore longWilliam Pereira et Antoine Huot de Saint Albin
L'essentiel
- Amine Gouiri est le meilleur buteur de l’OGC Nice en Ligue 1 (8 buts).
- Signe qu’après un départ prématuré de l’OL, l’attaquant français confirme les espoirs que beaucoup plaçaient en lui.
- Gouiri a une grande marge de progression, mais il est encore loin du niveau international A, selon Christophe Galtier.
S’il fallait inventer un bingo du parcours type du jeune footeux, Amine Gouiri en cocherait toutes les cases. Garçon poli et travailleur, bingo. Bien entouré, bingo. Surclassé, bingo. Joue en Bleu chez les jeunes, bingo (58 sélections des U16 aux Espoirs, tout de même). L’histoire mignonne qui passe bien dans un portrait de Onze Mondial – meilleur buteur de la Danone Cup 2012 – bingo. L’inénarrable Armand Garrido, un des formateurs de Gouiri à Lyon, a beau affirmer qu’un « garçon n’est jamais parfait », avouez tout de même qu’on frôle le sans-faute.
Il y a bien cette blessure au genou en 2018 ou ce départ prématuré de l’OL pour apporter un peu de nuance à un tableau aussi lisse que les abdos de CR7, mais rien qu’on puisse réellement reprocher à ce garçon qui fait l’unanimité partout où il passe, Rudi Garcia faisant office d’exception à la règle. Ce dernier avait justifié le départ du jeune homme pour Nice à l’été 2020 par un trop-plein au sein d’une attaque où l’actuel meilleur buteur niçois (8 buts en 15 matchs de L1) n’avait pas voix au chapitre, un argumentaire qui a bien mal vieilli en plus de n’avoir convaincu grand monde dans le microcosme lyonnais, à commencer par des supporters attachés (parfois à l’excès) à tout ce qui sort du centre de formation. Ajoutons que leur idole Juninho n’a pas fait grand-chose pour le retenir. Garrido :
« « S’il fallait regretter et en vouloir à l’OL sur tous les joueurs qui l’ont quitté avant de percer en pro, ça en ferait pas mal. C’est vrai que quand ils réussissent à Lyon, il y a un petit côté corde sensible. Mais, aujourd’hui, les joueurs n’ont pas le temps de se montrer qu’ils sont déjà sollicités. Avant, des joueurs comme Tolisso, Lacazette, Giuly, Kanouté avaient 100 matchs derrière eux. Aujourd’hui, les jeunes partent avec une heure en pro. » »
Il n’empêche qu’à écouter l’entourage, le plan de l’attaquant ressemblait plus à celui de ses illustres prédécesseurs qu’au second cas de figure. « Je ne sais pas si on peut parler de rancœur envers l’OL, mais de la frustration, oui, nous dit Abdel Belarbi, qui a accompagné Gouiri pendant ses années lyonnaises. Il a été formé au club. Dans ses discours, il a toujours dit : "moi, j’ai été formé à Lyon, je veux jouer à Lyon, je veux briller à Lyon". Pour lui, il n’était pas question de quitter le club sans avoir joué en pro et avoir montré ce qu’il montre aujourd’hui à Nice. »
A la recherche du temps de jeu perdu
Mais aucune institution, aucun rêve ne remplace le temps de jeu, surtout pas chez un jeune en pleine progression. Belarbi, toujours : « le plaisir d’Amine a toujours été de jouer. Même si c’est un garçon qui était tout le temps surclassé, s’il fallait redescendre avec sa catégorie pour jouer, il le faisait. » Et tant qu’à faire, s’il faut partir au Gym pour percer… Un choix de carrière dont on ne se plaint ni du côté d’Alexy Bosetti, ancien joueur niçois et ultra émérite, « très content que Gouiri soit à Nice », ni de celui de Kasper Dolberg, compagnon d’attaque qui se délecte « de jouer avec un bon joueur comme ça, qui a encore franchi des paliers ces derniers mois. »
Les débuts en Côte d’Azur sont en effet prometteurs : une bonne vingtaine de pions, dont certains très beaux – on vous conseille son dernier chef-d’œuvre contre Clermont – et onze passes décisives avec les Aiglons en une saison et demie, le tout en étant trimballé un peu partout sur le front, tantôt à gauche, tantôt au centre. Le lot des joueurs polyvalents. Christophe Galtier :
« « C’est un joueur d’axe qui n’en était pas un l’an dernier, ce qui ne l’a pas empêché de marquer 16 ou 17 buts dans un système complètement différent. Je pense qu’Amine, qui est un jeune joueur talentueux, peut à la fois jouer sous un attaquant, à côté d’un attaquant, mais aussi sur le côté, notamment sur le côté gauche. » »
En résumé, et pour citer Armand Garrido « Gouiri est un buteur très puissant, qui va très vite, a des enchaînements très rapides et sait se faire oublier pour surgir au bon moment. Mais c’est aussi un passeur. Vous allez me dire Benzema, machin chouette. Non, c’est Amine Gouiri, il a des gestes à la Benzema, il a des attitudes à la Anthony Martial, un petit mélange. »
Quitte à comparer, soyons joueurs. A quelle trajectoire d’ancien attaquant lyonnais pourrait ressembler la carrière du Niçois ?
Fréderic Kanouté. Première partie de carrière linéaire, tout en progression, jusqu’à l’explosion dans un club style Séville, capable d’enquiller les Ligue Europa, mais pas plus.
Toto Martial. Nice qualifiée en C1 après sa 2e place en 2021-2022, Gouiri se hisse au sommet de la hype sur la piste aux étoiles. Le talent est trop évident pour échapper à un gros club qui l’embarquera dans sa valise à la fin de l’année.
Karim Benzema. Pareil, avec le supplément succès + légende vivante dans un club de premier ordre.
Ludovic Giuly. Prend le temps de progresser dans le Sud-Est jusqu’à tenter sa chance dans le nouveau monde, à maturité, à 25 piges.
Encore très loin du niveau des Bleus
Dans un monde où l’un de ces scénarios doit se produire, le dernier est celui qui correspond le plus à l’idée que Bosetti se fait du passage d’Amine Gouiri à la Riviera. « Pour le moment, qu’il grandisse avec Nice. Il y a quelque chose à faire parce que le club est en pleine mutation avec le projet Ineos, et Gouiri va être un cadre de ce projet. Si Nice joue la Ligue des champions régulièrement, il peut rester deux ou trois ans, et pourquoi pas aller dans un top club européen qui a l’habitude des derniers carrés de Champions League. »
Il y a en tout cas consensus autour de l’attaquant, tant sur l’infinité de son potentiel que sur le long chemin qu’il lui reste à parcourir pour atteindre ses objectifs, notamment le passage en équipe de France A. Car entre porter le brassard chez les espoirs et se faire une place au milieu de Mbappé, Benzema et Griezmann, il y a une ou deux galaxies que Christophe Galtier n’a pas tout à fait envie de franchir.
« Il est encore loin du niveau. On voit qui sont les joueurs à son poste en équipe de France. Il a encore beaucoup de chemin à parcourir. Par contre, il met toutes ses chances de son côté puisqu’il travaille beaucoup, il est très investi avant, pendant et après l’entraînement. Il a de l’ambition, c’est bien. Il a de la personnalité, c’est très bien. Qu’il continue comme ça. » « Il a encore la chance de pouvoir évoluer en Espoirs, souligne Bosetti. C’est mieux pour lui d’être capitaine et titulaire en espoirs que sur le banc en A. » Bleus ou pas, il y aurait une nostalgie masochiste à préférer l’inverse.