VOILERuyant va « pousser le bateau plus loin qu’en solo » sur la Jacques-Vabre

Transat Jacques-Vabre : Thomas Ruyant va pouvoir « pousser le bateau plus loin qu’en solo »

VOILEA un, à deux ou à cinq. Pour une journée ou pendant 80 jours. Thomas Ruyant multiplie les formats de courses ces derniers mois. A moins d’un mois de la transat Jacques-Vabre, il explique à 20 Minutes ce que ça lui apporte
Floréal Hernandez

Floréal Hernandez

L'essentiel

  • Pour la transat Jacques-Vabre, Thomas Ruyant navigue en duo avec Morgan Lagravière. Il va s’appuyer sur les sensations de « waterman » de son co-skipper pour faire progresser sont bateau LinkedOut.
  • Sur cette course, il sait qu’il va pouvoir « un peu débrancher le cerveau ».
  • Le skipper se réjouit du retour du public au départ du Havre, le 7 novembre, après un Vendée Globe sous cloche sanitaire.

Un, cinq, deux, quatre-vingt, quinze, quarante-huit. Non, ce ne sont pas les chiffres porte-bonheur de Thomas Ruyant au Loto. Mais ceux du nombre de marins embarqués et du nombre de jours ou d’heures, des dernières courses du skipper sur son Imoca LinkedOut ces derniers mois. Aujourd’hui, avec Morgan Lagravière, le skipper natif de Dunkerque se prépare pour la transat Jacques-Vabre, qui part du Havre (Seine-Maritime), le 7 novembre, pour rejoindre la baie de Fort-de-France.

Thomas Ruyant raconte à 20 Minutes comment il aborde ces changements de course qui n’ont qu’un but : le préparer pour le Vendée Globe 2024. Et comme le marin natif de Dunkerque n’est pas seul sur la transat Jacques-Vabre, son co-skipper s’invite pour le café.

Thomas Ruyant et Morgan Lagrvière sur
Thomas Ruyant et Morgan Lagrvière sur  - Pierre Bouras - TR Racing

« Presque un autre sport que le Vendée Globe »

Vendée Globe, The Ocean Race Europe, défi Azimut, Transat Jacques-Vabre, le programme de Thomas Ruyant est allé du tour du monde en solitaire à la régate d’1h30. « Ces courses permettent de piocher, de s’enrichir sur des façons de faire des uns et des autres, de progresser. Sur le tour d’Europe, Quentin Ponroy qui dessine des voiles est revenu avec plein d’idées pour aller encore plus vite et développer le jeu de voiles », détaille-t-il. Et « les rôles ne sont pas les mêmes selon l’équipier que tu embarques. Morgan [Lagravière] a un feeling énorme. Il est tout le temps sur l’eau en kitesurf, wingfoil, etc. C’est ça aussi qui lui donne toutes ces sensations. Il apporte un truc en plus qui fait progresser le bateau. » Courir en équipage permet également « de pousser le bateau plus loin qu’en solo. C’est presque un autre sport que le Vendée Globe », juge Ruyant. Car la finalité reste une victoire aux Sables-d’Olonne en janvier 2025 avec si possible des succès au passage sur la Transat Jacques-Vabre 2021 ou la Route du Rhum 2022.

« Des choix différents que si j’étais seul »

Le Breton d’adoption se nourrit des qualités de ses co-skippers. « Avec le tour d’Europe, ou avec Morgan, je découvre d’autres modes de fonctionnement du bateau ». « Sur The Ocean Race Europe, on avait pris une ancienne voile retaillée pour en faire une voile de petit temps. Elle nous a bien servi, a été efficace aussi sur d’autres navigations, on l’embarque sur la Jacques-Vabre. Je vais faire des choix de voiles un peu différents que si j’étais seul, pour aller plus vite », annonce-t-il. Sur cette course, il embarquera également « moins de matériels », et va moins utiliser le pilote automatique.

