Condamnation de Benzema : Une nouvelle pierre dans le jardin de la FFF ?
FOOTBALL•La Fédération, qui traverse une période agitée, ne brille pas par sa cohérence sur le dossier BenzemaWilliam Pereira
L'essentiel
- Noël Le Graët a confirmé que Karim Benzema restait sélectionnable en dépit de sa condamnation à un an de prison avec sursis dans l'affaire dite de la sextape.
- Une prise de positions qui interroge sur la mise à l'écart de l'attaquant madrilène en 2016, alors même qu'il était présumé innocent.
- L'attitude générale de Le Graët sur ce dossier, pas toujours lisible, intervient dans un contexte délicat pour la FFF, dans le dur financièrement et accusée de propager une ambiance toxique en son sein.
Partir dans un sens et repartir brusquement dans l’autre. Au football, on appelle ça un appel contre-appel, et s’il est vrai que Noël Le Graët n’a plus tout à fait l’âge de claquer des sprints sur un terrain, ses différentes prises de position au fil du temps dans l’affaire dite de la sextape prouvent qu’il maîtrise plutôt bien le concept.
Reconnaissons d’abord au « Prez » de n’avoir pas changé de cap depuis un mois : condamné ou pas, m’en bats les… Karim Benzema a fait son retour en Bleus à l’Euro, il n’est donc pas question de laisser un tribunal correctionnel – celui de Versailles, qui a condamné l’attaquant français à un an de prison avec sursis et 75.000 euros d’amende pour complicité de tentative de chantage – couper court à la belle histoire, celle où KB19 soulève son premier trophée en attendant, qui sait, la troisième étoile.
Un revirement difficilement explicable
NLG a donc déclaré mercredi, dans des propos relayés par L’Equipe, qu’« en ce qui concerne la Fédération, il n’y a aucun changement. Il reste sélectionnable, tout en regrettant ce fâcheux dossier. […] Cette sanction ne change rien pour moi. » Et ce, même en cas d’appel infructueux des avocats de Karim Benzema. Désormais prévalent la performance, la bonne conduite et donc, Didier Deschamps, qui a choisi de rappeler l’attaquant madrilène en mai, et ne peut s'en plaindre sportivement.
Un choix comme un autre si on omet de rappeler la mise au ban de l’attaquant, condamné pendant cinq ans à tâter le cuir avec l’équipe C du Real du côté de Valdebebas à chaque trêve internationale, conséquence directe de la prise de position de NLG avant l’Euro 2016. A l’époque, celui-ci avait déclaré Benzema non sélectionnable « jusqu’à ce que la situation judiciaire évolue » et s’était refusé à « gérer (cette affaire) en tribunal populaire », plaidant l’indécence. Appel contre-appel. Ni le premier, ni le dernier, mais celui-ci n’est pas pour servir l’image d’une Fédé écornée depuis plusieurs mois.
Ambiance toxique à la 3F
L’an passé, une enquête du New-York Times faisait état d’« une culture d’entreprise toxique » au sein de la 3F. Pour faire court, une demi-douzaine d’employés et ex-employés de la fédération y décrivaient « un environnement de travail dans lequel le langage inapproprié, le harcèlement moral et le stress sont quotidiens. » Ce à quoi l’instance du foot français répondra entre autres mesures, par la mise en place d’une formation « anti-harcèlement », obligatoire pour ses employés début 2020.
Le détail n’est pas anodin. Fin octobre 2021, la Fédération française de football a été condamnée par le conseil des prud’hommes de Paris à payer 10.000 euros de dommages et intérêts pour des faits de « harcèlement sexuel » sur une ancienne salariée. Comme mentionné par L’Equipe, la plaignante, stagiaire puis embauchée en CDD à la FFF, avait déposé plainte en 2018 pour « des faits de harcèlement sexuel continu » et pour « deux tentatives d’agression sexuelle ». commis, selon ses déclarations, par son supérieur hiérarchique à la direction financière, Marc Varin.
Pas encore notifiée de la décision au moment de la publication de l’article, la Fédération, avertie en son temps des supposés agissements de son directeur financier, avait fait savoir au quotidien sportif qu’elle « ferait appel de cette décision », puisque le parquet de Paris n’avait initialement pas donné suite aux accusations de la jeune femme.
Les contrats de la discorde
Une autre condamnation problématique pour la Fédé, dans un contexte économique moins reluisant qu’auparavant. Le groupe TF1-M6, actuel détenteur des droits tv des rencontres de l’équipe de France, a répondu à l’appel d’offres pour la période 2022-2028 par une proposition estimée à 2,5 millions d’euros, soit un million de moins que les 3,5 versés actuellement, qui correspondent également au prix de réserve. Pas forcément réjouissante, l’offre a été poliment refusée. Conséquence, après deux tours d’appel d’offres, les Bleus ne savent toujours pas sur quelle chaîne ils seront diffusés l’année prochaine.
Noël Le Graët est aussi parti en croisade contre le contrat qui lie les Bleus au Stade de France, qu’il ne renouvellera « jamais de [sa] vie ». Trop coûteux, trop peu rentable, bref, trop tout, le contrat liant la FFF au consortium de l’enceinte sportive est estimé à 8 millions annuels avec l’obligation d’organiser quatre matchs à la Plaine Saint-Denis, rencontres que plus grand monde n’a envie de diffuser, donc.
Le tableau est sombre, mais pas tout noir. Le Graët peut toujours se réjouir du « plus beau contrat du monde » signé avec Nike : 50,5 millions d’euros annuels sur 2018-2026. Une assurance financière qui pourrait permettre à la FFF de « présenter un budget équilibré pour l’année 2021-2022 » selon l’intéressé dans Le Parisien, alors même qu’un déficit prévisionnel supérieur à 5 millions d’euros était annoncé en juin. Enfin, le plan social à la FFF a finalement concerné un peu moins de salariés que prévu (22 postes dont deux vacants, contre 26 postes dont deux vacants). Preuve que changer d’avis a aussi du bon.