JO 2021 - Kayak : C’est comment un sprint ? Maxime Beaumont décortique chaque phase d'un effort particulièrement violent
KAYAK•Le vice-champion olympique de Rio décrit ce qu'il ressent et ce à quoi il pense avant et pendant la courseNicolas Camus
L'essentiel
- Les qualifications du sprint K1 200m démarrent ce mercredi matin aux Jeux olympiques de Tokyo.
- Médaillé d'argent sur cette distance il y a cinq ans à Rio, Maxime Beaumont est toujours là, avec pour objectif de grimper sur la marche au-dessus.
- Avant de se lancer, le Boulonnais détaille ce qu'il se passe dans sa tête et son corps pendant les différentes phases de ce sprint de plus de trente secondes.
De notre envoyé spécial à Tokyo,
Maxime Beaumont n’a pas connu la préparation qu’il imaginait. Après un hiver passé à bosser dur, au cours duquel il a pour la première fois depuis longtemps senti le souffle des autres membres de l’équipe de France de kayak sur son dos, le médaillé d’argent de Rio en K1 200 m a eu du mal à récupérer. « Je commençais à douter, à me dire mince, je veux être champion olympique et je ne suis pas capable d’être le meilleur Français… Je psychotais un peu », avoue-t-il.
Sorti vainqueur malgré tout des sélections nationales, il a craint ensuite de tout perdre avec la remise en jeu des tickets olympiques en Coupe du monde. Pas de coupure, donc, et une usure mentale et physique dont il peine à se remettre. Début juillet, avant de s’envoler pour Tokyo, il lui restait quelques ajustements techniques à effectuer. Mais les sensations étaient bien là. L’occasion de lui demander ce qu’on ressent, exactement, pendant un effort aussi violent qu’un sprint en kayak. Le Boulonnais, au départ des séries ce mercredi, décortique pour nous toutes les phases d’une course qui ne dure, finalement, qu’un peu plus de 35 secondes.
- Avant le départ
« J’essaie de me concentrer uniquement sur ce que je contrôle. J’ai conçu un document sur lequel j’ai noté toutes les phases du 200 mètres, avec tout ce que je dois faire, à chaque moment. Tout ce sur quoi je dois me concentrer, tout ce à quoi je dois penser, tout ce que je vois, tout ce que j’entends. En fait, décliner mes cinq sens, à chaque moment de la course. Le but est de me concentrer là-dessus, pour ne pas partir dans tous les sens, et notamment dans l’enjeu de la course. Je me dis je dois faire ça, puis ça, puis ça, pas je dois être champion olympique dans 200 mètres. »
- Le départ
« Tout se joue sur les muscles posturaux. En trois coups de pagaie on passe de vitesse 0 à la moitié de notre vitesse maximale, donc ces trois premiers coups sont très puissants, violents même. Les muscles du haut du corps vont nous aider à bouger le moins possible, parce que chaque mouvement va avoir de l’impact sur l’assiette (l’équilibre transversal) et la gîte (l’inclinaison latérale) du bateau. Et donc nous ralentir. C’est là que ça tire de partout, il faut s’arracher tout en restant le plus droit possible. »
- La phase d’accélération
« Le départ c’est quatre à six gros coups de pagaie, ensuite on entre dans la phase d’accélération proprement dite, que ce soit en vitesse pure ou en cadence de pagayage. Elle dure jusqu’aux 50 mètres. Là, on atteint notre vitesse maximale, environ 6,5 m/s (soit un peu plus de 23 km/h). On est alors sur un plateau, et on va conserver cette allure pendant une cinquantaine de mètres. Quand je suis en forme, c’est la partie que je préfère. Tout semble facile, le bateau avance très vite et presque sans effort, c’est agréable. A la manière dont ça glisse sur l’eau, je sais si je suis dans un bon jour ou dans le dur. Sur la tenue du bateau, aussi. Quand il se lève bien, qu’il est dans ses lignes, que la pointe ne bouge pas du tout, là je sais que tout est en place. »
- La phase de décélération
« Ensuite, le but est de maintenir le bateau à la vitesse la plus élevée possible. C’est compliqué, parce qu’on commence à avoir mal partout mais il faut éviter la crispation. Plus on est relâché, plus on arrivera à entretenir notre vitesse. On va sentir tout de suite de la résistance dans la pagaie, donc il faut réalimenter pour ne pas ralentir. C’est un peu l’image du planeur, on met les gaz pour atteindre la hauteur maximale, une fois en haut il n’y a plus rien à faire, et quand il redescend, il faut se battre un peu avec pour ne pas qu’il parte dans tous les sens. »
- L’arrivée
« Déjà, on essaie de ne pas regarder ce qui se passe à côté, ce qui n’est pas toujours simple. Ça va tellement vite les fréquences de pagaye, ça doit être tellement réglé au millimètre que si on désorganise tout ça, on ne s’en remet pas. Parfois, on peut tenter un jeté de bateau. C’est pas facile de savoir quand le faire exactement, parce que d’où on est on ne voit pas bien les petites lignes qui indiquent l’arrivée. C’est assez technique, on fait une sorte de gondole avec la pagaie, et puis on jette tout le corps en avant. Ça peut faire gagner une course, ça m’est déjà arrivé d’ailleurs. Et j’ai déjà atteint ma vitesse max sur un jeté. Si si (sourires). »