Droits TV : Face aux députés, Didier Quillot conteste tout « aveuglement » dans le fiasco Mediapro
FOOTBALL•L’ancien directeur général de la LFP a assuré que tout avait été fait dans les règlesNicolas Raffin
L'essentiel
- L’ancien dirigeant de la LFP Didier Quillot a été auditionné ce jeudi par les députés.
- Il est revenu sur le scandale Mediapro, qui, après avoir remporté en 2018 l’appel d’offres pour diffuser la Ligue 1, a rapidement arrêté de payer, mettant les clubs en grande difficulté.
- L’ex-DG n’a pas fait de mea culpa, rappelant que les décisions avaient été prises de manière collective.
Didier Quillot aurait peut-être aimé que son audition à l’Assemblée ne soit pas diffusée en clair. L’ancien directeur général de la Ligue de football professionnel (LFP) était questionné ce jeudi par les députés, dans le cadre d’une mission parlementaire sur les droits TV du sport. Le thème principal tournait autour du naufrage Mediapro, choisi par la LFP en 2018 pour diffuser la Ligue 1 de 2020 à 2024, mais qui a très vite refusé de payer. Et sans surprise, Didier Quillot a rappelé qu’il n’avait été qu’un maillon de la chaîne qui a conduit le foot français au bord du précipice.
Petite pause fraîcheur, le temps de revoir cette action. Après avoir promis de régler un montant record – 780 millions d’euros par an, le groupe sino-espagnol avait stoppé ses versements dès octobre 2020, trois mois à peine après le début du championnat. Une vaine médiation avait suivi, et la LFP avait dû réattribuer les droits en catastrophe à Canal+, le tout avec une énorme décote. Au total, les clubs de Ligue 1, qui attendaient 1,15 milliard d’euros de recettes – en incluant les montants versés par BeIn et Free – pour la saison 2020-2021 n’en auront touché que la moitié (650 millions d’euros). De quoi mettre la pagaille dans des budgets déjà fragiles.
« Intensité additionnelle »
En tant que directeur général disposant du pouvoir exécutif, Didier Quillot était aux premières loges de la négociation des droits TV. Mais ce jeudi, l’ancien dirigeant de la LFP a surtout utilisé le « nous » plutôt que le « je » pour répondre aux questions des députés. Et il a cherché à démontrer que toutes les décisions de l’instance avaient été prises « avec beaucoup de rationalité », et surtout de manière collective. « Nous n’avons été ni aveuglés ni imprudents » a-t-il résumé.
Il a d’abord tenu à rappeler le « contexte » de l’appel d’offres construit en 2018. A l’écouter, le championnat de Ligue 1 avait à l’époque « une intensité additionnelle qui augment [ait] la valeur du produit ». Un beau jargon marketing pour dire que plusieurs événements – l’arrivée de Neymar au PSG (à l’été 2017) et le sacre de Monaco la même année, notamment – auraient donné un regain d’intérêt au championnat de France.
La « pression » des clubs
Par ailleurs, les autres gros championnats européens (Angleterre, Espagne, Allemagne, Italie) avaient tous des droits TV proches ou largement supérieurs au milliard d’euros annuel. « Il y a eu une très forte pression des présidents de clubs pour que les droits du foot français soient revalorisés, a donc expliqué Didier Quillot. La mission était d’atteindre ce fameux milliard d’euros ». L’argument de défense est donc clairement affiché et assumé : la LFP n’aurait fait qu’accompagner la volonté des clubs de décrocher le pactole.
Après un travail préparatoire, la LFP décide de fixer le prix minimum (dit « de réserve ») des droits TV 2020-2024 à 965 millions d’euros par an. Un prix « validé par le comité de pilotage » de la Ligue, a rappelé Didier Quillot. Le règlement de l’appel d’offres est alors déposé à l’Autorité de la concurrence. Pour se protéger en cas de défaut de paiement d’un diffuseur, une « garantie de la société mère » est prévue et doit permettre d’éviter un scénario catastrophe. « C’est ce que la Ligue demandait à chaque appel d’offres depuis plus de vingt ans » a poursuivi l’ancien DG.
Une garantie « impossible »… finalement appliquée
Mais contrairement aux autres appels d’offres, celui de 2018 s’est mal terminé. Car lorsque la LFP a voulu faire jouer la clause de la « société mère » pour obtenir les sommes dues par Mediapro, elle est tombée sur la holding du groupe espagnol, Joye Media. Pour le dire autrement « c’est un peu comme si Mediapro s’était portée caution pour Mediapro. C’était une garantie de papier ! » résume Pierre Maes, consultant spécialisé en droits TV, dans un article de France Culture.
A en croire Didier Quillot, aucune autre option ne pouvait être envisagée. La plus sécurisante aurait été la « garantie bancaire à première demande » : c’est lorsqu’une banque accepte de bloquer une somme correspondant à tout ou partie des droits TV, et s’engage à la verser sans rechigner en cas de défaut du diffuseur. « Une garantie entre trois et quatre milliards d’euros [correspondant à la totalité du contrat] était strictement impossible », a martelé l’ancien DG. Il faut croire que le naufrage Mediapro a servi à quelque chose, puisque la LFP a finalement inclus cette clause dans son dernier appel d’offres pour 2021…
« Il n’y a pas eu de dysfonctionnement »
Au final, face à des députés très courtois et pas très incisifs, Didier Quillot n’a jamais semblé en difficulté. Les membres de la commission ne l’ont ainsi pas interrogé sur la déclaration d’Emmanuel Macron en septembre 2020. « On avait alerté la Ligue. On savait que ce contrat [avec Mediapro] était fragile. Je pense que les personnes qui l’ont négocié n’ont pas été très sérieuses », avait taclé le président de la République. Didier Quillot avait rétorqué quelques mois plus tard n’avoir jamais reçu d’alerte de l’Elysée.
Titillé sur la restitution de son bonus obtenu après l’appel d’offres de 2018, l’ancien DG de la LFP ne s’est pas démonté : « le contrat n’a pas été exécuté, donc cela me paraissait normal de le rendre. Ce n’est absolument pas une preuve de quoi que ce soit. Il n’y a pas eu de dysfonctionnement, mais celui qui a supervisé doit prendre sa part de solidarité ». Pour la responsabilité, ce sera plus tard (ou jamais).
Finalement l’ex-dirigeant du foot français a concédé, de lui-même, un mini mea culpa : « Est-ce que nous aurions pu faire les choses différemment ? Oui, sur un point. Nous aurions pu prévoir dans le règlement [de l’appel d’offres] le dépôt d’un acompte 10 à 20 % des droits de la première année ». Avant d’ajouter immédiatement : « A mon avis, Mediapro aurait payé [en 2018] ».