Il compte sur le côté « waterman » de son coéquipier pour optimiser leur performance. Initié au surf, au kite, etc. à la Réunion dont il est natif, Morgan Lagravière s’appuie sur les sensations qu’il a acquises dans « ces disciplines sans électronique et avec peu d’outils technologiques où l’utilisation de ses sens sert la performance. Ces sensations ont leur place sur Gitana ou LinkedOut. Parfois, elles perfectionnent la technologie ou l’électronique, parfois elles les contredisent. » Toutes ces expérimentations sont au service du résultat et du « nouveau bateau qui arrive [TR Racing a entrepris la construction d’un nouveau bateau pour le Vendée Globe 2024​], tout ce qu’on fait là doit servir pour faire un bateau encore meilleur. »

Un siège pour deux

LinkedOut a été pensé pour Thomas Ruyant. Un cockpit à sa taille et un siège de pilotage moulé pour lui. Quand Morgan Lagravière le rejoint pour la Transat Jacques-Vabre, il « s’adapte », lance le propriétaire des lieux. « Morgan rentre un peu plus difficilement dans le siège car j’ai le buste un peu plus court que lui, sourit Thomas Ruyant. On ne révolutionne pas le bateau pour 15 jours. » Le tour d’Europe réalisé cet été à cinq a montré que l’Imoca « est plutôt bien adapté pour la navigation en équipage, donc en double, pas de problème ». Pour son co-skipper, ces questions de sur-mesure et de confort « sont des faux problèmes. Depuis l’arrêt du projet Safran [en 2017], je suis plus à naviguer sur le bateau des autres que sur mon propre bateau. C’est quelque chose qui se fait naturellement. » Morgan Lagravière poursuit : « Avec Thomas, on est en phase sur la dimension performance et les objectifs associés. »

« Les problèmes, on les résout à deux »

A deux, la vie est plus facile. Tout du moins sur un bateau et pour quinze jours. « On ne dort pas de la même façon que sur le Vendée Globe, les problèmes, la stratégie météo, les réglages du bateau, on les résout à deux », explique Thomas Ruyant. Le skipper est moins sous pression pour une Transat Jacques-Vabre qu’un tour du monde en solitaire, sur lequel « il est tout le temps aux aguets, un coin du cerveau branché sur le bateau. Là, on peut un peu le débrancher. En double, on fait des quarts de deux ou trois heures où on est au taquet sur les réglages du bateau, après on sait qu’on a trois heures derrière pour enquiller des siestes. En solo, je ne m’autorise qu’une demi-heure, une heure de sieste. »

Préparations technique et mentale

Pour la Transat Jacques-Vabre, LinkedOut va être doté de nouveaux foils. Sur le Vendée Globe, Thomas Ruyant s’est retrouvé scie à la main pour raccourcir le sien endommagé. « Après la casse, il n’était pas récupérable et on a eu un doute sur le deuxième [identique]. On a une V3 pour améliorer le design et encore progresser. » Du côté de la préparation, Thomas Ruyant n’a pas encore exploré la préparation psychologique. « Je commence à y penser pour progresser, mieux assumer certaines phases de la course. » Sur une Transat Jacques-Vabre, elle n’est pas nécessaire « car on a la chance de pouvoir avoir un échange humain. En solo, c’est plus compliqué ».

Bain de foule avant la houle

Au départ du Havre (Seine-Maritime), le 7 novembre, pour la Transat Jacques-Vabre, Thomas Ruyant s’attend à « retrouver ce partage avec le public [au village départ] que l’on avait perdu sur le dernier Vendée Globe à cause du Covid-19 ». Ala bulle sanitaire à quai, s’étaient ajoutés « des cordons de CRS dans le chenal à la place du public ». Dans le port normand, il va redoubler de « vigilance sur le plan d’eau avant de partir. Au prédépart, on est un peu plus à l’étroit, il faudra faire attention car il y aura beaucoup de monde, pense le skipper, avec encore plus de Zodiac [que d’habitude] car il y a plus de partenaires. » La Transat Jacques-Vabre compte 80 bateaux engagés.

20 secondes de contexte

Partenaire de Thomas Ruyant lors de la Transat Jacques-Vabre 2019 et du Vendée Globe 2020, 20 Minutes continue d’accompagner le skipper sur la Transat Jacques-Vabre 2021.